Brève réflexion autour de la Saint-Nicolas : faut-il mentir aux enfants ?

Une petite réflexion personnelle, en réponse à une question qui se pose chaque année à la Saint-Nicolas : Faut-il mentir aux enfants (en leur faisant croire que c’est St-Nicolas qui amène les cadeaux par la cheminée) ?

(amis et amies de France — hors Alsace —, remplacez Saint-Nicolas par Père Noël, l’idée est la même !) 😉

Chaque année (encore ce matin à la radio), on entend des gens dire que c’est mal de mentir aux enfants, qu’ils vont en vouloir à leurs parents de leur avoir menti, qu’ils ne vont plus faire confiance aux adultes, etc…

Pour ma part, j’ai l’impression que ça dépend de la manière dont on leur explique pourquoi on fait ça. Et à 6, 7, 8 ans (l’âge où ils apprennent généralement), ils peuvent comprendre la bienveillance des parents à leur égard, et toute l’énergie déployée par cette petite mise en scène ! En fait, ça les fait marrer — d’expérience avec mes enfants — d’imaginer qu’on installait tout cela la nuit, que c’était papa (moi !) qui buvait le petit whisky offert à St-Nicolas pour se réchauffer dans sa tournée nocturne de début décembre, etc… Bref, ils comprennent que toute cette énergie visait à leur rendre l’offrande de cadeaux plus “magique” (se réveiller tôt, descendre au salon, découvrir les cadeaux devant la cheminée, etc.).

Je veux dire : il y a “mentir” et “mentir”, tout dépend de la raison. Si votre meilleur ami vous organise un anniversaire-surprise, est-ce que vous lui en voulez de vous avoir menti ?? Du genre : “M’enfin, tu m’as faire croire qu’on devait repasser chez toi chercher un truc, et là, y avait 40 personnes — tous mes proches — me souhaitant un Joyeux anniversaire !! Mais t’es qu’un c, tu m’as menti ! Je ne te parle plus !!” 😃 … Probablement pas. C’était un “mensonge” qui cachait beaucoup d’intention et de bienveillance à votre égard.

Et puis, il y a autre chose aussi : la fierté de l’enfant lorsqu’il est “dans la confidence” ! Ca, c’est vraiment une étape par laquelle l’enfant “se sent grand”, en particulier vis-à-vis du petit frère ou de la petite soeur qui y croit encore (ou des petits cousins, des plus petits de l’école, etc.). C’est une manière de se sentir “grand comme un adulte qui sait”, sur quelque chose qui reste évidemment très enfantin, très innocent.

Et même lorsque les enfants sont plus grands (les nôtres sont ados), il y a moyen de continuer à “jouer” là-dessus. Les parents continuent généralement à offrir des cadeaux (et des bonbons, speculoos, etc.) même si les enfants n’y croient plus. Et c’est l’occasion de “faire semblant”, alors qu’on sait qu’ils n’y croient plus, et qu’ils savent qu’on sait qu’ils n’y croient plus. Il y a une certaine “finesse” de ce jeu social (au sens vraiment de “ludique”) qui est intéressante, je trouve.

Mais voilà, c’est juste une réflexion comme ça, toute personnelle. Et vous, vous en pensez quoi ? Comment ça se passe chez vous ?

Et quoi qu’il en soit : Joyeuse Fête de Saint-Nicolas ! 😉

Illustration : Kauffmann, Paul (1849-1940). Illustrateur. La Saint-Nicolas. 1902.

Les humanités classiques et la démocratie participative. Un enjeu éducatif.

En quoi les auteurs “classiques”, qu’on n’apprend plus que dans les cours de Latin et de Grec, sont-ils aussi importants pour construire une société plus démocratique demain ? 

La grande innovation des Grecs et des Romains, dans l’Antiquité, est d’avoir conçu un système dans lequel tout citoyen peut participer au pouvoir. Telle est le promesse de la démocratie : le simple fait de faire partie du “dêmos” (le peuple réuni en assemblée) permet de participer au “kratos” (le pouvoir). 

Or, aujourd’hui, combien de fois les citoyens et citoyennes qui désirent prendre part à une décision politique ne se voient-ils pas répondre que le dossier est trop “complexe”, et qu’il faut laisser la gestion de la Chose publique aux “professionnels” de la politique ? 

C’était pourtant là, traditionnellement, le rôle des “humanités” : nous préparer à être des citoyens dans la Cité. Et mettons bien l’accent là-dessus : pour ceux qui ont inventé la démocratie, l’être humain est, “par nature”, un “animal politique”. Et ils voulaient dire par là que nous ne pouvons pas faire autrement que vivre au milieu d’autres êtres humains. Il faut donc être capable d’interagir avec eux, et de décider tous ensemble. Ca doit donc s’apprendre dès le plus jeune âge.

En ce sens, la citoyenneté n’est pas perçue comme quelque chose qu’on apprend “en plus” (1 heure par semaine dans un cours de citoyenneté ou de morale), pour pouvoir, une fois adulte, voter tous les 4 ou 5 ans, ou participer à une réunion ou l’autre, à l’occasion, après ses heures de travail. Être un adulte, libre, de plein de droit, dans une société, c’est pouvoir à tout moment participer aux décisions qui nous concernent. 

Ce qu’on appelle “les humanités”, dans l’enseignement, visent précisément à cela. 

Je vais faire un bref historique, pour qu’on comprenne bien, mais il y aura beaucoup de raccourcis. Pour celles et ceux que ça intéresse, je renverrai vers des ouvrages en fin de texte.

Les “humanités” remontent aux “arts libéraux” antiques, ce modèle de formation fixé par Isocrate au IVè siècle av. J-C. Trois disciplines en constituaient la base : la grammaire, la dialectique et la rhétorique. L’enfant grec apprend par coeur les poèmes homériques, et se forme, par la rhétorique, à l’éloquence de la tribune (Compère & Chervel, 1997 : 5).

Les Romains héritent de ce modèle. A partir du grec “Paideia” [παιδεία] (“éducation”, et plus généralement le fait d’élever un enfant), Cicéron (106-63 av. J.-C) propose “humanitas” : l’éducation est conçue comme la préparation de l’individu à son rôle d’homme dans toute la plénitude de son sens. (Ibid.), dont, de manière centrale, son rôle de citoyen.

Dans les mots de Quintilien, pédagogue latin du 1er siècle après J.-C. :

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