Les citoyens doivent-ils contrôler les politiques ? Réflexion sur la “dokimasie” à Athènes

Ce midi, l’émission radio #Débats1 (sur La Première – RTBF) posera cette question : “Les citoyens doivent-ils pouvoir contrôler les politiques ?”
 
… Voilà une question qui en apprend surtout beaucoup sur l’état de nos démocraties, comme si on avait oublié que ça en était, précisément, un des fondements.
 
On sait par exemple que les Athéniens considéraient le contrôle de l’exercice du pouvoir par le “démos”, comme un pilier du régime démocratique. Les dirigeants de la Cité étaient effectivement soumis à un contrôle strict de leur action.
 
Eschine (dans son fameux discours “Contre Ctésiphon”) explique :
Dans une Cité si ancienne et si grande, personne n’est soustrait à l’obligation de rendre ses comptes d’entre ceux qui touchent de près ou de loin aux affaires publiques“.
 
Et comme c’est souvent le cas, c’était institutionnalisé. Ca s’appelait la “DOKIMASIE” (en grec ancien : δοκιμασία), qui consistait en un examen approfondi du futur dirigeant, entre sa désignation et son entrée en fonction ! Aristote décrit très bien cette procédure dans sa “Constitution d’Athènes” (chap. LV) :
“Car tous les magistrats, soit désignés par le sort, soit élus, n’entrent en charge qu’après avoir été soumis à un examen”.
 
La dokimasie est conçue comme un garde-fou contre les effets non-désirés du tirage au sort, c’était une sorte d'”auto-contrôle du système” (Dabdab Trabulsi, 2006:204)*.
 
Mais sur quoi portait cet examen ? C’est là que c’est encore plus intéressant ! 😉 Sur :
  • La moralité de l’élu
  • Des questions fiscales : payait-il bien ses impôts ? Etc.
  • Sa loyauté démocratique (dont la protection des faibles, etc…)
  • Ou encore l’incompatibilité de certains cumuls ! (poke Cumuleo !!) 😉
La dokimasie permettait donc de s’assurer, avant même son entrée en fonction, que le futur dirigeant était avant tout un bon citoyen, et c’est une instance liée au Tribunal du peuple, qui s’en assurait.
 
Alors, oui, historiquement, les citoyens doivent pouvoir contrôler les politiques. C’est précisément le fait qu’on l’ait un peu perdu qui pose problème. Heureusement, des initiatives comme Cumuleo, Transparencia, Belvox viennent ramener un peu de fondement démocratique en Belgique, et sont suivis par de nombreux partis émergents, comme Oxygène pour ne citer qu’eux…
 
J’ai en tout cas hâte d’écouter cette émission !! 🙂
 
*Comme le rajoute Dabdab Trabulsi (2006), la dokimasie pouvait s’avérer être une forme d’ “ostracisme préventif”, contre les oligarques plutôt que contre les éventuels candidats à la tyrannie. J’ai déjà eu l’occasion d’expliquer brièvement ici l’intérêt de l’”ostracisme” pour assurer le renouvellement du pouvoir
 
Source : Dabdab Trabulsi, J.A. (2006) “Participation directe et démocratie grecque. Une histoire exemplaire ?”, Presses Univ. Franche-Comté.