Brève réflexion sur le retrait de Greg Glassman à la tête de CrossFit HQ…

Greg Glassman qui se retire de la direction de CrossFit, Inc., suite à ses propos offensants, et Dave Castro qui devient CEO, c’est l’histoire universelle du meurtre symbolique du père. Une communauté encore primitive doit nécessairement tuer le père pour se fonder en tant que “vraie” communauté, civilisée et organisée (1). On ne pouvait pas vraiment y échapper.

C’est-à-dire que celles et ceux qui s’étonnent que 2 tweets et un mail puissent déclencher un tel sacrifice, passent, je pense, à côté du fait que c’est quelque chose qui devait arriver, tôt ou tard. Et c’est assez logique que ça arrive dans une période de bouleversements et de violence, avec d’un côté une pandémie qui bloque la planète entière et de l’autre une mobilisation sans précédent contre les violences raciales.

Et en fait, c’est plutôt sain : la communauté créée par Glassman est devenue plus forte que lui, en tant que père. Et c’est précisément ce que nous avons vu avec les nombreux messages de salles CrossFit et de “red shirts”, les membres du Staff L1 et L2 (ici un post de Karl Steadman). L’idée générale est : nous sommes fiers de faire partie de cette communauté, et nous ne voulons pas que les propos de Greg Glassman (ou peut-être son attitude générale), dans lesquels nous ne nous reconnaissons pas, mettent en danger cette belle et forte communauté, composée de 15.000 salles affiliées, qui aident au quotidien des millions de personnes à être en meilleure santé.

Nous sacrifions donc le “père”, pour sauver la communauté. Classique. Pour la sauver et pour la pacifier ! (2) On ressent très bien cette volonté de “pacifier” dans le texte “Why Didn’t CrossFit Just Say Something?” publié aujourd’hui sur CrossFit.com.

Continue reading Brève réflexion sur le retrait de Greg Glassman à la tête de CrossFit HQ…

Interview par Florian Odwa-Etter : la notion de “care” et de “communauté”

Dans cet entretien, je passe de l’autre côté, et c’est moi qui réponds aux questions ! 😉 Merci à Florian Odwa-Etter pour cette opportunité de pouvoir parler de choses qui me passionnent !

Cette première vidéo est consacrée à l’idée du “CARE” en anglais 🇬🇧 (ou le fait de “se soucier de” en français 🇫🇷 ). Ca m’a donné l’occasion de replacer cette notion, très présente dans le CrossFit, dans une approche centrée sur l’HUMAIN, et présenter un peu ce que l’on fait à CrossFit Nivelles.

Et puis, on a parlé “COMMUNAUTÉ”, et j’ai réexpliqué ce que certains et certaines avaient peut-être entendu lors du séminaire #HealthyBusiness : la notion de “communauté” au sens des pères fondateurs de la sociologie, et les implications en matière de “community management” dans une salle CrossFit.

Ca me permettait aussi de répondre à cette question classique : En quoi le CrossFit n’est pas “une secte” ? 🙂 Et comment articuler cela avec le fait qu’il puisse y avoir un “culte” autour du CrossFit, et avec le fait qu’on réponde probablement à un besoin de communauté, là où les religions n’y répondent plus tout à fait…
👉 D’ailleurs, si le sujet vous intéresse, je vous conseille aussi d’aller écouter le Lockdown Calling que j’ai fait avec Ahmed Yetrib, théologien, où on parle de tout cela également ! 😉

Merci à Florian pour cette opportunité ! Et hâte de pouvoir partager la suite !!

Coronavirus : la propagation d’une communauté à l’autre

Yaneer Bar-Yam fait partie des scientifiques qui ont été les premiers à prendre la mesure des dangers du coronavirus, dès le mois de janvier. 

Le 19 mars, il a publié cette note très intéressante sur la contagion de communauté à communauté. 

A lire ici : https://necsi.edu/eliminating-covid-19-a-community-based-analysis

Une très brève synthèse, ci-dessous, mais je vous invite à lire l’article : 

1) La plupart des études s’intéressent uniquement à la contagion d’individu à individu. 

2) Cette analyse s’intéresse au nombre moyen de communautés qu’infecte une communauté infectée. 

3) Peu importe la taille de la communauté : pays, ville, etc…

4) La contagion de communauté à communauté est *proportionnelle* à la probabilité qu’un individu d’une communauté infectée voyage jusqu’à une communauté non-infectée, et *exponentielle* par rapport à la longueur du délai des actions prises au sein de la communauté. 

Dit autrement : 

Continue reading Coronavirus : la propagation d’une communauté à l’autre

Le besoin de communauté

Je suis persuadé qu’actuellement, nous ne faisons que recréer des paroisses. Lors du Séminaire #HealhtyBusiness (à CrossFit Nivelles), je parlais de la construction de communautés dans le CrossFit, et du lien avec les communautés religieuses. Et tout ce que j’ai dit lors de cette conférence vaut pour beaucoup de projets “en transition” également…

Cet article est celui du membre d’une église américaine qui décrit le manque de communauté de son église. Merci à internet d’avoir mis, par hasard, cet article sur mon chemin. Comment ? Je ne sais pas, mais merci ! Prenez le temps de le lire, c’est très intéressant !

> > > “Church Without Community“, The American Conservative, 12 décembre 2019.

Ca me conforte dans l’idée qu’on a besoin de ce niveau intermédiaire entre la famille et “la société”. Et les paroisses représentaient une forme de communauté, avec toutes les caractéristiques des liens communautaires : un sentiment d’appartenance, de l’interconnaissance (on sait qui est qui), de la solidarité, de l’entraide, de l’affectivité, etc. Continue reading Le besoin de communauté

Empowerment & Anti-délégation : un exemple de circuit court pour l’alimentation

Photo 28-12-13 17 39 00

L’un des avantages de publier l’ouvrage “Empowerment ou la société de l’anti-délégation” au fur et à mesure, c’est de pouvoir régulièrement publier des articles sur des faits précis, et montrer en quoi ils s’inscrivent dans la réflexion plus large que je propose…

Aujourd’hui, par exemple, je lisais, dans l’excellente revue « Socialter. Le Magazine de l’économie nouvelle génération », un article sur « La Ruche qui dit Oui ».

Créée en 2011, cette entreprise d’économie sociale et solidaire (ESS) a permis la création de plus de 300 « ruches », comptant 150.000 membres. Ces ruches sont des lieux d’échange entre producteurs locaux et consommateurs. Le principe ? Un particulier, une association, une entreprise, décide d’ouvrir une « ruche ». Il contacte les producteurs de fruits, légumes, viande, etc., dans un rayon de maximum 250 km. Chaque semaine, l’animateur de la ruche publie sur le site internet une liste de produits fermiers disponibles (donc locaux, de saison, etc.). Chaque producteur fixe son prix. Les consommateurs commandent sur internet. Si la commande n’est pas suffisante, il n’y a pas de livraison, il n’y a donc jamais de gaspillage. Le jour fixé, consommateurs et producteurs se retrouvent et l’échange est fait.

La vente est donc directe. C’est ce qu’on appelle le « circuit court ». Et c’est le producteur qui fixe ses prix. Il n’y a ni grossistes, ni grandes enseignes commerciales pour déterminer les prix, parfois au détriment des producteurs. De cette manière, 1.400.000 produits ont déjà été vendus (au 1er septembre 2013).

Ce qui m’intéresse particulièrement, c’est que cela illustre une des caractéristiques de la société de l’anti-délégation : pratiquement toutes les dynamiques qui lui sont propres sont à l’œuvre dans les projets qui relèvent de cette culture. Dit autrement, la société de l’anti-délégation brouille souvent les frontières des différents champs sociaux.

Si on s’intéresse à ce ruches, on se rend compte que s’entrecroisent :

  • un attrait pour le local,
  • une utilisation optimale des moyens digitaux : internet, réseaux sociaux…
  • une logique participative,
  • la constitution d’une communauté de consommateurs,
  • la référence à l’économie collaborative.

“La Ruche qui dit Oui” soutient effectivement des appels à financement de projets agricoles sur le site KissKissBankBank, pionnier actuel du financement participatif en France.

Les échanges se font de façon horizontale et décentralisée entre particuliers et producteurs. Ca fait déjà quelques années qu’on connaît les « paniers », les AMAP (en France, les associations pour le maintien de l’agriculture paysanne), les GAC (groupements d’achats collectifs) ou les GAS (groupement d’achats solidaires. La ruche constitue une manière d’optimiser cette nouvelle façon de commercer, grâce à la plate-forme informatique. Une communauté se crée, grâce aux réseaux sociaux.

ruche-qui-dit-oui

Ce qui est intéressant également, c’est de voir qu’aucun label ne peut remplacer le contact direct entre un producteur et un consommateur (les ruches organisent aussi des visites des exploitations agricoles). En fait, on pourrait aller plus loin et dire que les labels – même bio – n’ont de sens que dans une économie à grande échelle, où les consommateurs et les producteurs ne se rencontrent plus. Si je n’ai aucun lien avec le producteur de ce que je mange, quelle assurance puis-je avoir quant à la qualité du produit ? Aucune. Si ce n’est un label auquel je ferais confiance parce qu’il serait garanti par une instance intermédiaire, reconnue par l’Etat (l’instance qui centralise toutes les garanties, les normes, les règles, etc.). Toute l’administration créée par les labels (nécessité pour les producteurs de répondre à des cahiers des charges très strictes) n’est qu’une conséquence d’une économie toujours plus globale, dépersonnalisante, différenciée, typique des sociétés modernes.

Ce refus des labels est un phénomène connu dans le vin par exemple, où des petits producteurs, qui travaillent de manière ancestrale, refusent de se plier aux exigences administratives (démarches à faire, cahier des charges, etc.) des labels « bio », au risque d’être perçus comme non-« bio » alors que leurs produits sont parfois plus « bio » que des vins reconnus comme « bio ». Ce sont les producteurs de vins « naturels », qui ne fait pas vraiment l’objet d’une labélisation actuellement.

Si les ruches vous intéressent, le site internet propose une carte des différentes ruches, dont 5 en Belgique.

A lire : 

“CrossFit Community” : What does that mean ?

Thijs (CrossFit “Gym Project”), me (CrossFit Brussels) & Bert (CrossFit Antwerpen)

What is a « Community » ? In the CrossFit world, everyone is talking about the « community ». And, sometimes, some people are inclined to think that they are « more » in the community than others, that they do « more » for the community than others.

But what does that mean, a « Community » ?

Sociologists, as Lipiansky, define « Community » as a form of association, in which there is personal, functional and affective relations between members. It means that a « community » is more than a « group » or a « category », in which members only share some common characteristics. Being all CrossFitters on a limited territory (a country or a region) does not constitue a « community ».

Relations inside a community show affectivity and proximity. That’s the difference between the « community » and the « society », the classical distinction between « Gemeinschaft » (community) and « Gezellschaft » (society), by the German sociologist Tönnies. If the « community » is based on affectivity, the « society » is, in contrast, based on rationality (rules, common goals, etc.).

As Weber, an other famous sociologist, says, the communalization of social relationships is based on a sense of solidarity : the result of emotional or traditional attachments of the participants. In that sense again, the « community » seems more based on emotional and affectual link. That’s why he categorizes the spiritual brotherhood, the family, or the comradeship of a military unit as forms of community. That’s CrossFit. As Bert, from CrossFit Antwerpen told me : is there a better way to know someone than doing a workout side by side ?

And this picture above reflects for me what could be a « CrossFit Community » : when we can laugh together, when we have fun together, when we know each other, when we are happy to meet each other at events, when we send mails just to ask « how are you ? », « how is your gym », when we are becoming friends, and not just colleagues… That’s what I see on this picture.

Weber adds this point : « communalization » is, in the sense used here, normally the direct opposite of « struggle ». But, he says, this should not be allowed to mislead us into thinking that violence cannot be found in a community.

Why ? Because, we can think that a community (as CrossFit) is also a « Field », as defined by Bourdieu, in which there is struggle about the boundaries of the field : Who is inside, and Who is outside ? Just like in every artistic field : Who represents the real hip-hop ? Who is a traitor ? Who does real old-school hip-hop ? And who does pop music ? Who represents integrity ? And who is sold out to commercial music ? A field is always a place in which there is a struggle about the boundaries of the field.

But I really think that, at local level, we can build a real « community » based on affective links, comradeship and knowledge of each other. Psychologically, we all need to be integrated : a part of our identity is built on our participation to social groups. And the degree of our integration can be measured by the feeling of knowing other members of the group, to be able to identify them, and to be known by them. This also means that social media are a great tool to build that kind of community : adding each others on Facebook, sharing pictures on wich we identify each others, sharing links, keeping the contact between events, and all that things.

That’s what I see on this picture