Les caractéristiques communes à toutes les démocraties, selon Aristote

Dans le livre VI, chap. 2, des “Politiques”*, Aristote (384 av. JC. – 322 av. JC.) décrit : 

  • I. Le principe de la démocratie, 
  • II. Les caractéristiques communes à toutes les démocraties…

I. “Le PRINCIPE de base de la constitution démocratique, c’est la liberté. (…) Et l’une des formes de la liberté, c’est d’être tour à tour gouverné et gouvernant.”

La liberté en démocratie est donc fondée, pour Aristote, sur ce qu’il appelle “l’égalité numérique” : “il faut que chaque citoyen ait une part égale” (comprenez : une part égale du pouvoir). 

II. Sur cette base, il décrit les CARACTÉRISTIQUES communes à toutes les démocraties :

1/ Choix de tous les magistrats parmi tous les citoyens.

2/ Gouvernement de chacun par tous et de tous par chacun à tour de rôle.

3/ Tirage au sort des magistratures, soit de toutes, soit de toutes celles qui ne demandent ni expérience ni savoir. Continue reading Les caractéristiques communes à toutes les démocraties, selon Aristote

Création d’un organe permanent de la participation citoyenne à Madrid

Le conseil municipal de Madrid vient, ce mardi 29 janvier, de créer l’Observatoire de la ville (El Observatorio de la Ciudad) : un organe permanent de la participation citoyenne !

Cet Observatoire de la Ville sera composé de citoyens et citoyennes tirés au sort. Ceux-ci suivront l’action municipale et formuleront des recommandations, durant un an.

Le dispositif s’inspire de ce qui a été fait au Canada, en Australie, ou en Irlande, par exemple, où avait été créée une commission constitutionnelle composée de 33 responsables politiques et de 66 citoyens et citoyennes tirés au sort. C’est ce processus participatif qui avait, en Irlande, ouvert la porte à une dépénalisation de l’avortement.

A Madrid, il est prévu que les membres de l’Observatoire débattent des sujets qui concernent la ville. Ils peuvent même proposer des consultations sur base de propositions citoyennes via la plateforme de participation “Decide Madrid“.

“Decide Madrid” est une création de la coalition au pouvoir actuellement à Madrid. Cette plateforme d’une part permet aux Madrilènes de proposer, délibérer et voter sur les politiques de la Ville, et d’autre part, assure de la transparence dans le fonctionnement municipal.

C’est mardi prochain, le 5 février, que la Mairie de Madrid procèdera au premier tirage au sort, qui devrait permettre de sélectionner 30.000 foyers. Dans ces foyers, celles et ceux qui accepteront l’invitation participeront à un deuxième tirage au sort, le 12 mars. Ce deuxième tirage au sort tiendra compte des caractéristiques d’âge, de sexe et de répartition géographique.

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Un jury tiré au sort en Cour d’assises. Pourquoi pas le tirage au sort en Politique ?

A l’occasion du procès Nemmouche, on peut se demander pourquoi des citoyens tirés au sort sont considérés comme aptes à juger un crime, mais seraient incapables de prendre des décisions de politique communale, par exemple ?

On sait que le tirage au sort était un élément central de la démocratie athénienne. Celui-ci renvoie directement à la notion d’ “égalité”, qu’on retrouve dans l’ “isonomie” : l’égalité des citoyens devant la loi.

Égalité en droits, comme en devoirs…

  • Ainsi, la tâche pour laquelle on tire au sort peut être une “corvée” à laquelle personne ne veut se coller (un long procès d’assise, un dimanche en tant qu’assesseur, etc.) : on tire alors au sort pour ne pas pénaliser certains plus que d’autres.
  • Ou inversement, la tâche pour laquelle on tire au sort peut être un “privilège” (être membre d’une Assemblée, prendre part aux décisions politiques, etc.) : on tire alors au sort pour ne pas favoriser certains plus que d’autres.

Dans un cas comme dans l’autre, derrière l’idée du tirage au sort, il y a l’idée que nous sommes toutes et tous égaux vis-à-vis de charges publiques : nous “pouvons” et nous “devons” toutes et tous assurer des charges publiques.

Et cela quelles que soient nos connaissances du domaine, quel que soit notre niveau d’étude, etc.

Il est étrange qu’on n’entende pas tellement, à propos des jury d’assise, les arguments habituels contre le tirage au sort au niveau politique : “Et si étaient tirés au sort des gens incompétents ? Et des extrémistes ? Et des gens mal intentionnés ?”

Les jurés prêtent “serment”, ce qui renvoie étymologiquement à un acte “sacré”, à un engagement envers quelque chose qui les “transcende”, ici en l’occurence : la Loi, ou la Justice pourrions-nous dire, représentés par la Cour. Continue reading Un jury tiré au sort en Cour d’assises. Pourquoi pas le tirage au sort en Politique ?

Au coeur de la démocratie : le tirage au sort !

En pleine période électorale (en Belgique), il est intéressant de se rappeler que l’élection n’est, à la base, pas un procédé démocratique. Aristote, comme Montesquieu ou Rousseau, percevaient l’élection comme typique de l’oligarchie (Aristote) ou de l’aristocratie (Montesquieu).

Ces grands penseurs de la démocratie faisaient reposer celle-ci sur le principe du tirage au sort. De fait, cette manière de faire était au fondement de la démocratie, puisque c’était déjà utilisé sous Solon (640-558 av. JC.), à qui on attribue (à tort ou à raison) l’instauration de la démocratie athénienne.

Pourquoi le tirage au sort ?

1. Parce que la démocratie postule que tout le monde a la capacité de participer à la gestion de la Cité. La démocratie ne demande pas de compétences spéciales.

2. Parce qu’il faut une alternance entre les gouvernés et les gouvernants. L’élection pourrait induire le fait qu’on réélise toujours les mêmes (sans blague ??). Aristote l’expliquait très bien…

[Extrait  “Tous les citoyens doivent être électeurs et éligibles. Tous doivent commander à chacun, et chacun à tous, alternativement. Toutes les charges doivent y être données au sort, ou du moins toutes celles qui n’exigent ni expérience ni talent spécial. (…) Nul ne doit exercer deux fois la même charge, ou du moins fort rarement, et seulement pour les moins importantes, excepté toutefois les fonctions militaires. Les emplois doivent être de courte durée, sinon tous, du moins tous ceux qui peuvent être soumis à cette condition.”

Bref, le tirage au sort permet une alternance des dirigeants.

3. On ne peut pas prévoir à l’avance si quelqu’un va être un bon dirigeant ou pas. Donc, autant laisser le sort choisir. MAIS par contre, ce dirigeant tiré au sort sera jugé sur sa gestion, tout au long de son mandat.

Très clairement, si Aristote, Montesquieu et Rousseau observaient notre système actuel, ils ne le percevraient pas comme “démocratique” :

  • On est plus dans une “technocratie” (qui est une forme d’oligarchie) très peu participative, dans laquelle la population est désappropriée de son pouvoir de décision au profit d’une classe d’experts et de “professionnels de la politique”.
  • Il y a très peu d’alternance au pouvoir.
  • L’élection implique un choix “a priori” sur base d’un programme ou d’une bonne tête. Par contre, une fois élu, le mandataire jouit d’une immunité formelle et informelle, qui fait qu’il est très difficilement éjectable (sous prétexte précisément qu’il a été élu).

Aux prochaines élections communales, la liste Kayoux-OLLN utilise pleinement ce principe du tirage au sort. Je ne peux qu’espérer que d’autres partis (citoyens) s’en inspireront !