Les “Devoirs” de Cicéron (7): Partage et biens communs

Le texte “Les Devoirs” [De Officiis] de Cicéron regorge de principes extrêmement utiles. Pour rappel, Cicéron adresse ce texte à son fils, Marcus. Mais au-delà d’une transmission Père-Fils, “Les Devoirs” constituent l’héritage moral du monde antique, consigné, comme le dit Maurice Testard (qui a traduit l’oeuvre), par “le plus illustre des auteurs latins, le père de l’humanisme, à l’adresse et au bénéfice des générations futures“. 

Dans le contexte actuel d’émergence de mouvements citoyens (en parallèle d’une critique de l’économie libérale et de l’Etat), la notion de “biens communs” réapparaît.

Cicéron définit les “biens communs” avec un extrait de Quintus Ennius (239-169 av. JC) :

[#51] L’homme qui, à l’égaré, obligeamment montre son chemin,

Fait comme s’il en allumait la lampe à sa propre lampe,

Elle ne brille pas moins pour lui-même quand elle a donné à l’autre la lumière.

Quintus Ennius est considéré comme le père de la poésie latine, régulièrement cité par Cicéron, et plus tard par Montaigne (c’est entre autres l’auteur de cette phrase fondamentale à mon sens : “Le bien est principalement l’absence de mal” [nimium boni est, nimium boni est, cui nihil est mali]).

Il est intéressant que l’exemple choisi soit celui de l’information : si j’indique le chemin à quelqu’un qui est égaré, je n’en connais pas moins bien le chemin moi-même. L’information se partage sans que celui qui la partage n’y perde quoi que ce soit.

Et Cicéron poursuit :

[#52] A ce genre appartiennent ces biens communs : ne pas interdire l’accès à l’eau courante, supporter que l’on prenne du feu à son propre feu; s’il le désire, donner, à celui qui réfléchit, un avis de bonne foi; choses utiles à ceux qui les reçoivent, sans grever qui les donne.

L’eau et le feu représentent les besoins élémentaires primaires de l’homme, en Rome antique. D’où la condamnation “aqua et igni“, la privation d’eau et de feu, représentant une forme de bannissement de la cité.

Mais Cicéron y rajoute à nouveau le partage d’informations : donner son avis de bonne foi. Je trouve cette idée particulièrement pertinente dans le contexte actuel d’économie du partage !

Et cela ouvre également sur la question actuelle des énergies renouvelables : le soleil, le vent, la chaleur du sol, la force de l’eau nous appartiennent à tous. Surtout, à l’instar de la chaleur du feu, le fait que je capte les rayons du soleil sur mon toit, ne prive pas mon voisin de rayons de soleil. Autant de “choses utiles à ceux qui les reçoivent, sans grever qui les donne“, comme le dit Cicéron.

Comment cela pourrait-il se traduire dans une nouvelle approche de l’économie ? Eléments de réponse probablement dans l’ouvrage de Rifkin : “La nouvelle société du coût marginal zéro : L’internet des objets, l’émergence des communaux collaboratifs et l’éclipse du capitalisme“…

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