Brève réflexion sur “la politique” (et sa définition très restrictive)

On entend très régulièrement dire que “les gens” ne s’intéressent plus à “la politique”. Mais de quoi parle-t-on ?

Simplifions les choses :

  1. Nous vivons en société, et développons au sein de cette société, un ensemble de choses tous ensemble : le travail, le transport, l’enseignement, la santé, la sécurité, l’économie, l’énergie, la culture, etc. Ca, c’est le point de départ, si on veut. Nous vivons en société.
  2. Cela implique que nous ayons à prendre des décisions tous ensemble. Il faut donc qu’on se mette d’accord sur certains principes, qu’on sache comment décider et comment valider ces décisions pour qu’elles soient acceptées par tout le monde. Ca, c’est la deuxième étape : un système politique.
  3. Comme nous sommes trop nombreux pour décider tous ensemble de tout, il faut se choisir des représentants, à qui on déléguera le soin de décider pour nous. Ca, c’est le dernière étape : le système électoral, donc : les élections.

Ces 3 étapes se retrouvent directement dans les 3 origines du mot “politique” :

  • Politikos : la société (organisée), la civilité, la vie en commun.
  • Politeia : l’organisation de la société, sa gestion, son mode de fonctionnement, son gouvernement (au sens du fait de gouverner quelque chose).
  • Politikè : le sens le plus restreint, la pratique du pouvoir et ses luttes politiques.

Ces 3 origines du terme s’enchaînent l’une à l’autre dans une suite logique : pas de “politikè”, sans “politeia”, et pas de “politeia” sans “politikos”. C’est évident : pas besoin d’élections s’il n’y a pas une forme d’organisation de la société, et pas besoin d’organisation de la société, s’il n’y a pas de société.

Le problème, à mon sens, est qu’à l’heure actuelle, toute la politique semble se résumer à son sens le plus restreint, de “politikè” : qui sera sur quelle liste, et fera quelle alliance avec quel parti pour atteindre le pouvoir ou s’y maintenir ? Regardez les “émissions politiques” à la télévision, écoutez les “interviews politiques” à la radio… et surtout lisez les débats sur Twitter !

C’est comme si s’intéresser à la politique, ça ne pouvait être que s’intéresser aux partis et aux prochaines élections. Et c’est précisément ce qui, à mon sens, crée le fossé entre les dirigeants et les citoyens. Parce que les citoyens, les habitants de la Cité, ils s’intéressent à ce qu’il se passe dans la Cité, c’est leur quotidien : le travail, le transport, l’enseignement, la santé, la sécurité, l’économie, l’énergie, la culture, etc. Au quotidien, ils peuvent être confrontés à des conditions de travail plus ou moins bonnes ou mauvaises, à des problèmes de transport, à des craintes pour leur sécurité, à la qualité de l’enseignement pour leurs enfants, à l’aménagement de leur ville, etc.. Il n’y a personne qui ne s’intéresse pas à la politique au sens de “politikos”, parce que c’est constitutif de notre nature d’êtres sociaux, comme disait Aristote.

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