Goodbye Citizenship, Hello ‘Statizenship’

Un article intéressant : un regard sur l’Inde, mais qui s’étend bien au-delà, avec un angle de lecture nouveau sur la montée des populismes autoritaires.

> > > L’ idée de “citoyenneté” s’inscrit dans toute une tradition démocratique et libérale de participation libre et égale à la vie politique. Depuis la Grèce antique, la Rome antique, et puis les révolutions anglaise, américaine et française des 17ème et 18ème siècles.

Mais 200 ans d’Etat-Nations ont progressivement fait glisser la citoyenneté de la “Cité” à l’Etat. De qualité de “citizens” (citoyens), nous devenons avant tout des “statizens”. Je ne sais pas comment traduire cela : des “étatiens” ?

Le contrôle de l’Etat (reconnaissance faciale, etc.) est une dimension de ce renforcement et de cette centralisation de l’Etat, devenant de plus en plus le “géométral de toutes les perspectives” comme disait Bourdieu (c’est moi qui rajoute, l’auteur fait, lui, référence à Foucault). Notre identité, nos droits, ne relèvent plus de droits universels, ou de l’appartenance à une Nation, mais de documents octroyés par un Etat très fort. Continue reading Goodbye Citizenship, Hello ‘Statizenship’

Extrême-droite et publicités Facebook

“Le Vlaams Belang est le 1er parti en Flandre grâce à ses pubs Facebook” IS THE NEW “les jeunes sont violents à cause des jeux vidéos”…

… Pour préciser : Ces 20 à 30 dernières années, les politiques ont reproduit des conditions que Hannah Arendt, par exemple, décrivait dans “Les origines du totalitarisme” (1951) :

  • Des masses de population qui ne se reconnaissent plus dans aucun parti (p. 311), ni dans la classe dirigeante (pp. 312-313) qu’elles perçoivent comme corrompue (p. 353) et décadente (p. 468).
  • Des masses d’individus isolés, atomisés (p. 323) qui ne composent plus un groupe solidaire, et qui sont généralement insatisfaits et sans réel espoir (p. 315).

> > > Une phrase-clé des 500 pages de l’ouvrage est, à mon sens, celle-ci :

“Les masses détestent la société dont elles se sentent exclues, autant que les parlements dans lesquels elles ne sont pas représentées” (p. 107).

… Et quand, aujourd’hui, ces totalitarismes repointent le bout du nez, les politiques vont nous dire qu’il faut vite réguler les pubs sur les réseaux sociaux pour lutter contre ces totalitarismes… #Facepalm

. . .

Réf : Arendt, H. 1962. “The Origins of Totalitarism”, Cleveland & NY: Meridian Books.

Tribune de G. Schwarz : Pour combattre les populistes, il faut casser leur mythe victimaire

Très bonne tribune de Géraldine Schwarz (essayiste franco-allemande), dans Le Monde, il y a quelques jours. Elle y décrit le mythe victimaire des mouvements dits “populistes” et leur caractère infantilisant.

Face à cela, il ne faut pas tomber dans le discours bien-pensant, un peu “neu-neu”, et toujours enclin à la moquerie ou à la censure morale. Il faut réagir et Gérladine Schwarz lance quelques pistes de réponse, en matière de participation et d’éducation politique.

Je vous mets ici quelques extraits, parce que le texte est réservé aux abonnés. Je trouve chacun des extraits extrêmement intéressants !!

“Le mythe victimaire est une clé centrale de la stratégie des populistes, en France et ailleurs. Pour le cultiver, ils recourent à la provocation dans le but d’être frappés d’un ostracisme qui les enveloppera de l’aura du martyr. Plus la réaction de l’adversaire répond aux clichés d’un ennemi diabolisé, plus ils sortent triomphants de ce jeu de rôle – “eux” contre “nous”. Ils deviennent les chantres de la liberté d’opinion ayant le courage d’édicter des vérités interdites sur une nation supposée en plein déclin, rongée par ennemis intérieurs et extérieurs. Ils deviennent les sauveurs du peuple dont ils seraient les seuls à avoir compris les besoins et la volonté. Continue reading Tribune de G. Schwarz : Pour combattre les populistes, il faut casser leur mythe victimaire

Pour poursuivre après l’émission “A votre avis”, sur les mouvements citoyens

Comme je savais que mes interventions seraient très courtes, je m’y étais préparé, et j’ai dit ce que je voulais dire (à 34:11 et 54:46). J’espère que c’était suffisamment clair.

Si vous n’avez pas pu regarder le débat en direct, les liens sont ci-dessous :

Et pour aller plus loin, je voulais rebondir sur quelques éléments liés à la demande actuelle de participation de la part des citoyens (qu’ils soient rassemblés en liste ou pas, d’ailleurs), afin de poursuivre la discussion :

1.

On a très peu parlé du niveau local, c’est pourtant d’abord, et principalement, là que doit s’inscrire la participation des citoyens et citoyennes. Souvent, quand on parle de consulter la population, on s’imagine uniquement consulter “Les Belges”, sur des questions un peu démesurées : les flux migratoires, la scission du pays, la peine de mort. Avant d’en arriver là, il y aurait des milliers d’occasions d’impliquer les citoyens et citoyennes dans la prise de décision, au sein des 589 communes de Belgique, sur des questions comme la revitalisation de leur centre-ville, la préservation du patrimoine, la mobilité qui sera favorisée, la réduction des émissions de gaz à effet de serre, etc.
Il y a déjà des choses qui se font, mais ça reste très rigide et minimaliste. Il y a énormément de choses à faire pour créer une réelle culture de la participation politique, d’abord sur les enjeux qui concernent le plus directement les citoyens et citoyennes.
La démocratie se construit mieux du bas vers le haut.

2.

C’est en favorisant tous ces dispositifs participatifs, en ramenant comme “évident” le fait qu’en démocratie, celles et ceux qui sont directement concernés par un enjeu peuvent prendre part aux décisions, qu’on créera (ou re-créera) de la culture politique. Avoir des cours de la citoyenneté à l’école ne sert pas à grand chose, si une fois qu’on quitte l’école, le rôle de citoyen se limite à aller voter une fois toutes les x années. En fait, c’est un peu comme toutes ces heures passées à utiliser un compas à l’école. Parfois, à 40 ans, on se demande un peu à quoi ça a servi 

La citoyenneté, c’est comme pour tout, il faut la PRATIQUER. “Repolitiser le citoyen”, comme l’a dit Stéphane Michiels (53:43), de Belvox, c’est à mon sens permettre au citoyen de jouer pleinement, et régulièrement, son rôle politique.

Je cite souvent cet exemple : John Stuart Mill (1806 – 1873), grand penseur libéral, faisait tout à fait le lien, dans son célèbre “De la liberté” (1859), entre la participation des individus à la gestion des “affaires communes” et l’éducation. Et pour lui, le fait d’avoir des jurys d’individus dans les “institutions libres et populaires à l’échelon local et municipal” représentait “la partie pratique de l’éducation politique d’un peuple libre”. Continue reading Pour poursuivre après l’émission “A votre avis”, sur les mouvements citoyens

Brève réflexion : partis populistes / partis traditionnels : trop vite ou trop lent ?

Je pense qu’il y a une différence entre les partis dits “populistes” et les partis “traditionnels”, qui n’est pas souvent abordée : c’est la RAPIDITÉ avec laquelle les partis “populistes” passent à l’action v/s la LENTEUR des partis “traditionnels”.

Un bon exemple à propos de l’enseignement : on apprend aujourd’hui, en Belgique, que le Pacte d’excellence, ce pacte pour la rénovation de l’enseignement, est finalement reporté à la prochaine législature (2019), durant laquelle la Ministre Marie-Martine SCHYNS (CDH – Centre Démocrate Humaniste) qui a porté ce pacte n’est pas assurée d’être toujours au pouvoir, et encore moins ministre de l’éducation. (article : https://goo.gl/GN5Bi2)

Pour rappel, les travaux autour de ce pacte d’excellence ont débuté en 2015. La seule mise en place d’une nouvelle grille-horaire dans l’enseignement primaire est prévue pour 2020. C’est 2024 pour l’enseignement secondaire. La fin du processus de réforme est prévu pour 2028.

13 ans de travaux ! Les parents qui ont été convié à participer (puisque le pacte d’excellence prévoyait une dimension participative) ont toutes les chances de n’avoir plus aucun enfant dans l’enseignement lorsque le fruit de leurs travaux seront mis en oeuvre.

Il est intéressant de comparer avec la Pologne️ qui connaît actuellement une réforme de son enseignement : une modification complète de la structure des études qui passe d’un système avec 6 ans en Primaires, puis 3 ans en “Junior High School”, et 3 ans en “High School”, à un système avec 8 ans en Primaires, puis 4 ans en “High School”.

… Tout ça en 10 mois ! 10 MOIS !

Cette réforme est portée par le parti “Droit et Justice”, des frères Kaczynski, au pouvoir depuis 2015. Un parti classé comme conservateur, euro-sceptique, de “droite populiste”. Par là, ce parti a répondu à la demande de son électorat de revenir à un système que la Pologne connaissait avant 2009. (article : https://goo.gl/fdxcus) Continue reading Brève réflexion : partis populistes / partis traditionnels : trop vite ou trop lent ?