Une Ă©tude publiĂ©e par des chercheurs de lâUniversitĂ© de Anvers montre que la Belgique a le secteur associatif le plus subsidiĂ© dâEurope. Sur plus de 700 associations observĂ©es, les subventions reprĂ©sentent en moyenne 37% de leur budget. Câest prĂšs de 2 fois plus quâaux Pays-Bas.
On ne peut pas nier ce fait : en Belgique, trĂšs souvent, le premier rĂ©flexe de celle ou celui qui veut dĂ©velopper quelque chose est de “chercher des subventions”. Que ce soit sous forme dâASBL ou de coopĂ©rative, tout se passe comme si la seule maniĂšre de dĂ©velopper une activitĂ©, un projet, une initiative, Ă©tait dâabord de “trouver des subventions”.
Câest une mentalitĂ© trĂšs trĂšs ancrĂ©e culturellement. En particulier dans les secteurs des services Ă la personne, de la jeunesse, des sports, de la santĂ©, ou de la transition (avec ce paradoxe de vouloir participer au changement vers un nouveau modĂšle de sociĂ©tĂ©, mais tout en Ă©tant dĂ©pendant financiĂšrement de lâancien modĂšle).
MĂȘme lorsque le projet est entrepreneurial, comme la crĂ©ation dâune coopĂ©rative Ă finalitĂ© sociale, le premier rĂ©flexe semble ĂȘtre : Cherchons des subventions pour les coopĂ©ratives Ă finalitĂ© sociale.
Ca me rappelle toujours ce conseil de Gary Vaynerchuk aux entrepreneurs : “Make Money. Donât Raise Money“, quâon pourrait traduire par “Gagnez de lâargent, ne cherchez pas Ă lever des fonds”. Il sâadresse lĂ aux Tech entrepreneurs et autres lanceurs de Start-ups qui lĂšvent des millions de dollars sur leur idĂ©e, sans mĂȘme avoir vendu le moindre produit.
En Belgique, câest la mĂȘme chose, mais les Angel Investors sont toutes ces couches Ă©tatiques auxquelles on peut aller solliciter des subventions : la RĂ©gion, la Province, le FĂ©dĂ©ral, la FĂ©dĂ©ration Wallonie-Bruxelles, etc., etc., etc.
Le modĂšle de crĂ©ation dâactivitĂ© est celui-ci :
1. de longues rĂ©unions de brainstorming (parfois accompagnĂ©es dâune asbl Ă©galement subventionnĂ©e pour accompagner la crĂ©ation dâautres activitĂ©s subventionnĂ©es. Il est fort probable que lâon colle des post-it : https://goo.gl/txSA4m)
2. la recherche de subventions (il est possible dâavoir des subventions pour financer la recherche de subventions).
3. la rĂ©daction dâun dossier de candidature pour lâoctroi de la subvention. GĂ©nĂ©ralement, lâactivitĂ© initialement prĂ©vue change (plus ou moins fortement) pour coller aux caractĂ©ristiques de la subvention (dĂ©finition ou redĂ©finition dâun public-cible, dâun territoire-cible, nouveaux objectifs, etc.).
4. (facultatif mais utile) contacts avec des mandataires politiques qui pourraient intervenir dans lâoctroi de la subvention.
5. Octroi de la subvention.
6. Engagement dâun temps plein ou dâun mi-temps et/ou achat du matĂ©riel, amĂ©nagement des locaux, etc.
7. Recherche du premier client (et rapport dâactivitĂ© annuel auprĂšs du pouvoir subsidiant).
Bref, le systĂšme est tout Ă fait sur sa tĂȘte. Ce dont on aurait besoin, câest dâune dynamique inverse :
1. Avoir une idée
2. Rechercher un premier client
3. Foirer sa vente (mais le gars, sympa, nous dit “mais ton idĂ©e est bonne, hein !”)
4. Modifier un peu son idée
5. Rechercher un deuxiĂšme client
6. RĂ©ussir sa vente
7. Avoir 5 nouveaux clients
8. Avoir 20 nouveaux clients
9. Bosser dur dans son garage (en anglais, câest “work your a** off”)
10. Attendre 2 ans avant de pouvoir payer un temps plein.
On a besoin de beaucoup plus de culture “garage land“* (ce modĂšle californien de crĂ©ation dâentreprises dans des garages, dont le CrossFit est la variante “garage gym”) et beaucoup moins de subventions.
⊠Dâautant plus que ce qui freine fortement la crĂ©ation dâactivitĂ©s entrepreneuriales, ce sont les coĂ»ts de crĂ©ation dâentreprises, entre la crĂ©ation elle-mĂȘme (comptez 1.500⏠: frais administratifs + notaire + comptable) et le capital minimal lĂ©gal : 18.550 ⏠pour un SPRL. Bref, vous nâen avez pas pour moins que 20.000 âŹ.
Alors, moi, je pense quâil faudrait rĂ©duire les subventions, et utiliser tout cet argent pour rĂ©duire les frais de crĂ©ation dâentreprises qui constituent de vĂ©ritables freins Ă lâentrepreneuriat !
* Autre exemple de Garage gym que j’aime beaucoup : la petite sociĂ©tĂ© de Skateboard de Mike Vallely, qu’il gĂšre dans son garage, avec sa fille : https://www.streetplantbrand.com/