Brève réflexion : partis populistes / partis traditionnels : trop vite ou trop lent ?

Je pense qu’il y a une différence entre les partis dits “populistes” et les partis “traditionnels”, qui n’est pas souvent abordée : c’est la RAPIDITÉ avec laquelle les partis “populistes” passent à l’action v/s la LENTEUR des partis “traditionnels”.

Un bon exemple à propos de l’enseignement : on apprend aujourd’hui, en Belgique, que le Pacte d’excellence, ce pacte pour la rénovation de l’enseignement, est finalement reporté à la prochaine législature (2019), durant laquelle la Ministre Marie-Martine SCHYNS (CDH – Centre Démocrate Humaniste) qui a porté ce pacte n’est pas assurée d’être toujours au pouvoir, et encore moins ministre de l’éducation. (article : https://goo.gl/GN5Bi2)

Pour rappel, les travaux autour de ce pacte d’excellence ont débuté en 2015. La seule mise en place d’une nouvelle grille-horaire dans l’enseignement primaire est prévue pour 2020. C’est 2024 pour l’enseignement secondaire. La fin du processus de réforme est prévu pour 2028.

13 ans de travaux ! Les parents qui ont été convié à participer (puisque le pacte d’excellence prévoyait une dimension participative) ont toutes les chances de n’avoir plus aucun enfant dans l’enseignement lorsque le fruit de leurs travaux seront mis en oeuvre.

Il est intéressant de comparer avec la Pologne️ qui connaît actuellement une réforme de son enseignement : une modification complète de la structure des études qui passe d’un système avec 6 ans en Primaires, puis 3 ans en “Junior High School”, et 3 ans en “High School”, à un système avec 8 ans en Primaires, puis 4 ans en “High School”.

… Tout ça en 10 mois ! 10 MOIS !

Cette réforme est portée par le parti “Droit et Justice”, des frères Kaczynski, au pouvoir depuis 2015. Un parti classé comme conservateur, euro-sceptique, de “droite populiste”. Par là, ce parti a répondu à la demande de son électorat de revenir à un système que la Pologne connaissait avant 2009. (article : https://goo.gl/fdxcus)

Alors, je ne dis pas que cette réforme est bonne. Et je ne dis pas non plus qu’il est bon de changer si vite. Tout un ensemble de problèmes se pose d’ailleurs, parce qu’en 10 mois, il faut changer les manuels scolaires, près de 7000 écoles de “Junior High School” doivent fermer, ce qui implique que les enseignants doivent se recaser dans des écoles “Primaires” ou “High School” selon les classes dans lesquelles ils enseignaient, etc…

Mais c’est intéressant de voir ces temporalités tout à fait différentes. Et je crains vraiment que ces deux extrêmes (l’extrême lenteur de la réforme belge et l’extrême rapidité de la réforme polonaise) se répondent l’un à l’autre, l’un étant le retour de bâton de l’autre.

Indéniablement, ce qui ressort du Pacte d’excellence en Belgique, c’est une impression d’impossibilité du politique à réformer l’enseignement, une impression de stagnation, de micro-réformes qui se succèdent sans jamais rien changer. Une impression d’impuissance en fait : impuissance du politique et impuissance des acteurs de terrain.

Dans une carte blanche parue dans La Libre, j’avais écrit : “Si nos élus se présentent constamment à nous dans leur impuissance à nous défendre, ils nous renvoient à notre propre impuissance.” (https://goo.gl/t6seR7)

Et inversement, les partis dits “populistes” surjouent leur “toute puissance”. Ainsi, la réforme polonaise fut critiquée par les Universités et par les institutions européennes (la commission européenne a même produit un rapport très critique sur cette réforme). Mais le gouvernement politique a maintenu sa réforme et sa mise en oeuvre extrêmement rapide.

(On pourrait prendre d’autres exemples, probablement en matière de migration, où la lenteur des partis “traditionnels” à gérer les migrations de manière satisfaisante, poussent de nombreux électeurs à voter pour des partis populistes qui affirment pouvoir prendre de mesures radicales en très peu de temps, même si ces mesures vont à l’encontre de lois établies depuis longtemps dans le pays).

Je pense vraiment que dans une réelle démocratie participative, les décisions et surtout les mises en oeuvre doivent se faire sur un temps assez court. Pour une raison essentielle : que celles et ceux qui décident soient aussi en charge de la mise en oeuvre de leurs décisions et responsables des conséquences de leurs décisions.

En Belgique, et en particulier dans l’Enseignement, combien de problèmes sont causés par le fait que les effets négatifs d’une réforme sont à imputer à un(e) ministre qui n’est plus ministre depuis 2 ou 3 législatures (ce qui implique que le/la ministre actuel(le) peut se dire non-responsable). La “bonne gouvernance” dont on parle beaucoup devrait davantage s’inspirer d’une démarche par “essai et erreur”, sur des très petits changements, rapidement mis en oeuvre et pour lesquels on peut rapidement avoir un feed-back. Du “fail early” comme on dit, plutôt qu’une réforme immense, appliquée des années après, et donc celles et ceux qui en subiront les conséquences ne seront pas celles et ceux qui auront participé à la décision.

Participation = responsabilité = skin in the game

  • Tout n’est toujours qu’une question d’échelle.
    Echelle spatiale : quel est le bon territoire pour appliquer une décision ? (texte là-dessus ici : https://goo.gl/ohgFgA)
  • Echelle temporelle : quelle est la bonne temporalité pour mettre en oeuvre une réforme ?

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