Le monde change… et pas en bien

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“Le monde change… et pas en bien”. C’est une phrase que j’ai entendue lundi en rue. Et elle m’a trotté en tête toute cette journée de mardi, devant les directs relatifs aux attentats, à la télévision, à la radio, ou devant le flot continu des tweets….

Bruxelles est attaquée, et cette phrase résume toute l’impuissance qu’on peut ressentir. Comme si on savait que ça allait arriver, après Paris, et qu’on espérait juste que ça allait arriver le plus tard possible. Mais c’est fait, c’est arrivé aujourd’hui. Des dizaines de personnes sont mortes. En attendant leur avion. En prenant leur métro. Impuissantes.

L’impuissance, c’est l’inverse de l’Empowerment, sur lequel j’écris constamment. C’est se sentir sans pouvoir, sans capacité d’agir sur les choses. On sent que le monde change. Peut-être est-ce bien qu’il change d’ailleurs ? Ou pas ? Mais dans un cas comme dans l’autre, on se dit qu’on ne peut rien y faire, que d’autres vont décider pour nous. Qu’ils vont décider de créer un climat de peur. Que dorénavant on se sentira moins à l’aise dans les transports en commun ou dans les lieux publics.

Et on sent qu’il serait tentant de s’abandonner aux discours faciles de certains. Que, tant qu’à faire d’être impuissant, autant remettre notre destinée dans les mains de ceux qui disent avoir des solutions. Autant expulser tous les suspects et fermer les frontières pour qu’aucun autre suspect n’arrive.

… Mais ça ne fera que rajouter à l’impuissance. L’impuissance de voir des enfants, des parents, des personnes âgées mourir ailleurs, dans la même impuissance que les victimes bruxelloises. Quelle différence y aurait-il entre mourir sous les bombes de Daech en Syrie ou à Bruxelles ?

Le monde change… et pas en bien, c’est exactement ce que je ressens depuis des mois, à chaque fois que je vois ces cohortes de réfugiés refoulés à la frontière de pays européens. Je m’imagine devant parcourir des milliers de kilomètres à pied avec ma femme et mes enfants, juste dans l’espoir de trouver un endroit où nous installer, et où il n’y aura pas le risque à tout moment qu’on nous tire dessus ou que des barils d’explosifs nous tombent sur la gueule.

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On a créé un monde où des enfants passent en quelques secondes de l’insouciance des jeux d’enfants, aux cris, à la peur, à la douleur, à chercher, apeurés, un parent au milieu des débris et des corps en lambeaux… On a créé un monde où on retrouve des petits corps d’enfants sur nos plages de vacances. On a créé un monde où ceux qui arrivent à échapper à la guerre se verront parquer dans des bidonvilles qu’on détruira au bulldozer.

Aujourd’hui, j’ai expliqué à ma fille de 8 ans comment ça se faisait que des gens voulaient en tuer d’autres en Belgique. Je me demande comment je lui expliquerais qu’elle devrait tout quitter, son école, sa maison, sa petite chambre, l’environnement qui lui est familier et rassurant, pour fuir ceux qui veulent nous tuer, pour marcher des jours durant, traverser des mers la nuit, échapper à des gardes qui essaieraient de couler notre petite embarcation. Je l’imagine apeurée. Je m’imagine impuissant.

Et c’est impuissant que je regarde les photos du drame de Bruxelles, comme avant celles de Paris. A l’heure où j’écris, des photos circulent sur Twitter : des avis de recherche de personnes dont on n’a plus de nouvelles, et qui passaient par la station de métro concernée, ou qui devaient prendre un avion ce matin. Des gens comme moi. Des gens comme nous. Et j’imagine leurs enfants inquiets à la maison, au fur et à mesure que la soirée avance et qu’ils ne voient pas revenir leur papa, après des attentats dont ils ne comprennent pas la raison…

Et c’est tout aussi impuissant que je vois la photo de Marine Lepen sur Twitter floquée de Noir-Jaune-Rouge. Et des messages de haines sur les réseaux sociaux…

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Evidemment, ce n’est pas le monde qu’on voulait. Et on est pourtant plein à se mobiliser pour un monde plus juste, pour un monde qui a du sens. On se lance dans des initiatives pour pouvoir se nourrir d’aliments plus naturels. On ne veut plus manger les merdes que la grande industrie voudrait nous faire manger. Ca nous empoisonne ainsi que nos enfants, alors on crée nos réseaux de distribution. On transforme nos espaces de vie, pour recréer du lien social. On crée nos petites entreprises et nos petites coopératives pour être maître de nos activités professionnelles, pour ne pas être un pion dans une grosse machine qu’on ne contrôle pas. On reprend en main sa santé, sa carrière, sa production d’énergie. Et tout ça, c’est de l’Empowerment. Et ça, c’est le monde qu’on voudrait. Et ça, c’est le monde qui change… en bien.

… Mais on sent que tout ça est fragile. Qu’à tout moment, d’autres peuvent décider pour nous qu’il en sera tout autrement. Que le monde de demain pourrait ressembler au film “Demain”, mais qu’il pourrait aussi salement ressembler aux pires films d’hier…

Tout l’enjeu est là. Que faire avec ce sentiment d’impuissance, qui va amener nécessairement à un genre de “burn-out” collectif, quand, à l’échelle d’une société entière, on sent qu’on perd pied face à des changements qu’on ne veut pas, face à des orientations que les dirigeants – ou d’autres – prennent pour nous ? S’abandonner à l’extrémisme – ce que j’ai appelé ailleurs “l’hyper-délégation” : l’abandon total à d’autres comme seule manière de garder la tête hors de l’eau ? Ou continuer à essayer de reprendre un pouvoir sur les choses ? …. Mais comment ? Et sommes-nous assez nombreux à vouloir le faire ?

One thought on “Le monde change… et pas en bien

  1. Salut,
    Un truc à rajouter.Qui n’a pas levé les yeux au ciel en entendantt la énième fois l’histoire de la dernière guerre mondiale racontée par nos grands-parents.
    Nous avons vécu 1 jour de stress alors qu’eux en ont vécu des centaines. Ça donne un autre goût à l’histoire!
    Des grands changements se sont produits après la libération et tous n’ont pas été bon car la peur à guidée bcp de décisions.
    Nous avons maintenant l’expérience de cette peur mais aussi le recul nécessaire pour ne pas commettre certains amalgames ou certaines erreurs qui a l’époque partaient d’un bon sentiments . l’histoire ,nous le dira!
    Je propose que chacun fasse une grosse bise à ses grand parents en aillant en tête cette peur connue il y a peu et peut-être en reparler un peu car bcp de nos aînés ont peur et plus que nous Pdt les attentats…

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