” — Est-ce qu’on fixe la date de la prochaine réunion à la fin de celle-ci ? Ou est-ce qu’on se fait un doodle ?” … Vous la connaissez cette question ? 😉
Comme vous le savez, je pense qu’on trouve dans les auteurs classiques ayant écrit sur la démocratie, des choses plus profondes, mais aussi plus pratiques, pour qui veut développer un projet citoyen et participatif, que dans beaucoup d’analyses actuelles (dont les niaiseries, souvent destructrices à moyen terme pour les groupes, comme la “sociocratie” ou l’”holacratie” — beaucoup de projets citoyens en ayant pris conscience à leurs dépens).
Un exemple : en 1642, Thomas Hobbes, fondateur de la philosophie politique moderne, dans son célèbre “Le citoyen” (“De Cive”), explique qu’il y a 2 choses qui établissent une démocratie : 1) la pluralité des voix — ça, ça parait évident… Et 2) l’”indiction perpétuelle des assemblées” !
“Indiction” ? Qu’est-ce que c’est ? De “indictio”, l’annonce en latin : l’”indiction” est la convocation d’une assemblée à un jour dit.
Politiques v/s Experts : tel est le débat du moment en Belgique. Ou, dit autrement, le gouvernement doit-il simplement appliquer l’avis des experts, ou peut-il s’en écarter ?
On m’a demandé d’en parler, donc voici une brève réflexion… Je trouve que les deux “camps” sont tout autant dans l’erreur. Je m’explique :
1) Première erreur : penser que les règles doivent se baser sur “la” Science, comme s’il y avait une espèce de “vérité” scientifique qui s’imposait d’elle-même et devait déterminer les règles, les lois, etc. C’est un problème qui n’est pas nouveau. Vous vous imaginez bien qu’on n’a pas attendu 2021 pour réfléchir sur quoi devait se baser une loi.
Ca pourrait faire l’objet de tout un cours, mais je vais partir de Thomas Hobbes (1588-1679) et de la fameuse formule “Auctoritas non veritas facit legem” : c’est l’autorité, et non la vérité, qui fait la loi. Dans son célèbre Léviathan (1651), Hobbes explique que si on essaie de fonder la loi sur l’avis des experts (à l’époque, il parle des auteurs de philosophie morale et des “juges subalternes”), il y aura autant de contradictions dans les lois qu’il y en a “dans les Écoles” (1). Parce que devinez ce que Hobbes avait remarqué ? => Les “experts” ne sont pas tous d’accord entre eux, que ce soit sur le Bien ou le Mal (les philosophes), la nature ou même la religion (les théologiens).
Et c’est toujours aujourd’hui d’une grande naïveté de penser que les scientifiques doivent être tous d’accord entre eux. Quand on évolue dans le champ scientifique, on sait à quel point les conflits peuvent être très durs, et à quel point un scientifique peut penser qu’un ou une de ses collègues a simplement tout faux…
Du coup, il revient au pouvoir souverain de trancher, et de décider. C’est pour cela que la pensée hobbesienne est qualifiée de “décisionnelle”. Et en démocratie, ce pouvoir souverain qui décide, c’est le parlement.
Donc, si on se résume : il n’y a pas de “vérité universellement acceptée”, et une loi ne peut s’imposer que si elle est le fruit d’une procédure démocratique (2).