Brève réflexion sur l’insécurité et le monopole de l’Etat

ViolencelégitimeWeber

Dans un monde où les dirigeants n’ont rien vu venir de la radicalisation islamiste d’une certaine jeunesse, du repli identitaire xénophobe d’une autre, et du sentiment d’abandon des derniers, tout se passe comme si ces mêmes dirigeants n’arrivaient pas non plus à comprendre l’insécurité que ressent la population face à la montée des actes terroristes en France, en Belgique, en Allemagne, et un peu partout ailleurs. Dans l’illusion de leur propre sécurité, ils renvoient les “petites gens” à l’irrationalité de leur insécurité, au milieu de la foule, dans la rue, ou dans les transports en commun.

Ils nous disent : “Arrêtez de stresser. Vous êtes en sécurité. Continuons à vivre comme avant. Nous gérons”. La gestion de la sécurité est en fait un sujet central pour un sociologue (surtout un Wébérien). Etant potentiellement liée à la violence physique, la sécurité est au coeur de ce qui caractérise un “Etat” en sociologie : “le monopole de la violence physique légitime”. Seul l’Etat et ses représentants ont le droit d’appliquer des mesures de sécurité.

Alors, dire au petit peuple de ne pas se préoccuper de sa sécurité, c’est aussi rappeler à ce petit peuple que ce n’est pas lui qui dirige. Et par un tour de passe-passe, comme ceux que Bourdieu aimait dévoiler, les dirigeants peuvent défendre leur pouvoir, en prétendant (même de bonne foi) défendre la population.

Au coeur de notre société, il y a la “délégation“, le fait de déléguer à des structures (étatiques, économiques, politiques, institutionnelles, etc.) tout un ensemble de choses : le fait de nous fournir du travail, de décider pour nous, de nous nourrir, etc. Mais peut-être plus que tout, il y a le fait d’avoir délégué à l’Etat le fait de nous défendre. Le sentiment d’insécurité est au coeur de la faillite de cette société.

Image : Max Weber (1919) “Le Savant et le Politique“, Edition française 1959, introd. par Raymond Aron, Paris : Plon, p. 113.

2 Replies to “Brève réflexion sur l’insécurité et le monopole de l’Etat”

  1. Le pire de tout est sûrement de voir sur qui repose notre sécurité et comment elle est gérée. Ce volet de notre communauté est régit par des lois et des règlements prétendument en faveur de la masse.La délégation est quasiment obligatoire au contraire de L’EMPLOI(le choix de sa voie) ou l’ALIMENTATION qui eux sont encore à notre portée ou du fait de notre volonté .

    • Je crois que les attentats sur notre territoire mettent en crise aussi la délégation de notre sécurité. En fait, ce n’est pas tellement le fait de déléguer qui est problématique, c’est le fait de déléguer à des institutions qui ne répondent plus… Les Etats ou les marchés étaient censés nous fournir de l’emploi, mais finalement ce n’est pas le cas. L’agriculture industrielle était censée nous nourrir toutes et tous, en abondance, et il y a un milliard de mal nourris, et au moins autant de personnes en surpoids ou touchées par des troubles de santé liés à l’alimentation, etc… Le problème de la délégation se fait sentir quand ceux à qui on a délégué ne remplissent plus leur mission. Le sentiment de ne plus être en sécurité, c’est une crise de la délégation de la sécurité à l’Etat. Le problème, c’est que ce monopole d’appliquer des mesures de sécurité est au fondement même de l’Etat. Cette crise-là va s’avérer plus “grave” pour nos institutions, je crois, que la crise de l’emploi…

      Merci pour ton commentaire, ça m’a fait penser à 2 ou 3 points supplémentaires 😉

      Yves

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