Coronavirus : C’est à la manière dont seront sanctionnées les erreurs politiques que nous pourrons juger nos démocraties.

En France, comme en Belgique, comme un peu partout dans le monde, cette pandémie de Covid-19 a révélé, plus que jamais, la faillite de celles et ceux qui nous dirigent. 

Dès le mois de janvier, des experts ont tenté de les avertir du danger de cette épidémie, de la nécessité de couper toute liaison aérienne avec la région chinoise concernée, de préparer nos services hospitaliers, etc. Mais ils n’ont pas écouté. 

Résultats : une épidémie muée en pandémie mondiale, des milliers de morts, une économie mondiale à l’arrêt, des populations confinées à domicile. 

Et il faut bien comprendre une chose : un des points essentiels de la démocratie, c’est que les dirigeants ne peuvent pas faire n’importe quoi en toute impunité. Ca, c’est le propre de la dictature ou de la tyrannie. 

Un dictateur peut se permettre de mettre en danger son peuple, d’affamer sa population, voire même d’en massacrer une bonne partie, sans craindre de ne pas être réélu… parce que, précisément, c’est une dictature ! 

La démocratie, ça doit être exactement l’inverse de cela ! Le pouvoir, en démocratie, doit être quelque chose de toujours très précaire. De très risqué, même ! Risqué, parce que quand on a une fonction, en démocratie, on a des comptes à rendre constamment face à la population. Ca implique donc de très grandes responsabilités. On est RESPONSABLE des décisions qu’on prend devant le peuple, généralement représenté par une assemblée. 

Dès l’origine, les Grecs (déjà à l’époque Solon, puis Clisthène) ont élaboré tout un ensemble de procédures de mise en accusation, de révocation et de sanctions vis-à-vis des magistrats (nos élus actuels) et des stratèges (nos ministres actuels). 

Ainsi l’’EISANGÉLIE (littéralement l’ “annonce”) consistait à dénoncer devant l’Ecclesia (l’assemblée du peuple) un mandataire dont l’action politique aurait porté atteinte aux intérêts de la Cité. Cela comprenait aussi la mise en danger de la Cité, par exemple face à un ennemi. 

Les stratèges (à l’origine une fonction militaire, puis élargie) pouvaient par exemple faire l’objet de sanctions très sévères s’ils avaient failli à leur mission de stratège lors d’un combat. 

Tout citoyen pouvait, à tout moment, porter une accusation vis-à-vis d’un mandataire, devant l’assemblée. Et les peines étaient très sévères, impliquant souvent la perte des droits civiques (mettant donc fin à toute “carrière” politique) et pouvant aller jusqu’à la peine de mort avec interdiction d’être enseveli en terre attique, ce qui amenait beaucoup de mandataires accusés à fuir avant même leur procès. 

Et on pourrait citer d’autres procédures, comme le “graphe paranomon”, la révision des comptes par les Euthynes, ou encore les procédures d’ostracisme. 

Ce qu’il faut retenir, c’est qu’en démocratie – et c’est un point essentiel de distinction par rapport aux autres systèmes – les fonctions politiques impliquent de grandes responsabilités vis-à-vis du peuple, et des sanctions très sévères lorsqu’on a failli dans sa fonction. 

Traditionnellement, les penseurs libéraux ont toujours mis l’accent là-dessus. Ainsi Benjamin Constant, pour ne citer que lui, expliquait très justement, dans ses “Principes politiques” (1872), qu’un Ministre peut faire énormément de mal, dans le cadre de ses fonctions, et même en respectant les lois. Il faut donc, selon lui, prévoir “des moyens constitutionnels de réprimer ce mal et de punir ou d’éloigner le coupable”*. 

Je n’imagine pas que Maggie De Block**, ministre de la santé belge, par exemple, puisse encore avoir des fonctions politiques dans sa vie, à l’issue de la situation actuelle, et puisse s’en tirer sans un procès et une condamnation. 

Il en va de même pour la France, j’imagine. 

Rappelons-nous de cela : c’est aux sanctions vis-à-vis des élus qui ont mis en danger leur population que l’on jugera nos démocraties. 


* Pour mes amis français, cette ministre de la santé a reçu une alerte le 12 février, émanant d’un scientifique spécialiste des coronavirus, pour l’alerter. Elle n’a pas répondu. Lorsqu’il l’a interpellée par presse interposée, elle l’a traité de « Drama Queen » sur Twitter. Qui dit mieux ?

** Ca sort un peu du sujet ici (quoi que ?), mais ce qu’explique Benjamin Constant, c’est que si on n’écarte et ne punit pas le ministre par des moyens constitutionnels, les hommes deviendront haineux et violentes… bref, le ministre en question sera quand même écarté… mais par des moyens non-démocratiques. Très pertinent ! 

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