Monsanto : quand 12 citoyens font ce qu’aucun organisme public n’est arrivé à faire

Il n’est jamais facile de proposer une analyse d’un fait d’actualité, surtout d’un procès qui va encore connaître des recours et autres rebondissements.

Je voudrais juste extraire un élément qui me semble important : c’est un tribunal composé de citoyens qui a fait ce qu’aucun organisme public n’avait été capable de faire.

La décision de ce tribunal de San Francisco, condamnant Monsanto à payer 289 millions de dollars, suite à la reconnaissance du rôle du glyphosate dans le cancer de Dewayne Johnson, constitue la reconnaissance par une jury composé de citoyens, qu’une entreprise ne peut porter atteinte à notre santé et tromper l’opinion publique impunément. Ce jury a d’ailleurs accordé 39 millions de dollars au plaignant pour les dommages occasionnés, et 250 millions de dollars de “punition” à Monsanto pour avoir volontairement caché les dangers de son produit.

Rappelons quelques points importants :

1. L’absence de preuve n’est pas la preuve de l’absence

Je l’ai déjà répété plusieurs fois. Cette phrase devrait clignoter à l’entrée des bâtiments de tous les organismes publics de protection de la santé ou de l’environnement : l’absence de preuve n’est pas la preuve de l’absence.

Si on a testé 1000 cas, on ne peut produire une affirmation scientifiquement valable que sur ces 1000 cas. Pas sur le 1001ème. Encore moins sur les 100.000 autres cas qui suivent. On peut supposer, on peut faire des hypothèses, on peut proposer des probabilités, mais on ne peut pas dire qu’un événement n’arrivera jamais.

J’avais déjà utilisé cet exemple ici : Mettons 999 boules noires dans un sac, et 1 boule blanche. Je tire, une à une, 500 boules. Elles sont toutes noires. Si à partir de mes observations, j’en induis que toutes les boules du sac sont noires, je me trompe !

Probablement que chaque nouveau tirage d’une boule noire renforcera ma certitude : “vous voyez, toutes les boules sont noires”… jusqu’à ce que la boule blanche apparaisse, venant définitivement me donner tort ! Cette boule blanche, ça peut être un jardinier atteint d’un cancer parmi 1000 jardiniers.

La science peut tester ce qui est, ce qui a été (et c’est déjà assez compliqué comme ça de la faire valablement), elle ne peut pas tester ce qui va arriver. L’induction (généraliser à partir des faits singuliers) n’amène aucune certitude scientifique.

L’esprit scientifique, l’empirisme, le scepticisme, etc., se sont construits sur cette critique de l’induction. Dès le 2ème siècle, dans ses “Hypotyposes” (Livre II), Sextus Empiricus, philosophe sceptique et médecin de l’école de médecine antique “empirique”, écrivait :

“Je crois que l’on peut encore réfuter facilement la manière d’argumenter qui se fait par induction. Car ceux qui veulent ainsi prouver l’universel par les singuliers, ou bien ils le feront en examinant tous les singuliers, ou bien en en parcourant seulement quelques-uns. S’ils n’en suivent que quelques-uns, l’induction ne sera pas solide et certaine, parce qu’il se pourra faire que quelques-uns des singuliers, qui auront été omis dans l’induction, soient contraires à la proposition universelle. Que s’ils veulent parcourir tous les singuliers, ils entreprendront une chose impossible, les singuliers étant infinis, et n’étant renfermés dans aucunes bornes. Ainsi quelque parti que l’on prenne, il arrive que l’induction est chancelante et peu assurée.”

Plus récemment dans l’histoire des Sciences, des gens comme Bertrand Russell (dans ses “Problems of Philosophy”, 1912) ou Karl Popper (dans “Les deux problèmes fondamentaux de la théorie de la connaissance”, 1979) ont rappelé cette impossibilité de baser une affirmation “scientifique” sur de l’induction.

Cela rejoint également le concept de “Computational Irreducibility” du physicien britannique Stephen Wolfram, surtout connu pour son logiciel de calcul formel Mathematica. L’idée de l’”irréductibilité de calcul”, c’est que lorsqu’il s’agit de phénomènes complexes, on ne peut réduire le calcul et avoir la prétention de prévoir le phénomène complexe. On ne pourra pas utiliser la réduction (la simplification) pour prévoir l’univers complexe. La seule manière de savoir comment va se comporter le système complexe, c’est de le faire fonctionner dans sa globalité, et de l’observer.

Autrement dit, des études (en laboratoire ou pas) sur un nombre d’individus déterminés, dans un temps déterminé, ne permettront pas d’induire l’impact du glyphosate sur des populations entières, sur des écosystèmes entiers, et cela sur une infinité de générations.

2. La Science, les agences… et les lobbies.

Ca, c’est la “grande Science “, celle à laquelle on aime penser, avec des grands chercheurs et scientifiques, qui dirigent des centres de recherche et gagnent des prix Nobel.

… et puis, il y a le “champ scientifique”, composé des laboratoires, des agences, des organismes publics, des firmes privées, des revues, des comités, etc.

Lors du procès contre Monsanto, il a été montré que le producteur de pesticides avait influencé l’Environmental Protection Agency (EPA), l’agence censée réguler l’utilisation des pesticides.

Dès 1983, la firme Monsanto réalise elle-même une étude qui montre une augmentation significative des cancers chez des souris exposées au glyphosate. L’EPA est alors avertie, mais Monsanto explique que sa propre étude n’est pas fiable (une souris non exposée a développé également une tumeur). L’EPA exige des analyses complémentaires sur les résultats : Monsanto refuse. L’EPA demande une seconde enquête : c’est refusé également. (source)

Mais comment est-ce possible qu’une entreprise produisant des pesticides puisse si facilement refuser d’obéir à l’agence qui réglemente ces pesticides ?

C’est très simple : ce sont les compagnies de pesticides qui financent l’EPA, via le “Pesticide Registration Improvement Act” : les fabricants de pesticides doivent payer le fait d’être enregistrés comme producteurs de pesticides. Et ces frais d’enregistrement représentent près d’un tiers du budget opérationnel du bureau de l’EPA !

Comme souvent, ça partait d’une bonne intention : ceux qui font du profit avec les pesticides (c’est-à-dire les producteurs) contribuent eux-mêmes aux coûts associés à la régulation de ces pesticides. De la sorte, ce n’est pas aux contribuables de payer. Mais du coup, qui paye les salaires de l’EPA ? Pour qui travaille le régulateur ? Il travaille pour ceux qu’il est censé réguler.

C’est ainsi que suite à la déclaration de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS), via le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC), selon laquelle le glyphosate serait un cancérigène probable, en 2015, des e-mails internes, révélés lors du procès, ont circulé entre Monsanto et l’EPA. Des membres de l’EPA rassurant ainsi Monsanto sur le fait qu’ils ne suivraient pas l’OMS.

En mai 2016, deux semaines avant que l’Union européenne ait à voter sur l’autorisation du glyphosate (décision qui sera finalement reportée), un rapport produit par l’EPA, déclarant que le glyphosate était sans danger, apparaît “mystérieusement” en ligne ! Il est rapidement retiré par l’EPA, prétextant qu’il n’était pas complet. Mais Monsanto s’en sert néanmoins pour affirmer à l’Union européenne que son produit est sans danger. Le responsable de la “fuite” est écarté de l’EPA, et devient consultant.

Une étude parue en 2018 dans la revue “International Journal of Risk & Safety in Medicine” fait le point sur ce que les auteurs de l’étude appellent les “Monsanto Papers“. En particulier, ils s’intéressent au “ghost writing” : en français, le fait de faire écrire des articles par des scribes de l’industrie, et de les publier sous le nom de chercheurs, de centres de recherches ou d’organismes publics.

Rappelez-vous, en juillet 2017, on apprenait que le rapport publié par l’Agence européenne de Sécurité des Aliments (EFSA) contenait un copier-coller d’un document déposé en 2012 par Monsanto. Ce n’était “que” 100 pages sur 4300, mais elles portaient sur les éléments les plus controversés.

Le “ghost writing” consiste à inonder le monde scientifique d’articles défendant le point de vue de l’industrie concernée. Ainsi, Monsanto finance par exemple le site pro-OGM “Academics Review”, dont l’éditeur, A. Wallace Hayes, est un ancien employé d’une compagnie de tabac, dans les années 80. A l’époque, Hayes fut l’auteur d’un mémorandum qui détaillait, pour l’industrie du tabac, la stratégie du… ghost writing ! Le but était de minimiser les dangers du tabac.

Cette pratique est loin d’être réservée aux producteurs de tabac ou de pesticides. C’est une pratique courante liée aux réglementations, autour desquelles gravitent lobbies, agences de contrôle et décideurs politiques, comme nous le verrons au point suivant.

Il se passe exactement la même chose au niveau alimentaire, avec l’influence de la grosse industrie agro-alimentaire (Coca et Pepsi en tête) sur les pouvoirs publics. C’est le combat que mène actuellement CrossFit aux Etats-unis. J’avais eu l’occasion de creuser la question dans cet article, dont une version raccourcie a été publiée dans Science et Vie. Pour rappel, Coca-Cola ou Pepsi sponsorisent des associations médicales et des organisations liées à la santé ou au sport, comme le “Global Energy Balance Network”. Via son “Beverage Institute for Health and Wellness“, Coca-Cola a également fondé l’initiative “Exercise is Medicine”, dirigée par l’American College of Sports Medicine (ACSM).

En 2016, la presse avait révélé qu’une étude montrant les bienfaits des boissons sportives pour la perte de poids avait été financée par… Coca-Cola et Pepsi.

Et c’est la même chose en Belgique ! La “Fédération de l’Industrie alimentaire” (FEVIA) a ainsi proposé une “Charte de la Politique nutritionnelle” par laquelle l’industrie alimentaire “s’engage à assurer son rôle et ainsi contribuer à une meilleure santé du consommateur“. Le problème est que la FEVIA est composée de marques aussi préoccupées par notre santé, que Coca-Cola, PepsiCo, Nestlé, Danone, Mars (qui commercialise les produits Twix, Snickers, M&M’s, etc.), Kellog’s, Unilever (qui commercialise les glaces Ola : Magnum, Cornetto, Vienetta, etc. ; les glaces Ben & Jerry’s ; et des boissons comme Lipton Ice Tea), ou encore la Raffinerie tirlemontoise…

La FEVIA avait également créé le site alimentationinfo.org (aujourd’hui disparu) pour “apporter une information objective sur la sécurité alimentaire et la relation entre alimentation et santé“. Aux Etats-Unis, l’Academy of Nutrition and Dietetics, dont les premiers sponsors sont Coca-Cola et PepsiCo, a mis en ligne eatrightpro.org. Même stratégie.

A côté de cela on a également la Fédération de l’Industrie des Eaux et des Boissons rafraichissantes (FIEB). Cette fédération a lancé le site internet edulcorants.eu, parce que les informations dans les médias seraient, selon elle, rarement “objectives” sur les édulcorants. Ce site rassemble donc “l’essentiel des informations validées scientifiquement sur les édulcorants intenses autorisés par l’Union européenne”. En matière d’information objective, on apprend ainsi que “la recherche montre que le remplacement quotidien d’un verre de limonade par une variante ‘light’ sans calorie, permet de réduire le poids corporel de 5 kg sur une base annuelle”.

Et puis on a NUBEL également : une asbl (association sans but lucratif en Belgique, équivalent d’une association loi de 1901 en France), créée en 1990 par la FEVIA, COMEOS (Fédération de la Distribution) et le gouvernement fédéral. Cette association a pour mission de “gérer l’information nutritionnelle scientifique relative aux denrées alimentaires qui constituent l’alimentation courante en Belgique“. Elle mentionne, sur son site internet, parmi ses partenaires : Nestlé, Kellog’s, Coca-Cola, Mars, etc… Et pour réaliser sa mission de “gérer l’information nutritionnelle scientifique”, cette association a reçu, en 2014, plus de 100.000€ du ministère (appelé SPF en Belgique) Santé publique, Sécurité de la chaîne alimentaire et Environnement…

Vous en voulez aussi un peu pour la France ? Pas de problème : En France, les marques de boissons sucrées sont rassemblées au sein du Syndicat national des boissons rafraîchissantes (SNBR), qui s’est engagé avec Stéphane Le Foll, Ministre de l’Agriculture, de l’Agroalimentaire et de la Forêt (2012-2017), à prendre des initiatives dans le cadre du Programme national pour l’alimentation. Sur la photo envoyée à la presse pour l’occasion, à côté du Ministre : les représentants de Coca Cola, PepsiCo et Orangina Schweppes… En juin 2015, Coca Cola annonce avoir signé deux conventions avec le Ministère français de la Ville, de la Jeunesse et des Sports, pour développer l’activité physique auprès des jeunes. Concrètement, par cette convention, la Fondation Coca Cola soutient le Centre national pour le Développement du Sport (CNDS) en lui versant 540.000€/an pour les trois prochaines années (source : DRJSCS Bretagne). La marque participe également à la mise en place de l’Observatoire national de l’activité physique et de la sédentarité. Et tout comme Coca Cola Etats-Unis est partenaire de l’American College of Sports Medicine (ACSM), Powerade (boisson sportive de Coca Cola) est partenaire de la Société française de Médecine de l’Exercice et du Sport (SFMES). (Source : Sport & Vie)

3. Les procès “à l’américaine”

Pourquoi est-ce que je m’écarte autant du glyphosate, en parlant du sucre ? Parce que tout cela révèle un modèle récurent : le rôle des lobbies dans la réglementation.

Nassim Nicholas Taleb l’explique très bien dans “Jouer sa peau” (2017 : 50-51) :

“Il existe deux façons de protéger les citoyens contre les grands prédateurs – les grandes et puissantes sociétés, par exemple. La première consiste à promulguer des règles. Mais outre que celles-ci restreignent les libertés individuelles, elles favorisent un autre type de prédation : celle de l’Etat, de ses agents et de ses sbires. Plus grave encore, les gens qui ont de bons avocats peuvent profiter des règles. (…) L’autre solution consiste à faire en sorte que l’on joue sa peau dans la transaction, sous la forme d’une responsabilité juridique et de la possibilité d’une action en justice efficace”.

Comme le souligne très bien Taleb, le monde anglo-saxon a toujours préféré l’approche juridique à l’approche réglementaire : “Si tu me portes préjudice, je peux te faire un procès“. Ce sont ces procès “à l’américaine”.

Suite à l’annonce de la condamnation de Monsanto, Taleb a d’ailleurs publié sur son compte Twitter : “It is particularly powerful that the legal system (torts) protects citizens, while regulators are in collusion w/industry”.

En l’occurrence, cette approche juridique s’inscrit dans un des fondements de la démocratie américaine : le jury citoyen. C’est effectivement un jury composé de 12 citoyens qui a condamné Monsanto.

Dans un document publié par le “California Courts Review” à propos du rôle des jurys, Ronald M. George (Chief Justice of California), écrit :

“En tant qu’Américains, nous prenons souvent pour acquis l’Etat de droit, qui est essentiel à la préservation de nos libertés. Trop souvent, nous pourrions oublier qu’un jugement par un jury composé de ses pairs représente un des idéaux démocratiques fondamentaux de notre nation. (…) On répète souvent que voter est le privilège des citoyens. Servir comme juré représente encore plus qu’un privilège ; c’est une obligation civique. Remplir cette obligation fournit souvent la participation la plus directe des individus à leur gouvernement.”

On est ici très proche de l’Héliée, dans la démocratie athénienne antique, c’est-à-dire le tribunal populaire, composé de ses 6 000 héliastes (des citoyens de plus de 30 ans) qui étaient chargés de rendre la justice. Comme les héliastes, les jurés des tribunaux américains sont tirés au sort, indépendamment de leur emploi, de leur race, de la couleur de leur peau, de leur religion, de leur sexe, de leurs origines nationales, de leur orientation sexuelle ou de leur statut économique. (source : Judicial Council of California: [PDF] “Court and Community Information and Instructions for Responding to Your Juror Summons“).

Bref, il est extrêmement intéressant que ce soit un jury composé de citoyens, qui, selon le modèle juridique américain, est arrivé à condamner Monsanto, là où le modèle “réglementaire”, plutôt à l’Européenne a, jusqu’ici, échoué.

Et je pense que c’est un début de changement que l’on peut observer. Au fur et à mesure que des mouvements citoyens émergent, il faut rappeler ce rôle essentiel, dans les démocraties, des tribunaux populaires. Yves Sintomer (2007 : 43), politologue français, met beaucoup l’accent là-dessus.

Au niveau du sucre, le vent tourne également un peu. Ainsi, CrossFit a révélé les manipulations d’une étude publiée dans le “Journal of Strength and Conditioning Research”, la revue de la “National Strength and Conditioning Association” (NSCA) connectée à différent niveaux à PepsiCo et à Coca-Cola. L’étude faisait état de blessures importantes dans le CrossFit. Le procès opposant CrossFit à cette très grosse institution sportive a tourné au profit du premier. Le juge a ainsi non seulement déclaré la NSCA coupable d’avoir falsifié les résultats d’une enquête scientifique, mais également de l’avoir fait dans le but de “protéger ses parts de marché dans l’industrie du fitness”. La NSCA vend effectivement des licences de coachs, et souhaite réglementer le secteur afin qu’aucun coach ne puisse exercer sans sa licence, ce à quoi s’oppose CrossFit. A nouveau, un cas de collusion entre industrie et réglementation.

Mais les choses changent. La crise des institutions met petit à petit à jour les collusions entre les organismes publics de réglementation et les lobbies industriels. C’est tout le modèle réglementaire qui est en crise. Et si on ne peut plus déléguer à des agences publiques la protection de notre santé et de notre environnement, ça doit être à nous, citoyens, de nous en charger.

Imaginez ce qui pourrait être fait à propos de perturbateurs endocriniens présents dans notre alimentation ? Des nano-particules ? Des compteurs Linky ? Du nucléaire ? Des particules dans l’air ? Quelle est la responsabilité actuelle de celles et ceux qui produisent tout cela, et quelle est la responsabilité de celles et ceux qui autorisent tout cela ? Les mouvements citoyens émergents doivent, en s’inspirant des fondements de la démocratie, mettre ces personnes face à leur responsabilité, via des tribunaux composés de citoyens. Il s’agit d’un des enjeux principaux des luttes à venir.

Et tout citoyen doit être attentif à ce que les mouvements qui se disent “citoyens” mettent cela à leur agenda…

Références : 

  • Sintomer, Y. 2007. “Le pouvoir au peuple. Jurys citoyens, tirage au sort et démocratie participative”, Paris : La Découverte.
  • Taleb, N.N. 2017. “Jouer sa peau. Asymétries cachées dans la vie quotidienne”, Paris : Les Belles Lettres

Image de couverture : Mike Mozart

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