Et si on devait construire un mouvement politique…

Il y a quelques jours, j’ai partagé sur les réseaux sociaux ce qui, selon moi, devrait constituer la colonne vertébrale d’un nouveau mouvement politique. J’ai eu plein de retours positifs et c’est très cool ! ❤️

Heureux de voir qu’on est nombreux et nombreuses à vouloir créer quelque chose. 👊

Mais cela nécessite pas mal d’explications et de précisions. C’est vers cela qu’est en train d’évoluer le bouquin sur la question d’empowerment, sur lequel je bosse depuis des années, ce qui est logique puisque ça en est un peu le terreau… Mais en attendant, voici quelques précisions…

LA MOTIVATION ?

Pour l’expliquer, je pourrais reprendre les mots de KERY JAMES :

“À qui la faute ? J’n’essaye pas d’nier les problèmes
Je n’compte pas sur l’État, moi, j’compte sur nous-mêmes
À qui la faute ? Cette question appartient au passé
J’n’ai qu’une interrogation moi : ‘Qu’est-ce qu’on fait ?’”

> > > Qu’est-ce qu’on fait ? On essaie de construire quelque chose ⤵️

LA RÉCEPTION ?

A 40 ans, je ne ressens plus le besoin de me rattacher à des courants ou des idéologies. Et je vous invite à faire de même. Je pense qu’un projet politique doit émerger sur ces 7 éléments. Si quelqu’un qui se dit “de gauche” est d’accord avec moi, je ne vais pas me dire “Merde ! Quelqu’un de gauche est d’accord avec moi, il faut que je modifie mes propos !” Ca vaut aussi pour des gens “de droite”. Je propose ici ce en quoi je crois, je ne vais pas changer quoi que ce soit selon les étiquettes portées par celles et ceux qui seraient d’accord ou pas avec moi. Les arguments de chacun et chacune m’intéressent, pas les étiquettes qu’ils et elles se sont collées sur le front…

POURQUOI CES 7 ÉLÉMENTS-LÀ ?

Ils composent 2 “trios”, qui s’articulent autour de l’idée de démocratie, qui est par conséquent centrale.

Les 3 premiers éléments constituent une échelle, allant de l’humain à la famille puis au niveau local.

1) Tout projet politique doit mettre [L’HUMAIN] au centre.

Ou, dit autrement, l’humain comme mesure de toutes choses, pour paraphraser Protagoras. Je pourrais aussi citer Cicéron “aux yeux de l’homme, rien ne doit avoir plus de prix qu’un homme”. Volontairement, je n’ai pas utilisé le mot “Individu” qui est trop restrictif. Ce n’est pas un projet individualiste. Parler d’humain permet de considérer l’individu, d’une part sans sa dimension “sociale” (au sens d’Aristote : nous sommes des animaux sociaux ou politiques), et d’autre part dans son évolution (nous sommes le fruit de plusieurs millions d’années d’évolution). Ce dernier point a beaucoup d’importance en matière de santé et d’écologie par exemple… ou encore d’alimentation 😉 Mais aussi en matière de mobilité et d’urbanisme : celles et ceux qui pensent la ville devraient se rappeler que celles et ceux qui y vivent, y travaillent et y commercent sont des êtres en moyenne de 1,60m, 60 kg, et qui en règle générale ont 2 jambes, et se déplacent à 5km/h (et pas des êtres d’une tonne, avec un moteur et se déplaçant à 50 km/h).

2) L’unité de base de la société est [LA FAMILLE].

La société est composée de familles, pas d’individus. Je reprends l’idée à Auguste Comte. A nouveau, ce n’est pas un projet individualiste (d’ailleurs, comment imaginer un projet de société qui serait “individualiste” ?). Et je parle de la famille, exactement comme Aristote : “la communauté naturelle constituée en vue de la vie de tous les jours“.
Et je trouve que c’est assez proche de la vision que pourrait en avoir un enfant, et c’est très intéressant. La famille, c’est celles et ceux qui sont là quand tu t’endors le soir, quand tu te réveilles le matin, celles et ceux qui te nourrissent… et qui te font un bisou sur le front quand tu tombes à vélo. Et ça peut être papa, maman, papa et maman, papa et belle-maman, maman et beau-papa, papy, mamy, tata, tonton, tes deux papas, tes deux mamans, papa devenu maman, maman devenue papa, PEU IMPORTE ! S’ils sont là quand tu t’endors, quand tu te réveilles, s’ils t’aiment et te chérissent ? C’est ta famille… And I’m totally OK with that.

3) C’est au niveau [LOCAL] qu’on a le plus de pouvoir.

Ce à quoi nous assistons actuellement, c’est à une transformation d’échelle. La société industrielle était celle de l’échelle globale, massifiée : production de masse, consommation de masse. Résultats : des territoires entiers dépendent d’une petite minorité de producteurs pour leur alimentation, leur énergie, leurs emplois. Une approche localiste consiste à réfléchir au bon territoire pour produire et consommer des aliments, pour produire et consommer de l’énergie, pour produire et traiter des déchets, pour se déplacer, etc. Redonner du pouvoir au niveau local a tout son sens, là où nous pouvons toutes et tous *participer*, nous réunir en assemblées, discuter, débattre.

> > > Les êtres humains sont des animaux politiques, dont la communauté naturelle est la famille, et qui forment des sociétés au niveau local. Ca, c’est (en très raccourci) le “demos” de démocratie.

4) La meilleure manière de décider toutes et tous ensemble, dans ces sociétés, c’est [LA DÉMOCRATIE]

Une fois qu’on a définit le bon territoire pour prendre des décisions, il faut savoir comment est-ce qu’on va procéder. Et je pense que la démocratie est actuellement le meilleur système que nous ayons en rayon. Le mot est mis à toutes les sauces, ma définition est la plus basique et originelle possible : la démocratie assure l’isonomie (nous sommes toutes et tous soumis aux mêmes lois) et l’iségorie (nous avons toutes et tous le même droit à la parole). A cela, je rajoute quelques éléments puisés chez Aristote : il devrait y avoir un maximum de rotations, afin que chacun et chacune puisse, d’une manière ou d’une autre, être un jour “gouvernant” et “gouverné” (et au niveau local, ça a tout son sens). Le but est que les citoyens et citoyennes puissent participer aux décisions qui les concernent. Et le coeur de la démocratie, ce sont les assemblées. Le pari est celui de l’intelligence collective, qui s’oppose à la technocratie. Si le cordonnier est celui qui s’y connaît le mieux en chaussures, c’est celui qui marche avec qui sait où la chaussure fait mal.

> > > Ce qui nous amène à 3 vertus classiques de la démocratie. Elles sont au coeur du “pouvoir” démocratique. Elles renvoient au “kratos” de démocratie. On les retrouve aussi bien chez Aristote, Cicéron… ou Malcolm X : Liberté – Égalité – Justice.

Ce triptyque se retrouve pratiquement dans tous les discours de Malcolm X, et dans 2 de ses phrases les plus souvent citées :

“Our objective is complete freedom, complete justice, complete equality, by any means necessary.”

Et…

“Nobody can give you freedom. Nobody can give you equality or justice or anything. If you’re a man, you take it. If you can’t take it, you don’t deserve it. Nobody can give it to you.”

Je pourrais difficilement oublier, c’est tatoué sur mon bras depuis des années 😉

5) Le principe de base de la constitution démocratique, c’est [LA LIBERTÉ].

Cette phrase est d’Aristote, et la première forme de la liberté, chez lui, c’est d’être à tour à tour gouverné et gouvernant, ce qui rejoint le point précédent. Au-delà de ça, la liberté, c’est, pour Aristote, de “vivre comme on veut”, et il rajoute “étant donné que la servitude, c’est de ne pas vivre comme on veut”. Être libre, c’est ne pas vivre sous la servitude de quelqu’un d’autre. On est proche des mouvements d’émancipation. C’est vivre en homme ou en femme libre (ne pas être esclave ou asservi). C’est vivre en adulte “émancipé”, au sens des Lumières, de Kant : “la sortie de l’homme hors de l’état de tutelle dont il est lui-même responsable”. Ca rejoint l’idée d’EMPOWERMENT…

Et on peut décliner cette liberté, sous sa forme “liberté d’expression” (qui est fondamentale), liberté d’entreprendre, etc. Tout le monde devrait pouvoir aisément lancer sa propre activité, et sortir de la tutelle patronale ou étatique. Je crois beaucoup dans les vertus de l’entrepreneuriat pour se libérer.

6) En démocratie, la liberté est fondée sur [L’ÉGALITÉ]

Cette phrase est également d’Aristote. Mais pour éviter tout confusion, je précise : égalité DES DROITS et DES CHANCES. Parce que si j’entends “égalité” dans sa forme totalisante (pour ne pas dire totalitaire), alors ce n’est évidemment plus compatible avec l’idée de liberté. Exemple : si je veux que tout le monde travaille le même nombre d’heures, et gagne la même chose, je vais à l’encontre de la liberté de certains ou certaines de travailler 60 heures/semaine et de gagner plein d’argent, et la liberté d’autres de travailler moins, et de passer plus de temps avec leurs enfants par exemple. Par contre, tout le monde devrait avoir les mêmes droits et les mêmes chances de faire l’un ou l’autre. L’éducation est donc une dimension primordiale de ce projet politique : quels que soient la fortune et le niveau d’éducation des parents, chaque enfant devrait avoir, grâce à l’école, les mêmes chances. De manière évidente, l’école ne remplit pas ce rôle actuellement. Elle ne fait que reproduire les inégalités.
A mon sens, il n’y a pas de problème en soi à ce que quelqu’un gagne des fortunes, tant qu’il ne se sert pas de cette fortune pour 1) se soustraire à la loi, 2) intenter aux libertés des autres.

… Ce qui nous amène directement à : ⤵️

7) [LA JUSTICE] comme première de toutes les vertus.

L’idée vient de Cicéron. Pas de communauté humaine sans justice. C’est la reconnaissance des droits de toutes et de tous. Et j’aime bien les 2 dimensions de la justice chez Cicéron : d’une part, ne pas causer de tort à autrui ET, d’autre part, s’engager contre les injustices. A l’idée de justice, sont associées les idées de bienveillance, d’altruisme, de solidarité et de responsabilité. Déclinaisons : justice sociale, justice fiscale, etc.

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Nous rejoindre ? 

Soyons très clair, le but n’est pas de recueillir les déçus des autres partis. Et je le dis sans arrogance : si quelqu’un se sent socialiste, mais est déçu par le Parti socialiste, je pense qu’il est préférable qu’il reste au Parti socialiste et essaye de le changer de l’intérieur, plutôt que d’essayer de faire du mouvement qu’on est en train de créer ici le parti “socialiste” que le Parti socialiste n’est plus. Vous comprenez ? 😉

Et idem pour un électeur ou une électrice d’un parti libéral classique, d’un parti écologiste, etc. Si vous pensez que le parti de droite pour lequel vous votiez n’est pas ou plus assez libéral, essayez de le faire changer de l’intérieur, ou créez votre parti libéral rêvé. Si vous êtes déçu ou déçue par les compromis de votre parti écologiste, essayez de le faire changer de l’intérieur, ou créez quelque chose de nouveau. 

Il est plus intéressant pour la société en général que les gens restent dans le parti qui correspond à leur idéologie et essayent de le transformer de l’intérieur en le rendant plus démocratique, plus participatif, plus transparent, etc. 

De même, à l’heure actuelle, je pense qu’il est préférable qu’émerge une multitude de petites initiatives, sans penser directement à un “seuil électoral” et à la création d’une fédération des initiatives citoyennes pour l’atteindre. Il faut une démarche bottom-up, qui part d’en bas, avec des initiatives en concurrence entre elles. Et les plus abouties, les plus solides, émergeront de cette concurrence.

Je ne veux pas rassembler les déçus et déçues de tous les autres partis. Quand on construit sur de la déception, on se retrouve toujours avec quelque chose de décevant. C’est hélas, je crois, l’erreur faite par beaucoup de partis et mouvements citoyens, ces dernières années. 

Je voudrais, avec ce mouvement, rassembler celles et ceux qui ne se sentent plus ni de droite, ni de gauche, ni de l’écologie institutionnelle, ni du centre classique, mais qui cherchent réellement autre chose, plus ancré dans le présent, et qui se reconnaissent dans la colonne vertébrale proposée ici… 

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Ce texte sera sur mon blog et sera mis à jour régulièrement ! Je relayerai juste les mises à jour sur Facebook…

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Au plaisir d’avoir vos avis, remarques, suggestions… Et n’oubliez pas : si on ne participe pas au débat public (et ça ici, ça en fait partie), on ne sera jamais entendu ! 

One Reply to “Et si on devait construire un mouvement politique…”

  1. Merci Yves pour texte initiateur et inspirant. A la lecture je me demande dans quelle mesure il n’est pas un peu trop “bien pensant”, expression souvent péjorative (a tort) et qui chez moi exprime juste un questionnement: la difficulté actuelle n’est plus il me semble d’enoncer les principes auxquels nous sommes tous attachés, mais de découvrir et énoncer les règles à la frontière intrinsèquement conflictuelle de ces principes.

    Il y a là tout un enjeu a la fois connu mais pour lequel tout reste a faire. Je suis curieux de voir comment ce mouvement ça d’y prendre…

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