Martin Luther King sur la distinction entre les lois “justes” et les lois “injustes”

A l’occasion des 50 ans de l’assassinat de Martin Luther King, je ressors un extrait d’une de ces lettres les plus intéressantes (à mon sens) : la “Lettre d’une prison de Birmingham” (pour la petite histoire, il l’a écrite du fond de sa cellule sur des morceaux de journaux et de papier toilette !). Il y développe un point de vue tout à fait intéressant sur la distinction entre les “lois justes” et les “lois injustes”. Ces dernières étant en contradiction avec la morale.

Étant athée, je mets la dimension religieuse de côté, mais j’aime bien l’idée de garder un point de vue moral. En fait, je pense que c’est un des problèmes principaux à l’heure actuelle : le point de vue moral est totalement écarté du débat, au profit du seul et unique point de vue “légal”. Il y a des choses que (presque) tout le monde reconnaît comme « immorale » mais on les accepte parce qu’elles sont “légales”. On en vient même à dire qu’il faudrait que ce qui est immoral devienne illégal… comme si le fait que ça soit immoral ne suffisait pas pour empêcher un comportement ou un acte.

Cette idée est particulièrement présente dans les débats sur les réfugiés ou les scandales politico-financiers, par exemple.

Martin Luther King croyait en une Morale et une Justice, qui permettraient de juger de la légitimité d’un loi. Et il se disait “gravement déçu par les Blancs modérés (…) plus dévoués à l’ordre qu’à la justice“. Des équivalents des “Blancs modérés”, il y a en a actuellement dans tous les débats (et beaucoup sont sur Twitter !), constamment à rappeler que la loi est la loi, que c’est l’”Etat de droit”, etc. Contrairement à ce que ces “Blancs modérés” croient/croyaient peut-être, l’idée d’une Morale ne va pas à l’encontre d’un idéal démocratique. Que du contraire, les vertus morales sont au coeur des écrits des théoriciens de la démocratie antique, comme Aristote ou Cicéron, pour ne citer qu’eux. Ce n’est qu’avec Saint Augustin et Saint Thomas d’Aquin (que Luther King cite, tous deux) que la dimension religieuse prend vraiment le dessus, pour arriver bien plus tard au puritanisme des 16ème et 17ème siècles.

Mais j’arrête d’écrire ! Et vous laisse avec les mots de Martin Luther King  :

On peut nous demander : “Comment pouvez-vous préconiser de désobéir à certaines lois et d’obéir à d’autres ?” La réponse se trouve dans le fait qu’il y a deux types de lois : celles qui sont justes et celles qui sont injustes. Je serais le premier à préconiser d’obéir aux lois justes. On a non seulement une responsabilité légale, mais aussi une responsabilité morale d’obéir aux lois qui sont justes. Inversement, on a une responsabilité morale à désobéir aux lois injustes. Je serais d’accord avec St Augustin, lorsqu’il dit qu’”une loi injuste n’est pas une loi du tout”.

Maintenant, quelle est la différence entre les deux ? Comment détermine-t-on si une loi est juste ou injuste ? Une loi juste est une règle humaine qui s’accorde avec la loi morale ou la loi de Dieu. Une loi injuste est une règle qui ne s’accorde pas avec la loi morale. Pour le dire avec les mots de St. Thomas d’Aquin : Une loi injuste est une loi humaine qui n’est pas enracinée dans la loi éternelle ou la loi naturelle. Toute loi qui élève la personnalité humaine est une loi juste. Toute loi qui dégrade la personnalité humaine est injuste. Toute loi qui impose la ségrégation est injuste parce que la ségrégation déforme l’âme et endommage la personnalité. Elle donne à celui qui l’impose un sentiment erroné de supériorité et à celui qui la subit un sentiment erroné d’infériorité.

(…)

Nous ne devons jamais oublier que tout ce qu’a fait Adolf Hitler en Allemagne était “légal”, et tout ce qu’ont fait les combattants de la liberté en Hongrie était “illégal”. C’était “illégal” d’aider et d’héberger un Juif dans l’Allemagne d’Hitler. Malgré cela, je suis sûr que, si j’avais vécu en Allemagne à cette époque, j’aurais aidé et hébergé mes frères juifs.

(la traduction est de moi)