Climat, démocratie et participation. Pour rebondir sur une chronique de Marius Gilbert

Si vous n’avez pas lu la chronique récente de Marius Gilbert, intitulée “Après l’orage : les trois piliers du changement“, et parue dans Le Soir, je vous conseille vivement d’y jeter un coup d’œil. L’épidémiologiste y défend un modèle triangulaire, associant experts, décideurs publics, et citoyens. Lors de la pandémie, ce modèle a, par moments, fait défaut. Les décideurs politiques étant tantôt tentés de ménager l’opinion publique, quitte à faire fi de l’avis des scientifiques ; tantôt contraints de prendre des mesures, validées par le corps scientifique, mais mal comprises par l’opinion publique.

Le parallèle que fait Marius Gilbert avec la question climatique a tout son sens : comment faire travailler ensemble experts, pouvoir politique et citoyens ? C’était d’ailleurs l’objectif premier des “Nuits climatiques” organisées place Schuman, fin 2022, et dans le cadre desquelles j’avais rencontré Marius Gilbert, qui en était un des organisateurs : faire débattre scientifiques, citoyens et représentants de la société civile, des grands enjeux liés au changement climatique.

Je rejoins évidemment tout à fait ce modèle triangulaire. Celles et ceux avec qui j’ai déjà travaillé sur des dispositifs participatifs, au niveau local, savent que je répète souvent que l’enjeu principal de la participation est de mettre autour de la table trois formes d’expertise : 1) l’expertise politico-institutionnelle, 2) l’expertise technique, 3) l’expertise d’usage, c’est-à-dire, pour cette dernière, l’expertise des citoyens et citoyennes, de celles et ceux qui possèdent une connaissance légitime parce qu’ils sont usagers d’un lieu, d’un service public, d’une institution.

La souveraineté du débat

Il est important de comprendre que ce n’est pas quelque chose de nouveau. Loin d’être une innovation en matière de démocratie, ce pari de l’intelligence collective est au fondement de la démocratie. Et l’exemple de la pandémie est intéressant. Certains, certaines, diront toujours que les décisions politiques sont aujourd’hui plus “techniques” que celles de nos ancêtres athéniens. Et il est évident qu’ils n’avaient pas à discuter des dangers de la 5G ou de la fiscalité en matière de panneaux photovoltaïques. Mais les pandémies, ils connaissaient !

En fait, la tristement célèbre peste d’Athènes (de – 430 à – 426 av. J.C) a été contemporaine de certains des plus grands moments de la démocratie athénienne. On est effectivement en pleine Guerre du Péloponnèse. Thucydide relate d’ailleurs dans son “Histoire de la Guerre du Péloponnèse” (Livre II) comment le grand stratège et orateur, Périclès — qui périra, peu après, de cette peste — se défend devant l’assemblée des citoyens qui lui reprochent les malheurs de la guerre additionnés à ceux de la pandémie. Périclès les exhorte à réfléchir à l’intérêt public, et leur rappelle que les décisions ont été prises collectivement, c’est-à-dire avec eux. C’est la même année que Périclès prononcera sa fameuse oraison funèbre, en l’honneur des soldats athéniens morts au combat. Il y décrira ce qui distingue la démocratie athénienne des autres régimes politiques, d’une manière si illustre qu’elle reste une référence aujourd’hui : le pari de l’intelligence collective, la félicité du peuple, l’importance du débat avant l’action, etc.

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Enquête Noir Jaune Blues : des résultats très inquiétants !

Est-il déjà trop tard ? Les résultat de l’enquête “Noir-Jaune-Blues” sont extrêmement inquiétants : 69% des belges ne croient plus dans le modèle parlementaire et souhaitent remettre leur destin dans les mains d’un “vrai chef” ! 

Il y a une différence fondamentale entre le fait de penser que nous ne sommes pas dans un système assez démocratique (et donc demander davantage de démocratie) ET ne plus croire dans la démocratie, ses valeurs et ses institutions. 

  • 69% des Belges pensent qu’ “Un bon système de gouvernement serait d’être dirigé par une personnalité forte qui comprend vraiment le peuple et qui ne doive pas nécessairement en référer à un parlement ou à des élections“.
  • 57% des Belges pensent que “Rien ne devrait faire obstacle à un vrai chef que le peuple aurait choisi car il sera la voix du peuple.
  • 59 % des Belges pensent que “Pour permettre à un vrai chef élu d’effectuer des changements en profondeur, il ne faut en aucun cas qu’il soit gêné dans son action par des gens non élus c’est-à-dire des juges, des journalistes, des fonctionnaires, des lanceurs d’alerte, des activistes de tous types, des intellectuels critiques, etc.

Et je ne peux pas m’empêcher de penser qu’au-delà des mandataires actuels qui ont eux-mêmes et elles-mêmes, en partie, discrédité la démocratie à coups de magouilles, corruptions et compagnie, la cause vient aussi de ces mouvements “soi-disant-citoyens” qui défendent un modèle sans citoyenneté : un modèle de démocratie directe, par référendums, ou des modèles technocratiques (management public par des experts, sociocratie, holacratie, etc.). Et je citerais aussi ces mouvements d’écologie radicale qui ne cessent de répéter que la démocratie n’est pas apte face à l’urgence climatique.

Tout cela a amené une véritable sape de la démocratie. Et je ne peux pas m’empêcher de penser, non plus, que cela a été rendu possible par un manque de connaissance politique. Une des priorités actuelles, au moins aussi urgente que l’éducation aux enjeux climatiques, est l’éducation à la démocratie. 

Il faut rappeler que cette espèce de “rencontre” entre “UN peuple” et “UN homme”, souhaitée par 57% des Belges, est un mythe gaulliste, d’inspiration bonapartiste, défendu par tous les leaders d’extrême-droite. Le dernier à avoir défendu ce mythe avec vigueur est Eric Zemmour en France, j’en parlais dans cette carte blanche…

(On se gargarise parfois en Belgique francophone de ne pas avoir de parti d’extrême-droite fort, mais les idées d’extrême-droite sont bien présentes…). 

Il faut rappeler l’importance d’un “Parlement” : c’est l’institution garante de la souveraineté du peuple. C’est ce pouvoir législatif, cette capacité de faire des lois ensemble, qui permet de “faire société”. C’est une erreur de penser que s’en remettre à un chef permettra de refaire société. “Tous derrière un chef”, c’est, à terme, la voie vers la violence et la guerre civile.

Il faut rappeler que le parlement, mais aussi tous les corps intermédiaires qui constituent la société civile, c’est au fondement de la démocratie. Cette société civile est garante du pluralisme de la société : une presse libre, des associations, des corporations, des syndicats, des universités, etc. 59% des belges ne perçoivent plus l’importance de ces corps intermédiaires. 

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Impossible ici ?

Si le fascisme se présentait à nouveau aux portes du pouvoir, est-ce qu’on le reconnaîtrait ? Ou est-ce qu’on penserait que ce serait “impossible ici” (et maintenant) ?

C’est le pitch de ce livre, qui est incroyable… surtout lorsque l’on sait qu’il a été écrit en… 1935 !!!! 😳😳 Sinclair Lewis écrit une dystopie racontant l’arrivée au pouvoir d’un fasciste aux Etats-Unis, à la fin des années ’30. Et ce qu’il écrit est d’une lucidité extraordinaire, avec le recul historique que nous avons aujourd’hui ! Imaginez qu’il écrit cela seulement 2 ans après qu’Hitler (auquel il fait plusieurs fois référence) ait été nommé Chancelier.

Il faut dire que Sinclair Lewis est l’époux de Dorothy Thompson, une des plus grandes journalistes américaines, qui avait décroché en 1931 l’interview d’Adolphe Hitler, avant de se voir expulsée d’Allemagne.

A partir des événements arrivés en Allemagne en ’33 (incendie du Reichstag, premiers autodafés, proclamation du parti unique), des lois fascistes de ’25 et ’26 en Italie (censure de la presse, assassinat des opposants, instauration de la police secrète, etc.), probablement aussi de la prise de pouvoir de Staline sur l’appareil politique bolchévique, Sinclair Lewis décrit, dans cette fiction futuriste, des événements, des atrocités, qui auront réellement lieu dans les régimes fascistes, nazis et communistes européens les années qui suivront !

C’est vraiment impressionnant ! C’est fascinant à lire. Je l’ai lu d’une traite. Je vous le conseille vivement !

Surtout, l’idée centrale, c’est que la population n’a pas vu venir ce fascisme, parce qu’elle a pensé que c’était “impossible ici” (en anglais, le titre est “It Can’t Happen Here”). Dans les premiers chapitres, l’auteur fait le récit de cette naïveté : on se dit que ce candidat “n’est pas si mal”, “pas aussi fasciste qu’on le dit”, etc. Et chaque catégorie sociale (patronat, travailleurs, intellectuels, etc.) y trouve son compte.

Voici une petite compilation que j’ai faite des caractéristiques du régime fasciste pas-si-fictif que décrit Sinclair Lewis. Voyez ça comme autant de “red flags” 🚩🚩🚩 , de signaux, de ce à quoi ressemble toujours le fascisme.

Pour se faire élire :

  • L’anti-intellectualisme
  • La valorisation des valeurs guerrières (l’idée qu’”une bonne guerre…”)
  • L’idée d’une société malade, décadente, qu’il faut soigner par un électrochoc.
  • La tentation d’une partie de l’establishment de se dire “ça, on n’a jamais essayé”, “ça ne peut pas être pire que ce qu’on a actuellement au pouvoir”…
  • L’attente d’un homme providentiel
  • La rencontre “d’un homme et d’un peuple”
  • L’idée que la dictature d’une petite oligarchie serait mieux qu’une démocratie de masse
  • La démagogie
  • La désignation de boucs émissaires (les étrangers, les Noirs, les Juifs)
  • L’anti-parlementarisme
  • L’anti-libéralisme

Une fois élu :

  • Tous les pouvoirs dans l’exécutif
  • Des foules violentes, partisanes du Chef (Lewis décrit des foules déchaînées qui prennent le Capitole !!?!)
  • La suppression du parlement et de la Cour suprême
  • La fin de l’Etat de droit
  • La proclamation de l’état de siège
  • L’arrestation des opposants
  • La mise sous tutelle de la presse
  • La mise sous tutelle de l’éducation, des universités. L’arrêt des études humanitaires (sciences humaines, etc.)
  • Les autodafés, le “nettoyage” des bibliothèques
  • L’interdiction d’association
  • La constitution d’une milice armée, permanente, violente, avec les pleins pouvoirs
  • La fin de l’habeas corpus (le droit fondamental à disposer de son corps, à ne pas être arrêté arbitrairement)
  • La nationalisation de l’industrie
  • Le travail forcé
  • La criminalisation des chômeurs
  • La création de camps de concentration pour les opposants. La déshumanisation de ceux-ci. Leur exécution sommaire
  • L’espionnage généralisé (tout le monde peut être dénoncé par tout le monde)
  • L’instauration d’un régime de la terreur. La vie dans la peur
  • Des manigances, trahisons, au sommet de l’Etat. L’élimination des proches qui contestent.

Si vous le lisez, dites-moi ce que vous en avez pensé ! 😉


Sinclair Lewis (1885-1951) a été le premier Américain à recevoir le prix Nobel de littérature (en 1931).
🌐 Sinclair Lewis : https://en.wikipedia.org/wiki/Sinclair_Lewis
🌐 Dorothy Thompson : https://en.wikipedia.org/wiki/Dorothy_Thompson

Qu’est-ce que la “démocratie libérale” ?

Suite à mon post précédent (le top 3 de mes lectures de 2022), il m’a été demandé en privé ce que j’entendais par “démocratie libérale”. Alors voici les 3 éléments de base d’un régime politique démocrate libéral, tel que celui que je défends.

Voyez ces 3 éléments comme les 3 “macronutriments” 🍗🥦🥑🍽 de l’assiette démocrate libérale, pour celles et ceux à qui cette analogie parle… 😉

1) C’est un régime “constitutionnel-pluraliste”. L’expression a surtout été employée par Raymond Aron. Cela signifie que l’on est dans un “État de droit”, qu’aucune personne, aucun pouvoir, n’est au-dessus de la loi, et que l’ensemble des pouvoirs est régi par une Constitution. Au sein de ce régime, il y a un pluralisme d’idées politiques portées par des partis, des mouvements, des personnes, en concurrence non-violente, pour l’accès au pouvoir. Un régime constitutionnel-pluraliste est l’opposé d’un régime autoritaire.

2) Il y a des limites au pouvoir de l’État. Cela ne signifie pas du tout qu’il ne doit pas y avoir d’État, mais simplement qu’il y a une frontière au-delà de laquelle l’État “se refuse”, en quelque sorte, d’intervenir. C’est l’idée que l’être humain a des droits “naturels” inaliénables. Au-delà d’une certaine limite, l’État laisse à l’individu sa liberté, son autonomie, sa capacité créatrice. Exemple : l’État se refuse de dicter la croyance religieuse, chaque individu a le droit de croire — ou ne pas croire — en tel ou tel Dieu ; c’est aussi dans ce cadre que l’on retrouve la liberté de penser, de s’exprimer, de s’associer, d’entreprendre, etc. Cela laisse donc toute une place à ce qu’on appelle la “société civile”. On retrouve ici des concepts comme celui de propriété, mais aussi celui de “commun” au sens d’Elinor Ostrom, ou d’auto-organisation. Dans un tel régime, l’État n’est pas “total”, une démocratie libérale s’oppose donc aussi à un régime totalitaire.

3) Les limites de l’État sont fixées démocratiquement. Cela découle directement du 2ème point : c’est en assemblées législatives, dans lesquelles tout citoyen, toute citoyenne, a un droit égal de participer (directement ou indirectement) que ces limites sont constamment discutées et rediscutées. Pour reprendre l’exemple précédent : chacun, chacune, a le droit de croire ou ne pas croire en tel ou tel Dieu, mais collectivement, l’ensemble des citoyens et citoyennes peuvent fixer des limites à certaines pratiques religieuses, comme l’abattage rituel, l’excision, etc. Autre exemple : il peut être décidé démocratiquement de mettre une limite à la liberté d’expression, en matière de propos xénophobes, négationnistes, etc. Ou encore : le droit de propriété peut avoir une limite, décidée collectivement, s’il s’agit de ressources naturelles. C’est ici que l’on retrouve l’idée du “Contrat social” de Rousseau. Et c’est toujours par le débat et la délibération en assemblées, potentiellement ouvertes à tout citoyen et toute citoyenne, que ces limites pourront être fixées. La démocratie libérale s’oppose donc à toute forme d’aristocratie ou d’oligarchie, y compris dans leurs formes modernes comme la technocratie.

Tout cela peut être affiné à l’infini, mais je m’étais donné le défi de le faire en moins d’une page A4 😉

Dans un monde où certains pays glissent vers des régimes illibéraux, voire autoritaires, où de plus en plus de personnes commencent à douter de la capacité de la démocratie à faire face aux enjeux actuels, glissant petit à petit vers des formes de radicalisme (souvent totalitaire) ou des formes de technocratie (sociocratie, management public, etc.), je souhaite vraiment défendre la démocratie libérale, cette pensée politique peut-être “la moins sexy du monde”, la plus modeste, mais je pense aussi, celle dont on a le plus besoin à l’heure actuelle…

Au plaisir d’en discuter, d’en débattre, avec toute personne intéressée ! 🙂

Mon TOP 3 des livres lus en 2022 !

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La fin de l’année, c’est toujours un peu le moment des bilans, des classements, etc. J’avais envie de partager les 3 livres qui m’ont le plus marqué en 2022.

Et quand je dis qu’ils m’ont marqué, je veux dire que ce sont les 3 livres sur lesquels j’ai vraiment passé beaucoup de temps (lecture, notes, recherche des références, etc.), et qui, j’ai l’impression, m’ont fait faire de réels bonds en avant dans ces sujets qui m’intéressent

1) “L’invention de la politique”, de Moses I. Finley. Historien anglais, Finley (1912-1986) était un des plus grands spécialistes de l’Antiquité. En particulier, il a beaucoup travaillé sur le démocratie antique. Ce livre m’a vraiment fait prendre conscience des conditions sociales et culturelles d’émergence de la politique en Grèce. C’est une des sources importantes de ma conférence sur le “terreau” de la démocratie, donnée au Festival Maintenant en septembre, et à Genappe en décembre.

2) L’ “Essai sur les libertés” de Raymond Aron. Trois conférences données à l’Université de Californie en 1963 compilées dans un livre passionnant. Qu’est-ce que j’aurais aimé assister aux cours de Raymond Aron (1905-1983) ! Je pense que c’est un des meilleurs ouvrages pour comprendre les ressorts de la démocratie libérale. On y trouve une comparaison magistrale entre Tocqueville et Marx (Aron est certainement un des plus grands lecteurs de ces deux auteurs). Et la manière dont Aron s’oppose à Hayek est tout aussi fascinante. Cet Essai sur les libertés permet de comprendre la place “DES” libertés en démocratie.

3) “The Sleeping Sovereign. The Invention of Modern Democracy” de Richard Tuck. En tant qu’historien des idées politiques, Richard Tuck fait la généalogie d’une distinction fondamentale en démocratie : celle entre “souveraineté” et “gouvernement”. Qui est “souverain” et qui “gouverne” ? Cette généalogie, qu’il fait remonter à Jean Bodin (16è siècle) et ramène jusqu’aux premières constitutions américaines, en passant par Hobbes et Rousseau, est passionnante ! C’est d’une grande érudition ! Et ça m’a fait prendre conscience de beaucoup de choses sur l’importance de la constitution en démocratie…

👉👉👉 Ces 3 livres vont plus qu’alimenter mes réflexions à l’avenir, ça c’est certain.
Je suis en particulier convaincu qu’il faut défendre la démocratie libérale, face à toutes les tentatives plus autoritaires, plus totalitaires. Un peu partout, dans le monde, mais aujourd’hui en Europe également, on voit apparaître des remises en question des acquis de la démocratie, et des reculs en matière de libertés civiques et de droits sociaux.

Des gouvernements au pouvoir exécutif fort relèguent les assemblées législatives, siège de la souveraineté du peuple, au second plan. Des régimes illibéraux (pour reprendre la célèbre formule de Fareed Zakaria*) restreignent les libertés civiques (liberté d’expression, liberté de la presse, liberté d’association, etc.) ainsi que les droits de certaines minorités, souvent en instrumentalisant la Justice.

En 2023, c’est vraiment ces fondements de la démocratie libérale que j’ai envie de défendre. Si ça vous parle également (en Belgique, en France, pourquoi pas ailleurs ?), faites-moi signe ! 😉

Et par la même occasion, je vous souhaite, en 2023, énormément de lectures intéressantes ! On ne lit jamais assez ! En particulier, mon conseil serait : lisez des vieux livres, qui ont traversé les époques, ce sont les plus intéressantes !! 👍😉

*Zakaria, F. 1997. “The Rise of Illiberal Democracy”, Foreign Affairs, Vol. 76, No. 6 (Nov. – Dec.), pp. 22-43.

Conférence sur la participation citoyenne – Genappe, 28.10.2021

Les citoyens et citoyennes sont de plus en plus souvent invités à participer aux décisions qui les concernent, en particulier au niveau local. Ateliers urbains, assemblées locales, commissions citoyennes, les dispositifs participatifs sont multiples.

Avec ma société, Innovons SCS, je me suis spécialisé dans la mise en place de tels dispositifs, souvent pour des collectivités locales, dans le cadre d’opérations de rénovation urbaine, de revitalisations de quartiers, de plans climat, de budgets participatifs, etc.

Je propose de partager mes expériences, et de proposer une réflexion sur quelques concepts au coeur de ces dispositifs, comme l’intelligence collective, la prise de parole, la démocratie délibérative, la décision par consentement, etc. 

Je suis par ailleurs convaincu que ces concepts sont utiles, dès qu’un groupe humain doit prendre une décision “en commun”, que l’on soit à l’échelle d’une commune, d’une coopérative, ou d’un projet citoyen. 

Au plaisir de vous voir lors de cette soirée du 28 octobre à Genappe !

Inscription obligatoire (selon le nombre, les règles sanitaires pourront être différentes !), via ce formulaire : https://forms.gle/d3yASL2grEk1W5229

Parution “Zemmour et l’éternelle ombre des Bonaparte” dans la Libre Belgique

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La Libre m’a ouvert ses pages “Débats” aujourd’hui, pour publier “Zemmour et l’éternelle ombre des Bonaparte” (p. 40-41).

  • Je suis convaincu que les idées portées par Éric Zemmour représentent un danger pour la démocratie.
  • Je préfère “en faire trop avec Zemmour” que pas assez…
  • Je trouve trop simplistes les analyses qui n’y voient qu’un exemple de plus de la montée de l’extrême-droite ou des idées identitaires. 
  • Le discours d’Éric Zemmour s’inscrit bien davantage dans un modèle français, bonapartiste, qui, a bien des égards, a préfiguré certains éléments majeurs des totalitarismes du XXe siècle. 

Quelques infos encore

J’en profite pour prolonger un peu son contenu avec quelques réflexions : 

1) Je ne fais aucune prévision. Je n’ai aucune idée de l’issue des élections présidentielles françaises. L’histoire comporte aussi des exemples de Bonapartistes qui ont fait des flops, comme le « boulangisme », du nom du Général Boulanger (1837-1891), qui a espéré renversé la IIIe République… mais qui a fini en exil (en Belgique d’ailleurs), où il s’est donné la mort. 

Cela dit, peut-on parler de « flop » ? Certains historiens voient dans le boulangisme une première synthèse entre nationalisme et socialisme. Et on sait ce que cette synthèse a produit durant le siècle suivant.

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L’ignorance pousse à la servitude; le savoir rend libre. L’importance de l’instruction en démocratie

On fête aujourd’hui la naissance de Condorcet, mathématicien, philosophe, homme politique français, né le 17 septembre 1743.

Grande figure des Lumières, Condorcet est resté dans les mémoires pour de nombreuses contributions à la pensée occidentale moderne, comme ses prises de position, très tôt dans l’Histoire, contre l’esclavage, ou pour le droit de vote des femmes, sa pensée du système éducatif, et son “paradoxe de Condorcet” en matière de vote (lorsqu’on vote pour classer 3 propositions).

Mais je voudrais juste mettre l’accent sur un élément important pour moi : son idée de l’instruction publique comme élément central de la démocratie.

On pourrait synthétiser son idée comme ceci :

1) L’ignorance pousse à la servitude; le savoir rend libre.

“Celui qui ne sait pas écrire, et qui ignore l’arithmétique, dépend réellement de l’homme plus instruit, auquel il est sans cesse obligé de recourir (…) Celui qui n’est pas instruit des premières lois qui règlent le droit de propriété ne jouit pas de ce droit de la même manière de celui qui les connaît”.

On retrouve la même idée que dans Le Discours de la Servitude volontaire de La Boétie (voir ici) : liberté et égalité vont de pair. Si l’on est dépendant de quelqu’un d’autre, on n’est ni libre, ni son égal. (Dit autrement : une société où tous les individus sont égaux, où aucun n’est le serviteur d’un autre, est une société où tous les individus sont libres).

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Souvent la foule trahit le peuple — Victor Hugo

« Souvent la foule trahit le peuple » — Peut-être connaissez-vous cette citation de Victor Hugo, très souvent répétée… bien que je n’en ai jamais trouvé la source exacte. 

Cette distinction entre la foule et le peuple est fondamentale pour comprendre la démocratie. On traduit souvent demo-cratie, comme « le pouvoir-au-peuple ». Pourtant, le terme « demos » [δῆμος] , utilisé par exemple par Aristote dans La Constitution d’Athènes, est à comprendre dans un sens plus restreint : celui de « peuple agissant en assemblée ». Lorsqu’Aristote voulait désigner le peuple en tant que masse, que multitude, que « grand nombre », c’est le mot « plêthos » [πλῆθος] qu’il utilisait (et on a gardé en français la forme « pléthore »). 

> > > La démocratie n’est donc pas la souveraineté du grand nombre, mais la souveraineté DU DÉBAT (Parmentier-Morin, 2004). C’est très important. 

Victor Hugo. Photoglyptie d’Etienne Carjat (1828-1906), 1873-1874. Paris, Maison de Victor Hugo. Hauteville House.

Et Victor Hugo a écrit un des plus beaux textes sur cette distinction entre le peuple et la foule. Le texte est intitulé « Les 7.500.000 OUI » et est publié en mai 1870. C’est ce texte qui ouvre « L’année terrible » publié en 1872.  

Tout le texte est construit sur cette opposition peuple / foule, Hugo décrit l’un, puis l’autre, puis revient sur le premier, et ainsi de suite. 

Ainsi, il écrit : 

« Ah ! le peuple est en haut, mais la foule est en bas. 

La foule, c’est l’ébauche à côté du décombre;  

C’est le chiffre, ce grain de poussière du nombre; 

C’est le vague profil des ombres dans la nuit;

La foule passe, crie, appelle, pleure, fuit; 

Versons sur ses douleurs la pitié fraternelle. »

Puis Hugo cite toutes des grandes figures de combats pour l’indépendance ou la souveraineté, des figures antiques, comme Léonidas et Gracchus, et plus modernes comme Botzanis en Grèce, Winkelried en Suisse, Garibaldi en Italie, etc., et termine cette liste par : 

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Polarisation, rapprochement entre partis et extrême-droite en Espagne

Comment la polarisation du champ politique et le repositionnement de certains partis peuvent favoriser les partis radicaux, comme l’extrême-droite ?

Une étude très intéressante vient de paraître dans la revue “South European Society and Politics” (publ. en ligne : 8 avril 2021), et montre ce qui a pu contribuer au succès du parti d’extrême-droite, Vox, en Espagne 🇪🇸 . Et cela fait directement écho à beaucoup d’échanges que j’ai eus suite à ma publication récente sur le succès de l’extrême-droite française 🇫🇷 auprès des jeunes.

L’auteur de cette étude, Juan Rodriguez Teruel (Science Po — Université de Valence), définit 2 types de polarisation :

  1. Une polarisation verticale : l’écart entre les votants et les partis
  2. Une polarisation horizontale : une stratégie centrifuge ou polarisante menée par certains partis, les amenant à se positionner davantage sur les extrêmes.

L’enquête montre qu’une augmentation de la polarisation verticale favorise les partis radicaux comme Vox : plus les électeurs voient grandir un écart entre la population et les partis, plus ils tendent à voter pour Vox.

A l’inverse — ⚠️ et c’est cela qui est très intéressant — une diminution de la polarisation horizontale favorise les partis radicaux comme Vox.

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