Le test électoral 2019 RTBF/La Libre Belgique/UCLouvain

Est-ce que certains ou certaines d’entre vous ont fait le “Test électoral 2019” RTBF / La Libre Belgique / UCLouvain, etc. ? Qu’en avez-vous pensé ?

Je vais essayer de synthétiser ce qui, selon moi, pose problème dans ce genre de test…

1) Ce test pourrait laisser penser que l’électeur ou l’électrice construit (ou devrait construire) son choix politique de manière rationnelle, en analysant les programmes politiques, et en se positionnant sur chaque proposition comme étant “d’accord” ou “pas d’accord”.

C’est ce qu’on appelle un “biais scolastique”: ce travail d’analyse est uniquement fait par celles et ceux qui ont le “temps libre”, le “loisir” de le faire: journalistes politiques, politologues, etc. (Scolastique vient de skholế, qui renvoie autant à l’école qu’au temps libre).

Bourdieu explique cela dans “La Distinction” (p. 465), presque clairement… (à la Bourdieu, quoi) 😉

Cette version politique de l’homo economicus informé qui compare les programmes, les propositions, et fait son calcul pour savoir pour qui voter n’est pas réelle. Le résultat du test est plutôt “le parti dont vous êtes le plus proche si vous votiez comme une machine”.

2) On est en plein dans ce qu’on appelle “l’effet d’imposition de problématique” : “voici les problématiques qui devraient fonder votre choix politique”, “voici le champ du pensable politiquement”.

C’est d’autant plus étrange dans un contexte où on connaît le gouffre entre les partis politiques et les citoyens : ce qui se trouve dans les programmes des partis ne correspond plus du tout  aux préoccupations de la population (en FR : 91% de méfiance dans les partis !).

En basant les questions sur les programmes, le test exclut du raisonnement politique tout ce qui n’est pas dans les programmes, quand bien même ce serait très présent dans l’actualité : pouvoir d’achat, gouvernance (décumul, transparence…), santé, mobilité…

Sans cet effet d’imposition, je pense que pour beaucoup de gens, en réalité, le résultat serait : “Oh, sorry ! Aucun parti actuel ne correspond à vos préoccupations ! Peut-être que vous devriez en créer un, ou imaginer une nouvelle forme d’organisation politique ?” 😉

3) Surtout, ce test est tout à fait unidimensionnel : Gauche-Droite. Comme si la politique se résumait à cela (alors une fois de plus qu’on sait que près de 70% de la population ne se reconnaît plus dans les idées de Gauche et de Droite).

J’ai essayé de répondre en mode “Stéréotype de gauche” : Plus d’impôts, plus de taxes, plus de fonction publique, protection des travailleurs, accueil des étrangers, moins de répression. Bingo ! Je suis très à gauche : PS et PTB !

J’ai essayé de répondre en mode “Stéréotype de droite” : Moins d’impôts, moins de taxes, moins de fonction publique, flexibilité des travailleurs, fermeture des frontières, plus de répression. Bingo ! Je suis très à droite : PP et MR !

Alors, évidemment, c’était tentant de taquiner le système de calcul en répondant à une question en mode “Stéréotype de gauche”, puis à une question en mode “Stéréotype de droite” 🙂  Résultat :

Donc, si on est à la fois très à gauche et très à droite, les partis d’extrême-gauche et d’extrême-droite arrivent en fin de classement au profit de partis “un peu moins à gauche et un peu moins à droite” : MR et PS. Mais cette espèce de régression vers la moyenne n’a aucun sens.

Bref, on est loin du lien qu’il peut y avoir entre une opinion politique et le choix du vote pour un parti. Plus encore, je crois qu’on est très loin des préoccupations des citoyens et citoyennes, et de ce qu’ils veulent faire de leur pouvoir politique.

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