Les humanités classiques et la démocratie participative. Un enjeu éducatif.

En quoi les auteurs “classiques”, qu’on n’apprend plus que dans les cours de Latin et de Grec, sont-ils aussi importants pour construire une société plus démocratique demain ? 

La grande innovation des Grecs et des Romains, dans l’Antiquité, est d’avoir conçu un système dans lequel tout citoyen peut participer au pouvoir. Telle est le promesse de la démocratie : le simple fait de faire partie du “dêmos” (le peuple réuni en assemblée) permet de participer au “kratos” (le pouvoir). 

Or, aujourd’hui, combien de fois les citoyens et citoyennes qui désirent prendre part à une décision politique ne se voient-ils pas répondre que le dossier est trop “complexe”, et qu’il faut laisser la gestion de la Chose publique aux “professionnels” de la politique ? 

C’était pourtant là, traditionnellement, le rôle des “humanités” : nous préparer à être des citoyens dans la Cité. Et mettons bien l’accent là-dessus : pour ceux qui ont inventé la démocratie, l’être humain est, “par nature”, un “animal politique”. Et ils voulaient dire par là que nous ne pouvons pas faire autrement que vivre au milieu d’autres êtres humains. Il faut donc être capable d’interagir avec eux, et de décider tous ensemble. Ca doit donc s’apprendre dès le plus jeune âge.

En ce sens, la citoyenneté n’est pas perçue comme quelque chose qu’on apprend “en plus” (1 heure par semaine dans un cours de citoyenneté ou de morale), pour pouvoir, une fois adulte, voter tous les 4 ou 5 ans, ou participer à une réunion ou l’autre, à l’occasion, après ses heures de travail. Être un adulte, libre, de plein de droit, dans une société, c’est pouvoir à tout moment participer aux décisions qui nous concernent. 

Ce qu’on appelle “les humanités”, dans l’enseignement, visent précisément à cela. 

Je vais faire un bref historique, pour qu’on comprenne bien, mais il y aura beaucoup de raccourcis. Pour celles et ceux que ça intéresse, je renverrai vers des ouvrages en fin de texte.

Les “humanités” remontent aux “arts libéraux” antiques, ce modèle de formation fixé par Isocrate au IVè siècle av. J-C. Trois disciplines en constituaient la base : la grammaire, la dialectique et la rhétorique. L’enfant grec apprend par coeur les poèmes homériques, et se forme, par la rhétorique, à l’éloquence de la tribune (Compère & Chervel, 1997 : 5).

Les Romains héritent de ce modèle. A partir du grec “Paideia” [παιδεία] (“éducation”, et plus généralement le fait d’élever un enfant), Cicéron (106-63 av. J.-C) propose “humanitas” : l’éducation est conçue comme la préparation de l’individu à son rôle d’homme dans toute la plénitude de son sens. (Ibid.), dont, de manière centrale, son rôle de citoyen.

Dans les mots de Quintilien, pédagogue latin du 1er siècle après J.-C. :

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