Brève réflexion sur les débats politiques et la participation citoyenne

Ce lundi, j’ai eu la chance de modérer le débat préélectoral à Genappe (pour cause de désistement à la dernière minute du journaliste qui devait modérer).

L’expérience a été intéressante et je remercie les organisateurs de m’avoir proposé cette modération.

J’ai envie de donner mon “point de vue”, qui est forcément celui de quelqu’un qui voyait le public de face, puisque j’étais sur scène avec les candidats, pour modérer.

Je me suis demandé, à plusieurs reprises, à quoi pouvait bien servir ce genre de débat. Ca peut paraître bizarre de dire ça – et je ne veux pas du tout cracher dans la soupe ! Je m’explique : en connaissant pas mal de monde à Genappe, j’avais l’impression de pouvoir identifier clairement les groupes politiques dans le public. Pas mal de #CréonsDemain, dispersés en 2 groupes principaux, les PluS au fond, les MR-CDH au milieu (et quelques-uns debout derrière), et Ensemble devant. Et puis quelques citoyens engagés, qui ne sont pas rattachés explicitement à une formation politique, mais qui, par leur engagement dans la commune, sont bien au fait de tout ce qu’il se passe.

Du coup, ma question est : est-ce qu’il y a vraiment beaucoup d’habitants qui sont venus s’informer lors de ce débat ? Alors, j’en ai déjà discuté avec certains, et il semble que oui, il y avait des habitants qui étaient venus pour s’informer. Mais j’ai l’impression qu’ils étaient très minoritaires. Quand les candidats, qui étaient à côté de moi, parlaient, je voyais les réactions dans la salle, et donc je voyais les groupes politiques opiner du chef lorsque leur candidat parlait, et grincer des dents (ou rigoler) lorsque les autres candidats prenaient la parole. Bref, ça donnait l’impression que le public était davantage là pour “supporter” un candidat que pour s’informer.

Je pense que c’est la limite de ce genre de dispositif. En même temps, on ne peut pas se passer de ce genre de débat, parce que la démocratie, c’est débattre, c’est confronter les idées, etc. Mais est-ce que ce type de dispositif permet cela ? Et si pas, quel serait le bon dispositif pour permettre un réel échange d’idées ?

Et en poussant la question plus loin, on peut se demander : y a-t-il quelqu’un dans la salle qui est arrivé « vierge » de toute intention de vote et qui en serait reparti avec une idée claire de son choix dans l’isoloir ? Celles et ceux qui ne savent pas pour qui voter ne viennent pas à ce genre de débat. Et celles et ceux qui viennent à ce genre de débat savent déjà très bien pour qui voter.

L’enjeu majeur de la participation citoyenne, ce sera, j’en suis convaincu, de construire des dispositifs permettant de faire débattre de la chose publique, celles et ceux qu’on ne touche pas par ce genre de débat… c’est-à-dire 99% de la population.

(Je précise bien que ce n’est pas une critique de l’organisation du débat de lundi, c’est une réflexion plus large) 😉

Le lendemain, la liste citoyenne Kayoux, à Ottignies-LLN, qui n’a pas été invité au débat préélectoral de la chaine locale TV Com (parce qu’il manquait de places sur le plateau et que leurs critères de sélection consistaient à favoriser ceux qui ont gagné les élections précédentes ??), organisait un Facebook Live, qui leur a permis de répondre à pas mal de questions en une bonne heure de diffusion. Le dispositif n’implique aucun coût particulier (pas de salle à louer, d’ingénieur du son pour les micros, etc.) et permet une accessibilité intéressante : un des problèmes de la participation citoyenne, c’est la disponibilité des citoyens. Typiquement, un débat à 19h, c’est compliqué pour les parents, c’est l’heure du bain, du souper, de la mise au lit (tous les parents connaissent ça). Pour les parents en couple, ça demande une organisation. Pour les parents seuls, c’est impossible. Le Facebook Live de Kayoux, j’ai pu le suivre en préparant le souper pour mes enfants (ma femme travaillant plus tard le mardi). Un tel débat en chair et en os, au même moment, je n’aurais pas pu y assister…

Je suis convaincu qu’il y a une réflexion fondamentale à avoir sur les aspects purement “communication” et “organisation” de la participation citoyenne. Et c’est une réflexion que je ne retrouve pas dans tous les partis qui se disent “citoyens” à l’heure actuelle. C’est facile de dire “on va tenir compte de l’avis des citoyens“. OK, cool ! Mais comment ? Parce qu’on voit que les dispositifs actuels ne fonctionnement pas nécessairement bien. Que ce soit les consultations, les concertations, les commissions, etc. On voit que c’est compliqué parce que souvent, ça ne touche pas tant de monde que ça. On a tous connu des réunions, au niveau local, où il y a 6 personnes, et c’est toujours les mêmes. Il y a un réel enjeu quant au nombre de personnes qu’un processus participatif arrive à impliquer.

Je l’ai déjà écrit à plusieurs reprises, un parti est “citoyen” s’il fait en sorte que l’ensemble de la population qui le concerne peut jouer son rôle de citoyen. Et donc, il y a des choses concrètes à mettre en place. Des dispositifs participatifs.

Et je pense que la technologie – et internet – peut être un élément important, même si ça ne résoudra pas tout. Et là, il y a un immense chantier à construire au niveau de la participation citoyenne, pour que cette volonté hyper-présente à l’heure actuelle d’impliquer les citoyens dans des processus participatifs puisse se concrétiser dans des dispositifs concrets ! Sinon, ça restera juste des belles intentions…

Alors, si vous avez des idées concrètes, discutons-en en commentaires ici en-dessous ! 😉

2 Replies to “Brève réflexion sur les débats politiques et la participation citoyenne”

  1. C’est intéressant comme réflexion mais je redoute aussi l’effet loupe des réseaux sociaux où une minorité très bruyante occupe beaucoup d’espace et donne l’impression d’une grande légitimité.

    C’est surtout un constat posé sur Facebook qui est loin de favoriser des débats posés.

    • Salut Seb ! Merci pour ton commentaire !
      C’est clair que les outils actuels ne sont pas encore idéaux. Et je suis le premier à trouver que les débats sur Facebook et Twitter n’amènent généralement à rien, sauf à une radicalisation de part et d’autre… C’est pour ça que je disais qu’il y avait quelque chose à construire. L’implication des citoyens dans des dispositifs et des processus participatifs doit faire partie intégrante de la prise de décision “normale” en démocratie…Et quand les gens doivent vraiment décider ensemble, et que ce n’est pas juste du débat “en l’air” sur les réseaux, alors les gens sont souvent beaucoup moins radicaux… Je crois beaucoup aux processus réels et concrets qui font décider les gens ensemble. Sur les réseaux sociaux, les gens parlent mais n’ont pas à décider ensemble => ça, ça favorise les positions extrêmes à mon avis…

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