Brève réflexion sur l’interdiction du burkini

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Dans le livre “The Law in Nazi Germany: Ideology, Opportunism, and the Perversion of Justice” (2013), les deux auteurs, Steinweis & Rachlin, expliquent que le 22 août 1933, l’Allemagne nazie interdisait l’accès aux piscines et aux plages, aux personnes juives, comme par exemple la célèbre plage Wannsee, à Berlin (photo ci-dessus).

Dans ses “Réflexions sur la question juive” (1946), Jean-Paul Sartre interprète cette interdiction comme la croyance nazie selon laquelle la piscine entière serait “polluée” si un “corps juif” y plongeait… Mais Steinweis & Rachlin pensent qu’au-delà de cette obsession délirante pour la pureté, il s’agissait d’une volonté d’être “entre Aryens” sur la plage, sans contact avec des Juifs.

Ils relèvent d’ailleurs que cela n’était pas nouveau. Au 19ème siècle, sous le règne de Wilhelm II, entre 1890 and 1918, une chanson circulait déjà sur les plages de l’île allemande de Borkum (en mer du nord) :

“À Borkum, seul l’esprit allemand est en vigueur,
et seul l’allemand est notre bannière.
Nous maintenons pur l’honneur
De la Germanie et pour toujours!
Mais celui qui s’approche avec ses pieds plats,
Avec son nez crochu et ses cheveux crépus,
Celui-ci ne peut pas profiter de la plage.
Il doit partir ! il doit partir !”

C’est ce qu’on appelle, en allemand, le “Bäder Antisemitismus”, une expression qui désigne l’antisémitisme qui sévissait dans les stations balnéaires allemandes, avant l’arrivée du nazisme au pouvoir. En Autriche, on parle de “Sommerfrischen-Antisemitismus”, c’est-à-dire l’”antisémitisme des stations estivales”.

Le mardi 16 août 2016, une femme de 34 ans, portant un hijab, se voit demander par la police municipale de quitter la plage de Cannes, où elle se trouve avec son enfant, ou de payer une contravention. Autour d’elle, certains la défendent. Mais beaucoup se lâchent :

– “J’ai entendu des choses que l’on ne m’avait jamais dites en face, comme ‘rentrez chez vous !’ ‘Madame, la loi c’est la loi, on en a marre de ces histoires’, ‘Ici, on est catholiques !'”

Derrière cette histoire de burkini, est-ce que la plage ne devient pas un espèce de lieu d’ “entre-soi” où pour certains, se délasser signifie “être avec des gens qui me ressemblent et surtout pas avec celles et ceux qui me sont étrangers” ? N’est-ce pas une manifestation de la xénophobie (donc la “peur de ce qui est étranger”) qui se développe actuellement, en partie à la suite des attentats ?
Comment expliquer qu’il y ait un terme spécifique pour qualifier l’antisémitisme des stations balnéaires ? Comment expliquer que la question du voile reprenne autant de vigueur sur un lieu aussi a-politique, a priori, qu’une plage de vacances ?

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Brève réflexion sur le débat à propos du burkini

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OK, s’il avait fallu inventer une actualité pour illustrer la nécessité d’une approche centrée sur la notion d’‪#‎Empowerment‬, on n’aurait pas pu imaginer mieux que celui du burkini…

Une des choses qui distinguent encore et toujours l’homme et la femme – pratiquement partout dans le monde ! – c’est que le corps de la femme reste l’OBJET de débats. C’est pourquoi la notion d’Empowerment s’est beaucoup développée dans les mouvements d’émancipation des femmes, luttant pour se réapproprier leur corps, c’est-à-dire la possibilité d’être des “Sujets”.

Ca dépasse de loin l’idée de “corps-objet” dans la pub, etc., c’est plus largement l’idée que le corps de la femme est l’objet de débats, de discussions, d’interdictions, etc. Débats politiques, débats éthiques, débats religieux, débats culturels. Le corps de l’homme, lui, ne l’est pas.

Le corps d’un homme lui appartient. Le corps d’une femme appartient encore à la société. C’est cela, la domination.

Être “Sujet” de son corps, c’est en être pleinement maître. C’est le fait que son corps ne soit pas “objet” de débats et de jugements (positifs ou négatifs). Il suffit d’aller sur une plage, au bord d’un terrain de foot… ou dans une salle Crossfit, pour se rendre compte que la plupart des hommes ne se demandent pas s’ils sont assez minces, ou assez musclés, ou assez bronzés, ou assez épilés, ou assez poilus, ou assez tout ce qu’on veut, pour se mettre torse nu. S’ils ont chaud, ils se mettent torse nu. Point. Et toute la différence est là.

Défendre le burkini, est-ce être socialiste ? Libéral ? Féministe ? Laïque ? Progressiste ? Réac’ ? Défendre la nudité féminine, est-ce être socialiste ? Libéral ? Féministe ? Laïque ? Progressiste ? Réac’ ? Ces questions n’ont aucun sens.

Pour celles qui “vivent” ces questions (port du voile, burkini, mini-jupe, harcèlement de rue, etc.), les débats politiques traditionnels (gauche, droite, centre, République, laïcité, etc.) n’apportent rien. Au contraire, ils désapproprient les femmes du droit d’être sujet de leur corps, en faisant de celui-ci l’objet de leurs débats.

Il faut de nouvelles catégories de pensée, construites par la volonté des individus et des peuples d’être “Sujets” de leur développement. L’Empowerment, c’est exactement ça, et c’est pour cela que je bosse là-dessus.

Merci à Vincent Lahouze d’avoir partagé cette image qui illustre parfaitement ce que je veux dire !

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