Modèles climatiques et mesures de précaution – Traduction d’un article de “Issues in Science and Technology”

Je publie ici – avec l’autorisation de Nassim Nicholas Taleb et de Joe Norman – la traduction en Français d’un court article publié dans la revue “Issues in Science and Technology” (2015: 31[4]), intitulé : “Climate Models and Precautionary Measures“.

Le “principe de précaution” est souvent mal compris, en particulier en matière de changements climatiques. Les auteurs (Taleb, Norman, Bar-Yam & Read), spécialistes, à différents titres, des systèmes complexes et de la gestion du risque, rappellent que :

  • S’il y a de l’incertitude dans les modèles (et qu’il n’y a pas de “preuves”).
  • Et si les conséquences sont à grande échelle (la planète) et irréversibles (nous n’avons qu’une planète),

Alors, il relève de la Science de ne pas prendre de risques.

S’il y a un risque de déstabiliser le climat (même avec une probabilité très faible), il faut réduire les émissions de dioxyde de carbone, même indépendamment de ce que disent les modèles climatiques.

Mais ce résumé ne rend pas compte de l’intérêt de ce court texte. Je vous invite à le lire ci-dessous (ce n’est qu’une page) ⬇️⬇️⬇️ ET À LE PARTAGER AU MAXIMUM !!

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Texte “Modèles climatiques et mesures de précaution”
Norman, J., Bar-Yam, Y., Read, R., Taleb, N. (2015). Climate Models and Precautionary Measures. (comment). Issues in Science and Technology, 31(4).

Le débat politique sur le changement climatique anthropique, abordé par Saltelli et ses collègues, tourne généralement autour de la précision des modèles. Les personnes qui affirment que les modèles font des prévisions précises plaident en faveur de politiques spécifiques pour enrayer les effets dommageables du changement climatique prévus par ces modèles ; ceux qui doutent de l’exactitude de ces modèles invoquent, quant à eux, l’absence de preuves fiables de préjudice pouvant justifier une action politique.

Ces deux alternatives ne sont pas exhaustives. On peut éviter le “scepticisme” de ceux qui remettent en question les modèles climatiques existants, en définissant le risque de la manière la plus simple possible, à l’échelle mondiale. Autrement dit, nous devrions nous demander quelle serait la bonne politique si nous n’avions pas de modèles fiables ?

Les humains n’ont qu’une seule planète. Ce fait limite radicalement les types de risques qu’il convient de prendre à grande échelle. Même un risque avec une probabilité très faible devient inacceptable lorsqu’il nous concerne tous – à cette échelle, il n’y a pas de possibilités de revenir sur une erreur.

Sans modèles précis, nous sommes en droit de penser que polluer ou altérer considérablement l’environnement pourrait nous placer en territoire inexploré, sans précédents statistiques et avec des conséquences potentiellement importantes. Il est au cœur, à la fois de la prise de décision scientifique, et de la sagesse ancestrale, de prendre au sérieux l’absence de preuve lorsque les conséquences d’une action peuvent être aussi importantes. Et c’est du niveau d’un manuel standard de théorie de la décision : une politique doit dépendre au moins autant de l’incertitude concernant les conséquences défavorables, que des conséquences prévisibles.

En outre, il a été démontré que dans tout système chargé d’opacité, le mal est dans la dose plutôt que dans la nature de la substance incriminée : le préjudice augmente de manière non linéaire par rapport aux quantités en jeu. Tout ce qui est fragile a une telle propriété. Bien qu’une certaine quantité de pollution soit inévitable, de grandes quantités de pollution augmentent rapidement le risque de déstabiliser le climat, un système qui est partie intégrante de la biosphère. Ergo, nous devrions réduire les émissions de dioxyde de carbone, même indépendamment de ce que disent les modèles climatiques.

Cela conduit à l’asymétrie suivante dans la politique climatique. L’ampleur de l’effet doit être démontré comme étant assez grand pour avoir un impact. Une fois que cela est montré, et il l’a été, le fardeau de la preuve de l’absence de préjudice est sur ceux qui voudraient nier.

C’est le degré d’opacité et l’incertitude dans un système, ainsi que l’asymétrie de l’effet, plutôt que les prédictions spécifiques du modèle, qui devraient déterminer les mesures de précaution. Poussez un système complexe trop loin et il ne reviendra pas. La croyance populaire selon laquelle l’incertitude discrédite l’idée de “crise climatique” à laquelle les scientifiques disent que nous faisons face, est à l’opposé de la vérité. Bien comprise, l’incertitude réaffirme radicalement le principe de précaution, et peut même en être au fondement.

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Auteurs :

  • Joseph Norman : New England Complex Systems Institute
  • Yaneer Bar-Yam : New England Complex Systems Institute
  • Rupert Read : School of Philosophy, University of East Anglia
  • Nassim Nicholas Taleb : School of Engineering, New York University

Référence : Norman, J., Bar-Yam, Y., Read, R., Taleb, N. (2015). Climate Models and Precautionary Measures. (comment). Issues in Science and Technology, 31(4).

Lien vers le texte en anglais [PDF] : http://jwnorman.com/…/12/NormanEtAl_ClimateAndPrecaution.pdf

Un tout grand merci à Nassim Nicholas Taleb de m’avoir autorisé à vous partager cette traduction !

3 Replies to “Modèles climatiques et mesures de précaution – Traduction d’un article de “Issues in Science and Technology””

    • De rien ! Avec plaisir !
      C’est un texte très intéressant, et je voulais qu’il puisse être lu en français aussi 😉

  1. Merci pour ce texte très intéressant …

    Une des critiques fondamentales des sceptiques repose néanmoins sur la crédibilité des scientifiques qui défendent la thèse du réchauffement anthropique alors que :
    1. Il n’y a pas d’unanimité en la matière, y compris parmi les scientifiques ;
    2. Il y a un soupçon légitime de conflit d’intérêts chez les scientifiques défenseurs de la thèse du réchauffement anthropique : ils ont juste “découvert” ce pour quoi ils sont payés de découvrir …

    Dans ces conditions, comment apaiser le débat ?

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