Il faut un nouveau modèle de participation politique

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Dans un contexte de crise du modèle politique, de montée de l’extrême-droite partout en Europe, et d’un fossé grandissant entre le peuple et les institutions, les mouvements porteurs de revendications nouvelles, au niveau environnemental, alimentaire, énergétique, social, économique, etc., doivent se doter d’un nouveau modèle politique, basé sur la nature de leurs revendications.

Ce texte fait suite à deux articles que j’ai lus récemment. Le premier est la publication d’un sondage récent RTBF – La Libre – Dedicated montrant qu’un belge sur deux est favorable à la fin du vote obligatoire. Sans obligation, il n’y a plus que 65% des Belges qui iraient voter.

Ca confirme un sondage plus ancien (2014) qui montrait que la population âgée de 25 à 35 ans – ces fameux Millenials, Génération Y, etc. – n’attendent plus rien de la politique. 96% d’entre eux pensent que la politique n’apportera aucune réponse à leurs problèmes…

Le deuxième article est un espèce de coup de gueule de Quitterie de Villepin, intitulé “2017-2022 : subir est la pire des options. Tic, tac, tic, tac…“, publié sur son blog, sur le site de Media Part.

Je ne peux que vous conseiller de lire ce texte, long, mais qui résume tout l’enjeu des années à venir : “choisir ou subir, c’est la seule question“, et je la rejoins pleinement dans cette affirmation. Quitterie de Villepin est une militante des nouvelles formes de participation citoyenne. Elle est, entre autres, à l’origine du mouvement politique “MaVoix“, qui veut redonner le pouvoir aux citoyens. L’objectif de MaVoix est de hacker les législatives de 2017, en France, en faisant élire à l’Assemblée nationale, des candidats de ce mouvement citoyen, tirés au sort. En mai 2016, ils se sont présentés aux législatives partielles, à Strasbourg, avec un résultat tout à fait prometteur.

Dans son article, Quitterie écrit :

Nous voulons pouvoir choisir, pour pouvoir assumer notre part de responsabilité et ne plus subir sans qu’on nous demande notre avis sur des questions aussi essentielles qui engagent notre avenir et celui de nos enfants“.

Elle rajoute :

Si tu ne choisis pas de te redonner les moyens de décider, décider vraiment, pas juste en te défaussant sur les autres, alors, tu ne pourras que subir. Et ça concerne directement tous les aspects de ta vie, de nos vies.

Je suis tout à fait convaincu que cohabitent actuellement un ras-le-bol de devoir donner sa voix à des gens qui en feront n’importe quoi, et une vraie volonté de se redonner un pouvoir de décision, avec de nouvelles formes de mobilisation politique. Et cette cohabitation est la tension entre “délégation” et “empowerment”, qui, je crois, caractérise notre période actuelle.

Je m’explique… La société industrielle, moderne, capitaliste et étatique, qu’on a connue depuis, disons, le début du 20ème siècle, est entièrement basée sur la “délégation” : en gros, dans tous les domaines, la division du travail poussée à l’extrême, amène à déléguer des pans entiers de notre existence, comme autant de chèques en blanc, à des prestataires de services ou des fournisseurs de produits.

La société de la délégation, c’est :

  • Chaque mois, je verse une somme d’argent à un fournisseur d’énergie, et il me fournit toute l’électricité dont j’ai besoin, sans que j’aie à me préoccuper d’où vient cette électricité, de la manière dont elle a été produite, que son origine soit nucléaire, au charbon, éolienne, hydraulique, etc.
  • A ma banque, je délègue le soin de protéger et faire fructifier mon argent, sans avoir à me préoccuper de ce qu’il financera : l’armement, la pétrochimie, ou n’importe quel autre secteur.
  • Une fois par semaine, je vais dans un supermarché, je remplis mon caddie de produits alimentaires nécessaires pour nourrir ma famille toute la semaine, et je paie à la sortie, sans avoir à me préoccuper de qui a produit ces aliments, dans quelles conditions, de ce qui les compose, du trajet qu’ils ont parcouru, etc. Je fais confiance aux lois du marché et aux instances publiques de contrôle alimentaire pour me fournir des aliments, sains et au bon prix.
  • J’achète tout cela grâce au salaire que me verse chaque mois mon employeur, qui m’a proposé une carrière en 20 ou 30 ans, au sein de son entreprise, ou de son administration. Je mets ma force de travail au service de cet employeur, qui va fixer mon horaire, mes tâches, mes objectifs, comme peut-être ceux de 1000 ou 5000 autres employés, et en échange il nous fournit à tous un salaire chaque mois.

… Et au niveau politique, je donne, toutes les x années, ma voix à un candidat, qui pourra, durant son mandat, en faire ce qu’il veut. A vrai dire, je lui délègue le pouvoir de décider “en mon nom”, c’est-à-dire au nom de l’électorat qu’il “représente”, dans l’ensemble des domaines que concerne son mandat.

La démocratie représentative EST le système politique de la société de la délégation. Elle est la manière de faire de la politique dans une société où la division du travail est poussée à l’extrême.

Ce système n’est pas immuable. Ce système n’est pas non plus tellement vieux. Il suffit de remonter deux ou trois générations pour se rappeler que nos grands-parents ou arrières grands-parents produisaient davantage leur alimentation eux-mêmes, ou du moins connaissaient le fermier ou le producteur local chez qui ils se fournissaient ; qu’ils ne plaçaient pas leur argent dans de grosses multinationales étrangères, qu’ils consommaient moins d’électricité et qu’ils se chauffaient au bois qu’ils coupaient eux-mêmes.

Et surtout, ce système est fondamentalement en crise. Parce qu’il a montré ses limites. Au niveau environnemental, centraliser la production d’énergie ou d’alimentation dans les mains d’une petite minorité d’entreprises, à qui on n’a demandé aucun compte durant des décennies, a entraîné une destruction sans précédent des ressources naturelles et un réchauffement climatique dont on commence seulement à voir les conséquences. Au niveau économique, la centralisation des capitaux a créé une pauvreté et un écart entre les plus riches et les plus pauvres sans égal dans l’histoire des peuples, ainsi qu’une crise financière qui révèle les limites du système.

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A un niveau plus subjectif, je crois aussi que ce système est en crise parce qu’il nous rend “dépendant” et “irresponsable”.

“Dépendant” parce que si mon employeur licencie, si ma banque fait faillite, si mon fournisseur d’énergie augmente ses prix, si les aliments que je mange sont chargés de produits cancérigènes, ça impacte directement ma vie, et celle de ma famille, sans que je puisse faire quoi que ce soit.

Et cette non-emprise sur les choses nous place dans une irresponsabilité tout à fait infantile. Loin d’être confortable (“ce n’est pas de ma faute ce que d’autres font avec mon argent“), ce système nous assigne dans une position d’enfant, de mineur, dont aucun adulte ne veut. Ce qui caractérise le passage à la majorité, c’est précisément le fait d’être “jugé” (au propre comme au figuré) responsable de ses actes. La société de la délégation maintient sa population dans un statut de minorité…

Face à tout cela, dans tous les domaines, les revendications qui émergent portent sur une reprise en main des choses – c’est que j’appelle l’empowerment – c’est-à-dire une volonté de pouvoir, à nouveau, décider des choses qui nous concernent, la volonté d’être des adultes, responsables de nos actes.

La société qui émerge, c’est :

  • Je veux être capable de me produire moi-même mes aliments et de me les cuisiner, en témoignent toutes les formations en permaculture, les cours de cuisine, et les blogs de recettes homemade. Et ce que je ne suis pas capable de produire moi-même, je veux aller l’acheter chez des producteurs locaux, que je peux rencontrer, dont je connais la manière de produire les aliments. Le succès des circuits courts, c’est principalement ça : pouvoir connaître celle ou celui qui produit les choses que je vais manger.
  • Je veux savoir d’où provient mon électricité, je veux savoir la part d’éolien ou de nucléaire. Mais je veux aussi être maître de ma consommation, en consommant moins, ou en produisant une partie moi-même avec mes panneaux solaires.
  • Je veux savoir ce que va financer mon argent, ce que la banque va faire avec celui-ci. Quitte à ne plus placer mon argent en banque, mais dans des projets alternatifs.
  • Je ne veux plus dépendre d’un employeur qui peut me licencier à tout moment, alors que j’avais construit ma vie sur la carrière qu’il m’avait promise. Je veux un travail qui a du sens, qui me donne l’impression d’apporter quelque chose, et qui me permet d’être maître de mes journées, de mes horaires, du temps que je consacre à mes enfants.

… Et ces revendications ne peuvent être portées que par un modèle politique qui lui aussi amène les citoyens et citoyennes à reprendre réellement les choses en main, c’est-à-dire à ne plus donner des chèques en blanc à des professionnels de la politique à qui on aurait délégué, en toute irresponsabilité, le pouvoir de décider de tout à notre place. Comme le dit Quitterie de Villepin dans son texte :

Le chèque en blanc, on l’a signé, maintes et maintes fois, et je crois qu’on peut se le dire : on a perdu à tous les coups. La politique française, c’est l’inverse du Loto : 100% des perdants ont tenté leur chance.”

Comme j’ai déjà eu l’occasion de l’écrire dans ce texte-ci : les revendications actuelles (en matière d’alimentation, d’énergie, d’environnement, d’économie, etc.) ne peuvent être portées que par un autre modèle politique que celui qu’on a connu durant des décennies. Le modèle politique actuel, celui des partis traditionnels, est celui de la société d’avant !

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IL FAUT inventer de nouveaux modèles politiques, de nouveaux systèmes de décision et de participation politique, si on veut reprendre les choses en main dans tous les domaines de notre existence.

J’avais fait une proposition dans ce texte, qui a pas mal circulé parmi les militants de #NuitDebout, par exemple. Toute personne intéressée est vivement invitée à contribuer à la réflexion. Si ça vous dit, discutons-en et commençons à mettre des choses en route : yvespatte@gmail.com

IL FAUT que partout, à tous les niveaux de pouvoir, mais d’abord au niveau le plus évident, le niveau local, se créent des mouvements citoyens, de démocratie directe et participative, par lesquels les citoyen-ne-s seront amené-e-s à réellement reprendre leur destinée en main !

Ces nouveaux modèles, ce sera A NOUS DE LES INVENTER !!

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