Dans cette image : une révolution copernicienne

On comprend l’importance du moment quand on réalise que Jean-Claude Juncker, président de la Commission européenne, est relégué au 3ème rang, et obligé de se mettre sur la pointe des pieds pour écouter, par la voix d’une enfant, ce que les dirigeants auraient dû faire depuis 20 ans…

Symboliquement, dans cette image, et dans ce discours de Greta Thunberg, on assiste à une véritable révolution copernicienne, à un renversement de notre représentation du monde : entre qui parle et qui écoute, entre qui agit et qui attend, entre qui est responsable et qui est irresponsable, entre qui se comporte comme un.e adulte et qui se comporte comme un.e enfant.

Entre le réalisme de l’action et l’utopie de l’inaction.

Ce qu’elle exprime, c’est ce qu’une part de plus en plus grande de la population exprime depuis… 20 ans (30 ans ?), sous des formes très variées :

  • Il est urgent de repenser notre modèle de société.
  • Si celles et ceux qui dirigent n’agissent pas de manière responsable (entre autres par leur inaction), ce sont les “dirigés” qui doivent reprendre les choses en main.

Sa phrase de conclusion :

“We have decided to take action.
We have started to clean up your mess,
And we will not stop until we are done”.

Cette phrase résume à mon sens TOUS les mouvements sociaux de ces dernières décennies.

S’il faut une phrase pour résumer la notion d’empowerment, c’est celle-là !

Vidéo complète ici : https://youtu.be/CWQPDsHJ0gc

Parution d’un de mes articles sur le site du Réseau Transition.be

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Le site Réseau Transition.be relaye mon analyse de l’enquête de la RTBF “Génération Quoi ?” consacrée aux 18-34 ans en Belgique francophone.

J’y reviens sur leur rapport à la politique et à l’engagement, ainsi que leur rapport aux études et au travail. Le point intéressant est qu’un tiers des jeunes se définissent eux-mêmes comme la “génération transition”.

J’avais publié cet article, sur mon blog, ici.

Je suis très flatté que le réseau Transition ait relayé ce texte. Je suis moi-même investi dans “Genappe en Transition“, le groupe d’habitants de Genappe qui se mobilisent, réfléchissent et agissent pour prendre en main la transition énergétique, écologique et politique à Genappe.

Je vous encourage vivement à aller jeter un coup d’oeil sur le site Réseau Transition.be

Regardez s’il y a des initiatives similaires dans votre commune. Et si ce n’est pas le cas, à vous d’en lancer une ! 😉

Désappropriation. Radicalisation. Abandon. A quoi se raccrocher ?

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Ce chapitre est une version de travail d’un chapitre du livre en cours d’écriture “Anti-délégation. La société de l’Empowerment”. Je la diffuse pour toute personne intéressée à enrichir la réflexion. Lisez, commentez, partagez, discutONS-en, discutEZ-en.. Que toute personne intéressée à participer à la réflexion se sente autorisée à le faire !!

UPDATE (27 avril 2016) : Cet article a reçu des retours très positifs de deux spécialistes français du terrorisme : Gilles Kepel et Olivier Roy, sans même que je ne les sollicite. Gilles Kepel m’a d’ailleurs proposé de rencontrer son collaborateur, Hugo Micheron, chercheur français, spécialiste du jihadisme, au Centre de recherches internationales (Ceri), à Science-Po.

——————————- Début de l’article ——————————-

“Quand l’intérêt général s’en va, arrive le trader suivi du gourou. Quand l’Etat s’effondre, restent deux gagnants : les sectes et les mafias. Les banquiers d’affaires d’un côté et les hallucinés de l’autre. Quand l’idée de service est ridiculisée, ne reste plus qu’à se servir soi-même. Le cynisme engendre à la fois le fanatisme et la tricherie.” Régis Debray (2015 :17)

“Que cherchent tous ces jeunes à la dérive qui se suicident à l’aide d’un islam extrême ou à coups de canettes de bière suralcoolisées et de spliffs dix fois trop chargés ?” Abd al Malik (2004 :128-129)

Il est toujours plus facile d’avoir la mémoire courte. Les attentats récents en Europe mettent au devant de la scène, le phénomène de la radicalisation religieuse. D’un coup, on se rend compte que des jeunes sont prêts à aller mourir pour la cause djihadiste. Et des jeunes « de chez nous » – pas des jeunes Afghans formés dans d’obscures écoles coraniques pakistanaises. Non, des jeunes de nos quartiers, de nos banlieues, qui ont été dans nos écoles. Dans nos prisons aussi.

Tout autant qu’on est surpris que des jeunes puissent adopter une vision fondamentaliste de la religion musulmane, telle que le salafisme, on se surprend de voir d’autres jeunes embrasser le nationalisme et rejoindre les mouvements d’extrême-droite.

Oui, dans la deuxième décennie du 21ème siècle, des jeunes sont salafistes, des jeunes sont d’extrême-droite, des jeunes sont contre les droits de la femme, des jeunes sont racistes, antisémites, islamophobes, homophobes, etc. Mais ça n’est probablement pas arrivé du jour au lendemain. On ne se réveille pas un matin avec des vidéos djihadistes qui cartonnent sur Youtube et PEGIDA qui rassemble des milliers de personnes dans des manifestations islamophobes.

Je crois qu’il faut replacer l’émergence de ces phénomènes dans des processus sociaux plus longs. Le profil des jeunes français et belges, qui sont partis en Syrie, dont ceux qui ont commis les attentats à Charlie Hebdo en janvier 2015, dans les rues de Paris en novembre 2015 et à Bruxelles en mars 2016, invite à replacer la radicalisation dans l’histoire des populations et des quartiers dont ils provenaient. Les explosions de violence en banlieue en France, ou dans certains quartiers de Molenbeek en Belgique, ne sont pas récentes. Les jeunes qui n’arrivent plus à se construire une identité, du moins positive, ça n’est pas récent non plus. Et on a eu tout le temps de voir l’islam évoluer depuis les premières communautés immigrées en Europe de l’Ouest jusqu’à aujourd’hui.

Une double histoire est nécessaire : celle des quartiers/villes d’où proviennent les jeunes attirés par le djihadisme ou le nationalisme, et une histoire du rapport à l’islam.

Pour cela, première précaution : ne pas tomber dans une approche centrée sur la France. Facile à dire évidemment quand on écrit depuis la Belgique. Mais c’est important au niveau de la compréhension même du phénomène. Beaucoup d’auteurs (sociologues, islamologues, etc.) étant Français, l’analyse tourne souvent autour de questions qui structurent le débat français : la République, la laïcité, les banlieues. Pourtant, certains des terroristes de Paris et de Bruxelles vivaient en Belgique : ils n’ont pas été élevés dans les valeurs de la République, ne sont pas passés par l’ « école de la République », et ne se sont pas non plus radicalisés « contre » la République. De plus, ils ne vivaient pas dans une « banlieue », typiquement française, mais dans des quartiers ghettoïsés proches du centre de Bruxelles, comme ceux qui venaient de Molenbeek.

Cela invite donc à ouvrir la problématique à des phénomènes qui dépassent souvent les frontières. Tout ce qu’on lit sur « la République » peut être correct, mais c’est à mon sens, la traduction française de phénomènes sociaux plus larges, dont la crise de la délégation que j’essaie de décrire ici. 

 1. Des émeutes au djihad 

1.1 La construction du « problème des banlieues »

Directement en lien avec le fait de ne pas faire du « Franco-centrisme », il y a le « problème des banlieues ». Beaucoup de candidats français au djihad proviennent des « banlieues ». Mais ils sont connectés, comme les enquêtes l’ont montré, avec des jeunes bruxellois qu’on ne peut pas réellement appeler des « jeunes de banlieue », tant la structuration « centre-ville aisé / périphérie pauvre » n’existe pas en Belgique. La France a découvert Molenbeek : une commune pauvre de Bruxelles (en fait la deuxième commune la plus pauvre de Belgique), très proche du centre au niveau géographique, mais dont certains quartiers sont totalement ghettoïsés par rapport au reste de la ville.

C’est pourquoi je parlerai plutôt de quartiers « ghettoïsés ». Jacinthe Mazzocchetti (2012 : 2), qui bossait dans la même unité de sociologie que moi à l’époque, a une définition très intéressante de ces quartiers. Ils sont le résultat, dit-elle, de l’enfermement des immigrés (et de leurs descendants) dans certains quartiers, via le marché du logement, les discriminations rencontrées en milieu scolaire et les discriminations sur le marché du travail. Cette définition me semble plus efficace pour aborder les lieux d’origine de beaucoup de jeunes djihadistes, que ce soit en Belgique (sa recherche portait entre autres sur des quartiers de Molenbeek), en France (les « banlieues ») ou dans d’autres quartiers en Europe ou aux Etats-Unis (comme nous le verrons dans le New Jersey ou à Philadelphie).

D’autant plus que Mazzocchetti (2012 :2) rajoute une dimension importante : le rejet va dans les deux sens. La ghettoïsation est aussi un mouvement qui vient de l’intérieur des quartiers relégués : les acteurs marginalisés s’organisent, autour de solidarités ethniques. Mais cet « entre soi », conséquence d’un sentiment d’être exclu du reste de la société, rajoute encore à l’exclusion.

Encore une précaution, il ne s’agit en aucun cas de stigmatiser toute la population de ces quartiers. Je parlerai souvent de Molenbeek, d’Anderlecht, de Clichy-sous-Bois ou des Minguettes, mais je me garderai bien de prétendre que ces communes ou ces quartiers se réduisent à ce que j’en décris. Il y a plein d’habitants de ces lieux qui sont engagés dans des dynamiques très positives, ou d’autres qui ne font rien de spécial, à part subir les méfaits d’une minorité. L’empowerment passe aussi par le fait de laisser aux communautés le pouvoir de se définir elles-mêmes. Je ne voudrais pas les en désapproprier. Je décris la radicalisation d’une minorité d’habitants de ces lieux.

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