Coronavirus : Variation sur le thème de la cigale et de la fourmi …

Dans la continuité de plusieurs posts précédents, je voulais essayer de décrire un phénomène presque “tabou”, peu exprimé : c’est ce sentiment que certains et certaines ont d’avoir été “prêts” pour cette crise et ce confinement, un peu à l’image de la fourmi prévoyante de la fable de La Fontaine…

⚠️ Attention, je ne veux pas du tout dire que certains ou certaines pourraient se réjouir d’avoir été prêts pour une telle situation. On ne peut en effet pas se réjouir d’une situation qui fait des milliers de morts au niveau national et qui va probablement provoquer des faillites et de la misère. Pour prendre une image, c’est la même chose que d’avoir investi dans un défibrillateur pour son établissement (imaginons un restaurant) et de s’être formé à son utilisation. Lorsque quelqu’un fait un arrêt cardiaque et que le défibrillateur est utile, vous êtes heureux d’avoir investi dans ce défibrillateur. Vous n’êtes pas heureux, évidemment, qu’une personne ait fait un arrêt cardiaque. J’espère que c’est bien compris par tout le monde, avant de continuer la lecture…

Alors qui sont ces gens ? Qu’ont-ils mis en place en termes de compétences, d’organisation, de réseaux, de connaissances, etc. ?

Ce sont celles et ceux qui, depuis des années, font ce qu’ils ou elles peuvent pour avoir une vie saine, et éviter toutes les maladies chroniques, qui s’avèrent aujourd’hui d’importants facteurs de comorbidité : surpoids, diabète, hypertension, etc. Ils pratiquent une activité physique, mangent sainement, ne fument pas. Parmi ces personnes, certaines présentaient ces facteurs de comorbidités dans le passé. Et ils et elles ont l’impression d’avoir fait le bon choix, même si autant d’efforts paraissait parfois insensé aux yeux de leur entourage.

Ce sont celles et ceux qui ont cherché à développer des compétences et des connaissances leur permettant de “faire par eux-mêmes” : cuisiner, faire leur pain, faire leurs pâtisseries, faire leurs conserves, cultiver leurs légumes,… *COUDRE* 🧵✂️ ! On ne s’est jamais autant rendu compte de l’importance de savoir coudre un petit bout de tissu et deux élastiques ! Est-ce que vous avez remarqué cette fierté de mamies qui confectionnent aujourd’hui des dizaines de masques par jour, sur leur vieille machine à coudre ?

Ce sont celles et ceux qui ont fait le choix de quitter la ville, et de s’installer dans ce qui, il y a quelques semaines encore, pouvait passer, un peu dédaigneusement, pour des “bleds”, des petits villages de provinces, des petits hameaux en pleine campagne, “où il n’y a rien”…. mais où il y a des petits, moyens ou grands jardins, où les enfants peuvent se défouler, où on peut cultiver quelques légumes, élever quelques poules, et où on peut se balader dans les champs sans croiser personne. Aujourd’hui, ça semble plus luxueux que les plus luxueux quartiers des grandes villes.

Celles et ceux qui ont pris l’habitude de s’approvisionner auprès de magasins à la ferme, de commander des paniers bio, de manger local, bref de compter moins sur les “grands magasins”…

Ce sont celles et ceux qui ont fait le choix de la simplicité volontaire : une vie simple, avec des petits plaisirs simples, peu coûteux, ne nécessitant ni infrastructures volumineuses, ni déplacements à longue distance. Celles et ceux qui n’ont pas besoin d’aller au resto ou faire du shopping toutes les semaines, d’aller en City trip à l’étranger chaque mois, et en vacances à l’autre bout du monde chaque été. Celles et ceux qui ont un vélo 🚲. Celles et ceux qui peuvent passer du bon temps à lire un livre, travailler leurs pas de break dance devant le miroir, jouer à la guitare 🎸, jouer aux cartes en famille, faire du yoga 🧘‍♀️, cuisiner, peindre, jardiner, etc. Ils et elles ont certainement moins de chances de s’ennuyer durant leurs journées.

… Idem avec les enfants, pour celles et ceux qui ont investi dans des jeux éducatifs, des loisirs créatifs et des activités à faire à domicile.

Celles et ceux qui ont fait le choix d’une reconversion professionnelle il y a quelques mois ou années déjà, afin d’avoir moins à se déplacer, de pouvoir travailler davantage à domicile, d’être moins dépendants d’un patron ou d’une administration, quitte souvent à sacrifier une partie de leurs rentrées financières et leurs perspectives de “carrière”.

Celles et ceux qui ont essayé de mettre un peu d’argent de côté, même un tout petit peu, plutôt que de le dépenser dans des choses qui pourraient paraître futiles aujourd’hui. (Et ne me dites pas : “oui, mais tout le monde n’a pas la même possibilité d’épargner !”, je le sais très bien, mais le fait d’épargner, même très peu, est une pratique des milieux populaires, y compris dans le fait d’acheter “des choses qu’on sait qu’on peut revendre” : voiture, montre, bijoux, or, etc…).

Celles et ceux qui ont développé, dans le passé, des réseaux de solidarité, comme on le voit souvent dans les initiatives en transition : groupements d’achats, coopératives alimentaires, réseaux d’échanges, réseaux d’entraide, etc. Aujourd’hui, toutes ces initiatives et le réseau social qu’elles ont créé sont très précieux !

Au niveau, disons, intellectuel, ce sont celles et ceux qui ont fait le choix de s’informer et de s’instruire auprès de sources qui s’avèrent aujourd’hui très pertinentes. Celles et ceux qui ont choisi d’investir du temps dans la lecture de philosophes par exemple. Je suis convaincu que la lecture des Stoïciens est un atout majeur en période de crise, quelle que soit la nature de la crise. De plus, on n’a jamais autant cité Nassim Nicholas Taleb qu’aujourd’hui, et le grand public commence à découvrir Joe Norman, Yaneer Bar-Yam, Luca Dellanna, Idriss Aberkane, etc. Ce sont celles et ceux qui avaient compris depuis longtemps qu’écouter une 600ème interview de tel ou telle ministre, le matin à la radio, n’allait pas les informer sur le monde futur, et qui préféraient écouter des podcasts sur le net, où des gens qui ont réellement quelque chose à dire peuvent s’exprimer durant une ou deux heures. Pour prendre un exemple, celles et ceux qui écoutent depuis longtemps les podcasts de Joe RoganRich RollTim FerrissJocko Willink, etc., sont probablement bien mieux prêts au monde qui nous entoure que celles et ceux qui écoutent les chaînes d’info classiques.

Enfin, je dois bien dire que j’ai eu des discussions avec des personnes du corps médical et infirmier, qui ont pu, dans le passé, avoir l’impression d’être dévalorisés dans le champ médical ou à l’échelle de la société, et qui sont heureux aujourd’hui d’avoir fait les bonnes formations, d’avoir opté pour les bonnes spécialisations, pour aujourd’hui être prêts et utiles pour lutter contre cette pandémie.

Bien sûr, dans toutes ces personnes, il y a des “survivalistes”, des “collapsologues”, etc., mais pas uniquement. Il y a aussi plein de gens qui ont juste fait des choix qui leur semblaient justes, même quand ça n’était pas évident. Et qui aujourd’hui se rendent compte que c’était des bons choix, qui les rendent “un peu plus prêts”, un peu plus “résilients”, pour faire face à la situation.

Un peu comme des petites fourmis prévoyantes, comme dans la fable de La Fontaine, en quelque sorte. Sauf que je ne vois pas chez elles et chez eux la moindre arrogance envers les cigales insouciantes. Juste la satisfaction d’avoir fait “ce qu’il fallait faire pour bien faire”. Cette espèce de respect de soi qui accompagne le fait de se sentir autonome et utile à la société (comme l’a montré Richard Sennett)…

Et qui sont les cigales ? Ce sont celles et ceux qui chantaient tous les jours dans nos postes de télé et de radio, depuis des années, et qu’on n’entend plus guère en ce moment… 😉

Et vous, est-ce que vous vous reconnaissez dans ces profils ? Vous vous sentez plutôt fourmi ou plutôt cigale ? 😉

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