Brève réflexion : Le privilège de vivre déconnecté…

Je suis de plus en plus persuadé que dans un futur assez proche, les vrais “privilégiés”, ce seront celles et ceux qui pourront vivre sans avoir à se connecter, qui pourront vivre pleinement “unplugged”.

Ce seront celles et ceux qui pourront utiliser pleinement leur corps et leur cerveau, qui pourront être en contact avec la nature et avec les autres êtres humains, sans nécessiter aucune prothèse numérique, sans avoir besoin de se connecter à quoi que ce soit.

Concrètement, ce seront celles et ceux qui pourront :

  • se nourrir sans “app’”, en produisant leurs aliments, naturellement, et en les cuisinant,
  • passer du temps avec leurs enfants, leur famille, leurs aînés, sans écran, sans clavier,
  • apprécier des moments conviviaux avec des gens géographiquement proches,
  • utiliser pleinement leurs 5 sens,
  • profiter de loisirs non-connectés, sportifs, artistiques, récréatifs,
  • réaliser des gestes simples et utiles, comme réparer, coudre, jardiner, plafonner, clouer, se défendre, couper du bois, faire du feu,
  • apprendre sans avoir besoin de se connecter à une plateforme,
  • être fiers de qui ils sont, en chair et en os.

Et toutes ces compétences “unplugged”, il faut les acquérir aujourd’hui, si on ne les possède pas encore. Surtout, il faut les apprendre des générations plus âgées, qui ont connu un monde où tout le monde vivait “unplugged”, pas uniquement les privilégiés, avant que ces générations ne soient plus parmi nous… Tout cela fait partie d’un patrimoine (et d’un matrimoine, aussi, si vous voulez) qu’il faut préserver, et transmettre à nos enfants. Pour qu’ils puissent eux-aussi faire partie des “privilégiés”.

Personnellement, c’est à cela que je souhaite passer le plus de temps. Parce que le monde de la photo (qui date de 2016), je n’en veux pas du tout.



Source de la photo : https://www.facebook.com/photo.php?fbid=10102665120179591&set=pcb.10102665126861201&type=3&theater

L’ignorance pousse à la servitude; le savoir rend libre. L’importance de l’instruction en démocratie

On fête aujourd’hui la naissance de Condorcet, mathématicien, philosophe, homme politique français, né le 17 septembre 1743.

Grande figure des Lumières, Condorcet est resté dans les mémoires pour de nombreuses contributions à la pensée occidentale moderne, comme ses prises de position, très tôt dans l’Histoire, contre l’esclavage, ou pour le droit de vote des femmes, sa pensée du système éducatif, et son “paradoxe de Condorcet” en matière de vote (lorsqu’on vote pour classer 3 propositions).

Mais je voudrais juste mettre l’accent sur un élément important pour moi : son idée de l’instruction publique comme élément central de la démocratie.

On pourrait synthétiser son idée comme ceci :

1) L’ignorance pousse à la servitude; le savoir rend libre.

“Celui qui ne sait pas écrire, et qui ignore l’arithmétique, dépend réellement de l’homme plus instruit, auquel il est sans cesse obligé de recourir (…) Celui qui n’est pas instruit des premières lois qui règlent le droit de propriété ne jouit pas de ce droit de la même manière de celui qui les connaît”.

On retrouve la même idée que dans Le Discours de la Servitude volontaire de La Boétie (voir ici) : liberté et égalité vont de pair. Si l’on est dépendant de quelqu’un d’autre, on n’est ni libre, ni son égal. (Dit autrement : une société où tous les individus sont égaux, où aucun n’est le serviteur d’un autre, est une société où tous les individus sont libres).

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Le Discours de la Servitude volontaire de La Boétie

A l’occasion d’un spectacle autour du Discours de la Servitude volontaire de La Boétie, à Genappe, j’avais envie de rassembler mes notes et quelques réflexions sur ce texte.

Et la première question à se poser est le statut qu’on donne à ce court texte, écrit par le jeune Etienne de La Boétie (je reviendrai sur son âge plus loin) dans les années 1550. 

Première option : on en fait un texte polémique lié aux événements de l’époque. C’est ce qu’en ont fait les Huguenots, les premiers à publier le texte en 1574. On est en pleine guerre des religions, et les Huguenots, protestants du Royaume de France et de Navarre, publient le texte sous le titre “Contr’Un”. Ils en font un pamphlet polémique et apologétique, pro-calviniste. On est deux ans à peine après le Massacre de la Saint-Barthélemy (1572), qui a vu la mort de près de 30.000 protestants.

Le Massacre de la Saint-Barthélemy de François Dubois, musée cantonal des Beaux-Arts de Lausanne.

Deuxième option : on en fait un texte atemporel, sur les thèmes classiques de la servitude, de la tyrannie, de la liberté, etc. C’est l’option que prend Montaigne. Pour rappel, La Boétie meurt très jeune, à l’âge de 32 ans, et ne connaît la publication d’aucune de ses oeuvres. C’est son ami Montaigne qui en hérite, et qui se voit chargé de la tâche de les publier. 

Et pour retirer tout caractère polémique au texte, Montaigne en vient même à exagérer un peu le jeune âge de La Boétie au moment de son écriture, puisqu’il renvoie le texte à une période où La Boétie n’aurait pas eu plus de 16 ans. Aujourd’hui, des recherches historiques ont montré que cela était impossible, et on estime que La Boétie avait entre 19 et 22 ans lorsqu’il a rédigé le Discours de la Servitude volontaire.

Quoi qu’il en soit, Montaigne fait en quelque sorte passer ce texte comme un exercice d’écolier, une dissertation d’ado, sur les thèmes et les auteurs classiques. Ca enlève tout lien avec l’actualité de l’époque… et donc tout caractère polémique.

Et d’une certaine manière, le texte a effectivement un caractère un peu “adolescent”, avec une structure un peu confuse et des parties qui semblent se contredire par moment.

Rajoutons à cela que le “Discours” de La Boétie a souffert de l’ombre d’oeuvres majeures sur les mêmes sujets, parues les siècles suivants. Et je pense là aux oeuvres de “mastodontes” de la philosophie politique comme Hobbes, Locke, Rousseau ou Montesquieu, qui ont certainement développé bien davantage les questions de la servitude, de la liberté, de la soumission à l’autorité, etc. 

Au tournant des 19è et 20è siècles, c’est la jeune science sociologique, qui prend le relai de cette question — pensons par exemple aux analyses de Weber sur l’autorité. Et juste après, les “totalitarismes” du 20è siècle ramèneront au coeur du débat intellectuel ces questions de la soumission, de l’obéissance et de la servitude des masses, avec par exemple William Reich avec sa “Psychologie des masses du fascisme” (1972) ou Deleuze et Gattari avec leur “Anti-Oedipe. Capitalisme et schizophrénie” (1972).

Mais je n’ai encore rien dit sur le texte lui-même. Qu’est-ce que La Boétie nous raconte ? 

1) Le texte débute sur l’idée que toute soumission à un maître est malheureuse, qu’il s’agisse de la soumission à un tyran, à un roi, ou à plusieurs maîtres (comme cela pourrait l’être dans une aristocratie ou une république). 

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Et si on devait construire un mouvement politique…

Il y a quelques jours, j’ai partagé sur les réseaux sociaux ce qui, selon moi, devrait constituer la colonne vertébrale d’un nouveau mouvement politique. J’ai eu plein de retours positifs et c’est très cool ! ❤️

Heureux de voir qu’on est nombreux et nombreuses à vouloir créer quelque chose. 👊

Mais cela nécessite pas mal d’explications et de précisions. C’est vers cela qu’est en train d’évoluer le bouquin sur la question d’empowerment, sur lequel je bosse depuis des années, ce qui est logique puisque ça en est un peu le terreau… Mais en attendant, voici quelques précisions…

LA MOTIVATION ?

Pour l’expliquer, je pourrais reprendre les mots de KERY JAMES :

“À qui la faute ? J’n’essaye pas d’nier les problèmes
Je n’compte pas sur l’État, moi, j’compte sur nous-mêmes
À qui la faute ? Cette question appartient au passé
J’n’ai qu’une interrogation moi : ‘Qu’est-ce qu’on fait ?’”

> > > Qu’est-ce qu’on fait ? On essaie de construire quelque chose ⤵️

LA RÉCEPTION ?

A 40 ans, je ne ressens plus le besoin de me rattacher à des courants ou des idéologies. Et je vous invite à faire de même. Je pense qu’un projet politique doit émerger sur ces 7 éléments. Si quelqu’un qui se dit “de gauche” est d’accord avec moi, je ne vais pas me dire “Merde ! Quelqu’un de gauche est d’accord avec moi, il faut que je modifie mes propos !” Ca vaut aussi pour des gens “de droite”. Je propose ici ce en quoi je crois, je ne vais pas changer quoi que ce soit selon les étiquettes portées par celles et ceux qui seraient d’accord ou pas avec moi. Les arguments de chacun et chacune m’intéressent, pas les étiquettes qu’ils et elles se sont collées sur le front…

POURQUOI CES 7 ÉLÉMENTS-LÀ ?

Ils composent 2 “trios”, qui s’articulent autour de l’idée de démocratie, qui est par conséquent centrale.

Les 3 premiers éléments constituent une échelle, allant de l’humain à la famille puis au niveau local.

1) Tout projet politique doit mettre [L’HUMAIN] au centre.

Ou, dit autrement, l’humain comme mesure de toutes choses, pour paraphraser Protagoras. Je pourrais aussi citer Cicéron “aux yeux de l’homme, rien ne doit avoir plus de prix qu’un homme”. Volontairement, je n’ai pas utilisé le mot “Individu” qui est trop restrictif. Ce n’est pas un projet individualiste. Parler d’humain permet de considérer l’individu, d’une part sans sa dimension “sociale” (au sens d’Aristote : nous sommes des animaux sociaux ou politiques), et d’autre part dans son évolution (nous sommes le fruit de plusieurs millions d’années d’évolution). Ce dernier point a beaucoup d’importance en matière de santé et d’écologie par exemple… ou encore d’alimentation 😉 Mais aussi en matière de mobilité et d’urbanisme : celles et ceux qui pensent la ville devraient se rappeler que celles et ceux qui y vivent, y travaillent et y commercent sont des êtres en moyenne de 1,60m, 60 kg, et qui en règle générale ont 2 jambes, et se déplacent à 5km/h (et pas des êtres d’une tonne, avec un moteur et se déplaçant à 50 km/h).

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Appareils connectés et portables : des questions en termes de santé et de liberté

Un très bon texte à lire : “Wearables: the New Handcuffs ? Silicon Valley Surveillance Meets Healthcare’s Mechanisms of Control“.

Ce texte parle des appareils connectés et portables (“wearables” en 🇬🇧) et de leur utilisation en matière de santé. Je vous en fais une brève synthèse en 🇫🇷, et je rebondirai sur certains points…

L’auteur est Russ Greene, directeur de la recherche et des relations avec le Gouvernement, au sein de CrossFit, Inc.

Le texte pointe du doigt 3 tendances actuelles du monde de la santé et du fitness qui pourraient nous amener tout droit dans un univers orwellien : ⤵️

1) la médicalisation de la vie quotidienne (de l’alimentation, du mouvement, du sommeil, etc.)
2) les appareils de surveillance portables et connectés
3) le contrôle par l’Etat des données relatives à notre santé

Première chose : il faut bien comprendre que ce genre de préoccupations explique aussi les craintes vis-à-vis de l’ “Obama Care” aux Etats-unis. Certains des architectes de cette réforme du système de protection sociale aux États-Unis ont effectivement prévu un monitoring des patients en temps réel, grâce à des appareils connectés.

Point par point :

1) la médicalisation de la vie quotidienne commence par la “pathologisation” de la santé. Au lieu d’encourager les médecins à éduquer aux comportements sains, la tendance est au fait de considérer toute personne comme un patient potentiel qui devrait bénéficier de traitements, que ce soit en matière d’alimentation, d’exercice ou de sommeil. Continue reading Appareils connectés et portables : des questions en termes de santé et de liberté

Twitter : les perles de la “police de la pensée”

Un débat anime actuellement le petit monde de Twitter (en Belgique) : une chroniqueuse-journaliste “aurait” été virée de la chaîne de télévision RTL-TVi suite à des propos politiques. Honnêtement, personne n’en sait rien, la chaîne a démenti toute pression politique, et tout cela ressemble fort au siècle dernier, quand “la politique” se limitait à ce qu’il se passait dans les partis et sur les plateaux de télévision.

Mais le débat agite Twitter et ça permet de récolter quelques perles de la “police de la pensée”, comme ci-dessus…

Alors, en fait, OUI, la liberté d’expression protège aussi le mensonge (et encore plus la propagande évidemment !). Les seules limites à la liberté d’expression sont l’incitation à la haine raciale, à la discrimination et la violence, ainsi que la diffamation (c’est-à-dire porter préjudice à quelqu’un en l’accusant d’un fait sans en avoir la preuve).

A l’exception de ces cas-là, on a le droit de tout dire, même des choses fausses, même des conneries, même des mensonges. L’inverse serait compliqué : ça impliquerait qu’on puisse déterminer ce qui est vrai et ce qui est faux, ce qui est intelligent et ce qui est très con. Par exemple, quelqu’un a le droit de dire que la terre est plate. C’est con, c’est faux… c’est un mensonge. Mais il a le droit de le dire.

En France, dans un arrêt du 10 avril 2013, la Cour de cassation a rappelé que “la liberté d’expression est un droit dont l’exercice ne revêt un caractère abusif que dans les cas spécialement déterminés par la loi, et que les propos reproduits, fussent-ils mensongers, n’entrent dans aucun de ces cas”. La Cour de cassation a effectivement estimé que condamner quelqu’un pour “mensonge” constituait une violation de l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’homme.

Bref, c’est immoral de mentir, mais la liberté d’expression le permet.

Déjà Kant, qui n’était pas chaud-chaud d’admettre le mensonge, vu que ça allait à l’encontre de la “vertu”, accordait quand même que le mensonge était acceptable tant qu’il ne portait pas atteinte à autrui (ce qui rejoint bien l’idée de “diffamation”).

On pourrait également citer John Stuart Mill qui expliquait admirablement bien que c’est précisément la liberté d’expression qui permet l’émergence de la vérité. Ce n’est pas que la liberté d’expression empêche le mensonge, c’est que l’absence de liberté d’expression empêche la vérité.

Mon conseil : je me méfie toujours le plus des gens qui veulent en empêcher d’autres d’exprimer leurs opinions. Je suis convaincu (et je reprends cette idée à Nassim Nicholas Taleb) que la meilleure manière de reconnaître un fasciste (qu’il soit de gauche, de droite, du centre, ou d’en face) est sa propension à vouloir limiter la liberté d’expression des autres… Méfiez-vous de toutes celles et ceux qui veulent en faire taire d’autres.

Il n’y a pas de meilleur indicateur que quelqu’un est un vrai démocrate que sa propension à accepter que d’autres expriment des avis totalement contraires aux siens.

CrossFit : l’importance de ne pas réguler le secteur du fitness et de l’alimentation

J’attendais une occasion d’expliquer cela depuis longtemps ! A celles et ceux qui pensent que je fais un peu un grand écart entre d’un côté le CrossFit et d’autre part les mouvements citoyens et en transition, comme si c’était des choses tout à fait différentes, voire même contradictoires, voici une vidéo qui explique quelque chose de fondamental :

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On ne peut pas laisser un gouvernement dicter ce qu’est une bonne alimentation ou ce qu’est une activité physique saine. Parce que lorsqu’il le fait, c’est principalement en faveur de lobbies qui ont quelque chose à vendre, et non en faveur de la santé de la population. Et c’est très explicitement le combat que mène CrossFit depuis ses débuts.

Partout dans le monde, les associations qui veulent réguler la santé, l’alimentation, la préparation physique, sont les mêmes qui sont financées/sponsorisées par de puissants lobbies comme, par exemple, Coca-Cola, comme je l’ai montré pour la France, la Belgique ou la Suisse (avec une version résumée dans Sport et Vie).

CrossFit, Inc., est à la pointe de ce combat contre les collusions entre gouvernements et lobbies qu’on retrouve dans n’importe quelle demande de régulation. En une grosse dizaine d’années, CrossFit a fait plus pour réduire l’incidence de certaines maladies chroniques, comme le diabète de type 2, que toutes les institutions sportives et sanitaires… parce que la plupart de ces institutions sont financées par Coca-Cola et des lobbies liés au sucre, qui est le principal responsable de ces maladies chroniques.

Je le répète : quand un gouvernement a le pouvoir de réguler un secteur d’activité, les acteurs de ce secteur vont consacrer davantage de leurs ressources à faire pression sur le gouvernement pour que la régulation soit en leur faveur.

Pour moi, le modèle de développement du CrossFit – que j’ai pu tester professionnellement depuis plusieurs années – est au coeur de la transition vers une société où nous pouvons individuellement et collectivement nous réapproprier librement notre alimentation, notre condition physique, notre santé, notre corps.

Comprenez bien : si le monde du fitness était régulé, ça favoriserait les grandes chaînes et les acteurs puissants du domaine, comme Basic Fit, et des marques ayant la possibilité de promouvoir leurs produits en influençant la réglementation en matière de conseils alimentaires. On serait dans un modèle identique à celui où le petit producteur local de tartes artisanales serait empêché au nom de tout un ensemble de normes absurdes et infondées, alors que McDonald’s et Coca-Cola sont présents partout.

Si les conseils en nutrition étaient réglementés, les détenteurs de la licence seraient probablement obligés de conseiller la pyramide alimentaire officielle, avalisée par le gouvernement… et conçue en 1992, par le Ministère américain de l’agriculture (USDA), qui a placé à sa base, les aliments que son secteur produit majoritairement : les céréales.

Evoluer et entreprendre dans le CrossFit m’ont très clairement ouvert à un modèle économique où l’enjeu principal est de supprimer au maximum les barrières à l’entrée…

Au-delà du fait que le CrossFit fonctionne incroyablement bien au niveau de la condition physique et de la santé (et que c’est vraiment fun !), il faut aussi considérer tout ce que ce modèle a à nous apprendre au niveau social et économique, pour aller vers davantage de liberté et d’égalité.