
Comment la polarisation du champ politique et le repositionnement de certains partis peuvent favoriser les partis radicaux, comme l’extrême-droite ?
Une étude très intéressante vient de paraître dans la revue “South European Society and Politics” (publ. en ligne : 8 avril 2021), et montre ce qui a pu contribuer au succès du parti d’extrême-droite, Vox, en Espagne . Et cela fait directement écho à beaucoup d’échanges que j’ai eus suite à ma publication récente sur le succès de l’extrême-droite française
auprès des jeunes.
L’auteur de cette étude, Juan Rodriguez Teruel (Science Po — Université de Valence), définit 2 types de polarisation :
- Une polarisation verticale : l’écart entre les votants et les partis
- Une polarisation horizontale : une stratégie centrifuge ou polarisante menée par certains partis, les amenant à se positionner davantage sur les extrêmes.
L’enquête montre qu’une augmentation de la polarisation verticale favorise les partis radicaux comme Vox : plus les électeurs voient grandir un écart entre la population et les partis, plus ils tendent à voter pour Vox.
A l’inverse — et c’est cela qui est très intéressant — une diminution de la polarisation horizontale favorise les partis radicaux comme Vox.
Qu’est-ce que ça signifie ? Plus les votants perçoivent un rapprochement entre les partis de droite, plus la frontière entre les partis modérés et les partis radicaux devient floue, et plus il y a de chances qu’ils votent pour Vox !
Autrement dit, toute la stratégie de certains partis consistant à se rapprocher des extrêmes pour leur voler des électeurs potentiels s’avère contre-productive en Espagne ! Le parti de droite traditionnel (le Parti Populaire) est au plus bas depuis 40 ans, et se voit renvoyé à sa modération par les partis de droite radicale (Cuidadanos, et plus encore Vox).
L’auteur donne quelques exemples de ces stratégies contre-productives : reprendre les thèmes traditionnels d’extrême-droite : centralisation, anti-immigration, autoritarisme, nationalisme, anti-politique de genre, etc.; adopter leurs “mauvaises manières” : agressivité, insultes, etc.; ou encore refuser d’adopter des formes de cordon sanitaire.
On se rend compte que ce n’est pas propre à l’Espagne, exact ?
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Source : Rodríguez-Teruel, J. (2021) “Polarisation and Electoral Realignment: The Case of the Right-Wing Parties in Spain“, South European Society and Politics, DOI: 10.1080/13608746.2021.1901386