Coronavirus et principe de précaution

J’espère que ni vous ni moi ne connaîtrons quelqu’un grièvement touché par le COVID-19. La situation actuelle est en tout cas le meilleur exemple de deux manières de gérer le risque. 

  • D’un côté : les spécialistes du risques (mathématiciens, etc.), les médecins de terrain, et la sagesse populaire.
  • De l’autre : les bureaucrates, les politiques, et une bonne partie des journalistes. 

Rappel : 

Dès le 26 janvier 2020, des chercheurs et spécialistes en gestion du risque (Nassim Nicholas Taleb, Joseph Norman et Yaneer Bar-Yam) ont publié une note. Elle rappelait un principe de base : MOINS on en sait, PLUS il faut prendre des précautions. Note disponible ici :  https://www.academia.edu/41743064/Systemic_Risk_of_Pandemic_via_Novel_Pathogens_-_Coronavirus_A_Note

Je la partageais le 1er février. 

Il y a quelques jours, pendant que des éditorialistes et journalistes nous disaient qu'il n'y avait pas à s'inquiéter du…

Publiée par Yves Patte sur Samedi 1 février 2020

On ne savait pas encore grand chose sur la contagion et la mortalité de ce nouveau virus, donc il fallait prendre un maximum de précaution. Dit autrement, si on ne sait pas si c’est “comme la grippe habituelle”, n’agissons PAS comme pour la grippe habituelle.

C’est aussi du BON SENS. Si tu ne sais pas si c’est un poison, ne le bois pas.

Ce à quoi les bureaucrates, politiques et journalistes ont répondu : Non, inversement, tant qu’on n’a pas de preuves que c’est autre chose que la grippe habituelle, agissons comme si c’était la grippe habituelle : “It’s just the flu !”, répétaient-ils. Tant qu’il n’y a pas de preuves qu’il faut prendre des précautions, n’en prenons pas. 

Autrement dit : tant qu’on n’a pas de preuves que c’est un poison, buvons.

L’Organisation mondiale de la Santé écrivait (30 janvier) : “Sur la base des informations actuellement disponibles, le Comité ne recommande pas de restreindre les voyages ou les échanges commerciaux”. 

Source : https://www.who.int/fr/news-room/detail/30-01-2020-statement-on-the-second-meeting-of-the-international-health-regulations-(2005)-emergency-committee-regarding-the-outbreak-of-novel-coronavirus-(2019-ncov)

Au moment de ces premières alertes : il y avait plus ou moins 4000 personnes infectées, essentiellement en Chine et une centaine de décès. 

4 semaines se passent. D’une centaine de morts, on est passé à plus de 3000. Et on sait maintenant que le COVID-19 n’est PAS “just a flu”. Ce virus est 2,5 fois plus contagieux que la grippe traditionnelle, et surtout 25 fois plus mortel. 

-> Les gens de terrain, comme l’International Organization of Emergency Medical Technicians, publient des avertissements (source : https://www.facebook.com/ioemt/photos/a.766780410175893/1364955400358388/?type=3&theater)

-> Le professeur Herman Goosens de l’Hôpital universitaire d’Anvers (où se trouve un cas de COVID-19) explique qu’il a pu le détecter parce qu’il n’a pas suivi les recommandations de l’Institut belge de santé publique (source : https://twitter.com/ProfHGoossens/status/1234085749487755266)

Et l’OMS relève son niveau d’alerte à “très élevé”, son niveau le plus haut, et déclare que “la clé pour contenir ce coronavirus est de briser les chaînes de transmission”, ce que certains et certaines disaient DEPUIS UN MOIS. (Source : https://www.rtbf.be/info/societe/detail_coronavirus-l-oms-porte-la-menace-internationale-a-tres-elevee-son-niveau-le-plus-haut?id=10443797)

D’où les interdictions de certains événements. 

> > > La morale de tout cela : j’espère qu’on arrivera à endiguer rapidement l’épidémie et que le nombre de décès restera limité, MAIS ce qu’il faut bien comprendre, c’est qu’on aurait agi probablement de la même manière avec un virus 100 fois plus contagieux et 100 fois plus mortel. Parce qu’on aurait également attendu 4 semaines, et des preuves, pour prendre des précautions.

L’administration de la preuve est mal comprise par beaucoup de gens. L’absence de preuve n’est pas la preuve de l’absence. Tant qu’on ne sait pas si quelque chose est dangereux, il faut prendre des précautions. On ne doit pas attendre d’avoir la preuve que c’est dangereux pour prendre des précautions. C’est même l’idée de base derrière le mot “précaution” : être sur ses gardes avant que le mal n’arrive. 

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Pour aller plus loin : le livre “The Black Swan” de Nassim Nicholas Taleb

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Image : Adli Wahid. Elle représente Li Wenliang, médecin de l’hôpital de Wuhan, qui avait dès le 30 décembre 2019 essayé d’alerter sur la dangerosité du COVID-19, et qui en est décédé le 7 février 2020.

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