“… Said no one ever !”. Personne ne dit jamais ça.

 

Et si on essayait de décrire la situation actuelle, en partir de ce que (presque) personne ne dit jamais ?

Exemple 1 : (Presque) personne ne dit “J’adore mon boulot ! Je m’y vois encore bien dans 10 ans !”, ou “Mon boulot est épanouissant, j’y trouve vraiment du sens, je suis fier de ce que je fais !”, ou “Chaque matin, j’ai hâte d’aller bosser !”, ou “La législation liée à mon secteur est vraiment adaptée à la réalité du terrain”, ou “L’organisation interne est hyper bien pensée, et les personnes aux postes clés sont extrêmement compétentes !”… Said No One EVER !

Au contraire, énormément de personnes se sentent frustrées dans leur emploi : mauvais fonctionnement, incompétence du n+1, du n+2, du n++….. , surcharge de boulot à cause de collègues trop souvent absents, harcèlement, sentiment de ne servir à rien, de faire toujours la même chose, de ne pas être à sa place, de ne pas être reconnu à sa juste valeur, pré-burnout, burnout, bore-out, dépression, etc. Et surtout un sentiment généralisé que tout se dégrade, qu’avant on pouvait mieux travailler, qu’avant on était plus efficaces, qu’avant l’ambiance était meilleure…

Alors, bien sûr, avant, tout le monde n’aimait pas nécessairement son boulot, et il n’est pas difficile d’imaginer que passer 10 heures au fond d’une mine n’était pas “épanouissant”. Mais le monde d’hier se structurait probablement davantage entre ceux qui étaient fiers de leur boulot (et qui pouvaient être fiers de bien faire ce qu’ils devaient faire) et ceux qui n’étaient pas satisfaits, et qui se divisaient eux-mêmes entre ceux qui avaient conscience que collectivement ils pouvaient faire changer les choses (la « conscience de classe ») et ceux qui étaient complètement résignés. Toujours ce Fight or Flight.

Aujourd’hui, tout cela semble brouillé, et nous sommes nombreux à surnager, entre deux eaux, comme si on attendait que quelque chose arrive. Un C4 ? L’effondrement du système ? Un burnout ?

Exemple 2 : (Presque) personne ne dit “Je me sens en super bonne santé, et en super bonne condition physique !”, “Mon corps fonctionne vraiment bien, je suis au top de mes performances physiques”. Said No One Ever (à part quelques CrossFitteurs.euses) 😉

Au contraire, dès qu’on parle un peu, la plupart des gens disent “Je sais que je devrais perdre un peu de poids”, “Je sais que je devrais faire un peu de sport”, “Avant, j’étais mince”, “Avant, je courrais beaucoup, et puis… “. Et “Je sais que je mange mal”, “Je sais que je devrais faire attention à ce que je mange, mais…”. “… Mais tout ce qu’on nous vend maintenant, c’est plein de sucre !”, “Et maintenant, dès que je mange des plats préparés, j’ai mal au ventre”, “Et maintenant, de toute façon, avec tout ce qu’ ‘ils’ mettent dans nos aliments, on ne sait plus ce qu’on peut manger…”. “Et mon médecin m’a dit que je devais faire attention à mon cholestérol”, “Et ça fait deux ans que je suis en pré-diabète”, “Et j’ai mal au dos”, “Et j’ai un collègue qui a un cancer, à 42 ans”.

Et de fait, il y a un certain nombre de maladies, qu’on appelle “maladies de civilisation”, qui sont en pleine augmentation : les maladies cardio-vasculaires, les maladies métaboliques (diabète, obésité, etc.), les problèmes immunitaires (allergies, intolérance au gluten, maladies auto-immunes, inflammations chroniques, etc.) et les maladies dégénératives (Parkinson, Alzheimer, etc.).

Exemple 3 : Personne ne dit jamais “Nos dirigeants politiques sont hyper compétents !”, “Le pays est géré de main de maître !”, “C’est bien simple, on ne pourrait pas rêver meilleurs représentants politiques !”. Said No One EVER EVER EVER !

Au contraire, c’est bien davantage le “tous pourris” qui prédomine, le “trop, c’est trop !” (“Trop is the veel” comme on dit en Belgique). Et le rapport que l’immense majorité des gens entretiennent avec la politique pourrait se résumer en 3 lettres : WTF !? (pour What The F**k !?, qu’on pourrait traduire par : “C’est quoi ce bordel ??” ou en plus poli “M’enfin ??”). Des socialistes qui se font choper en train de détourner l’argent des plus démunis ? WTF !? De l’évasion fiscale au sommet de l’Etat ? Des élus qui s’avèrent être des harceleurs sexuels ? Des dynasties de Ministres de père en fils ? Des autorités qui reprennent des rapports fournis par les lobbies ? Des conflits d’intérêt complètement évidents ? Des pratiques mafieuses au sein des gouvernements ? Des élus qui cumulent des dizaines de mandats rémunérés et qui gagnent des sommes hallucinantes ? Et je passe toutes les décisions politiques qui n’ont aucun sens, qui sont tout à fait contre-productives et aberrantes. Toutes les décisions qui vont à l’encontre du bon sens, de la logique ou de la morale.  On a des doutes sur la dangerosité du Glyphosate pour la santé ? Utilisons-le encore 5 ans, le temps de voir si c’est dangereux ou pas. W-T-F !?

Alors, qu’est-ce qu’on fait avec tout ça ? Comment est-ce qu’on fait pour ne pas aller droit dans le mur, individuellement et collectivement ?

La seule manière – à mon sens – est d’arriver à se réapproprier ces enjeux-là, individuellement et collectivement : notre activité professionnelle, notre santé, notre capacité décisionnelle. Et il y a quand même une petite minorité qui y arrive.

Celles et ceux qui créent leur petite activité, qui leur permet d’être maîtres de leurs conditions de travail. Ces nouveaux artisans, nouveaux agriculteurs, qui quittent leur “job à la con“, comme le titrait Libération, pour se lancer dans une activité qui a du sens pour eux, et qui leur permet de ne plus être dépendant, d’un boss, d’une grosse organisation, d’une hiérarchie. Génération Flux, Backpack Entrepreneurs, révolte des premiers de classe, etc.

Celles et ceux qui reprennent leur corps, leur santé, leur condition physique en main. Ils mangent sainement, ils s’entraînent, ils méditent ou font du Yoga. Ils cultivent leurs propres légumes ou s’organisent en circuits courts pour s’approvisionner en aliments sains, nutritifs, non-pollués, locaux et de saison.

Celles et ceux qui ont créé des modèles politiques autres, plus participatifs, plus horizontaux. Et à leur échelle, ils sont arrivés à construire un modèle décisionnel qui implique davantage de monde, à prendre des décisions dans lesquelles la population se reconnaît, des décisions qui semblent « justes » pour tout le monde, pour la planète, pour les générations futures. Ils sont Saillans, Ungersheim, Beckerich, etc. On fait des films sur eux. On vient les écouter en conférence. Ils font rêver.

Tout cela se retrouve dans des initiatives en transition, qui émergent un peu partout, et dans des listes citoyennes et des projets locaux. Aujourd’hui, c’est certainement ces dynamiques de réappropriation, d’”empowerment” qui nous permettront de redire… ce qu’on ne dit plus jamais.

Leave a Reply

Your email address will not be published. Required fields are marked *

*