Brève réflexion sur la corruption politique (suite)

Suite à mon post précédent, je voudrais encore extraire un élément de la thèse, très intéressante, de Cristina Rosillo López: “La corruption à la fin de la République romaine (IIe-Ier s. Av. J.-C.) : Aspects politiques et financiers”. (Université de Neuchâtel).

Elle écrit : “Il faut souligner (…) que les Romains avaient reconnu les failles du système qui donnaient lieu à la corruption et avaient établi des mesures préventives…“. Parmi celles-ci, il y avait la “non-itération des postes“, c’est-à-dire le fait de ne pas répéter plusieurs mandats successifs !

Ainsi, en 46 av. JC., César avait identifié l’itération des magistratures comme un “problème clé” de la République : l’itération offrait des possibilités aux gouverneurs de s’enrichir et d’enraciner leur pouvoir personnel dans leur province.

En gros, les Romains avaient remarqué que plus on restait longtemps en poste, plus il y avait d’opportunités de frauder le trésor public.

Parmi les mesures précises ? Des mandats très courts, parfois de 6 mois à 2 ans, et un intervalle de 2 ans entre chaque magistrature (lex Villia annalis). Ils avaient effectivement remarqué que ça empêchait que certains utilisent de l’argent lié à leur mandat pour préparer leur réélection ! (tiens, tiens…. !)

300 ans avant, Aristote (qui n’était quand même pas un idiot !) avait identifié le même problème ! Dans le célèbre “Politique”, qui est l’un des plus anciens traités de philosophie politique de la Grèce antique, on trouve cette phrase :

“Quand on reste peu de temps en fonctions, il n’est pas aussi facile d’y faire le mal que quand on demeure longtemps. C’est uniquement la durée prolongée du pouvoir qui amène la tyrannie dans les Etats oligarchiques et démocratiques” (Livre VIII, chapitre VII, § 4).

Une proposition (basée sur les textes anciens) : Interdiction de deux mandats successifs. Autrement dit : possibilité de faire autant de mandats que son espérance de vie le permet… mais jamais deux à la suite.

On aurait des mandataires qui ne devraient jamais s’accrocher à tout prix à leur poste, et un renouvellent permanent dans les postes de pouvoir.

A côté de Cumuleo, de Transparencia, d’ANTICOR et bientôt de Cabineto, qui font un travail formidable pour dénoncer le cumul des mandats, le népotisme, etc., pourquoi pas un “Iteratio” qui dénoncerait l’enracinement en politique, c’est-à-dire celles et ceux qui répètent (itération) des mandats toute leur vie ? 

[Peinture : L’Ecole d’Athènes, de Raphaël (1510)]

Brève réflexion sur la corruption politique

La Belgique se découvre une fois de plus des élus corrompus, qui ont, durant des années, détourné ou dilapidé de l’argent public (Samu social, GIAL, Publifin, ISPPC, etc…) Et une fois de plus, on va avoir droit aux interminables discussions sur la “bonne gouvernance”, l’ “éthique”, sur ce qui est “légal” et ne l’est pas, etc…

Pour rendre un système efficient, il n’y a rien de mieux que le temps, les essais, les erreurs et les ajustements successifs. En terme de démocratie, nos ancêtres grecs et romains ont eu plus de 500 ans pour affiner la “démocratie antique” (du 6ème-5ème siècle av. JC jusque plus ou moins à la mort de Jules César, en 44 av. JC). Nos “démocraties modernes” ont à peine plus de 200 ans (depuis les révolutions françaises et américaines ).

Autrement dit, il nous reste PLEIN DE CHOSES À RÉINVENTER !

Le droit romain, par exemple, prévoyait le crime de “PÉCULAT” (peculatus) : le vol de l’argent public… OU sa dilapidation ! Voyez comme nos ancêtres étaient futés : ils avaient mis sous le même crime le fait de détourner l’argent public et le fait de le dilapider (par exemple avec des consultants grassement payés durant des décennies… pour coller à l’actualité !)

De plus, ils avaient encore affiné un peu l’idée, certainement pour que le droit colle davantage à la réalité des cas, en distinguant le crime de “peculatus“, du crime de “pecunia residua” : détourner l’argent dont on avait la charge !

Ces actes étaient considérés comme des crimes et relevaient donc du droit criminel. Le fait de voler son peuple, pour un représentant, était d’ailleurs l’un des crimes les plus détestables pour les Romains. D’où les peines lourdes ! Le châtiment est cité dans la lex Iulia Peculatus (formulée par César ou par Auguste) : l’interdiction de l’eau et du feu (aquae et ignis interdictio), c’est-à-dire la mise au ban de la société.

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