Louis XI dans la littérature classique

Ce week-end (11-12 sept. 2021), ce sont les Journées médiévales Louis XI à Genappe… Peut-être est-ce l’occasion de découvrir (ou redécouvrir) la présence de ce Roi de France, qui a passé 5 ans à Genappe, dans certaines des plus grandes oeuvres de la littérature française !

Quasimodo amoureux d’Esméralda, par exemple, ça se passe sous Louis XI.

Victor Hugo, Honoré de Balzac, Alexandre Dumas (pour ne citer qu’eux)… ont décrit Louis XI. Parfois en tronquant un peu la réalité historique ! En voici une mini-synthèse…

Pour situer : Louis XI vit et règne à la fin du 15è siècle. C’est une période de transition, entre le Moyen-Âge qui se termine et la Renaissance qui ne va pas tarder à arriver. Et toute l’image de Louis XI dans la littérature française classique est marquée par cette dualité : dernier roi “médiéval” pour certains, premier roi “moderne” pour d’autres.

Certains le décrivent encore comme un obscurantiste, tyran, barbare, rongé par les superstitions, alors que d’autres en font déjà une figure anticipée des Lumières : un roi qui a compris que la classe montante était la bourgeoisie et qu’il fallait s’appuyer dessus pour unifier le pays.

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Le Discours de la Servitude volontaire de La Boétie

A l’occasion d’un spectacle autour du Discours de la Servitude volontaire de La Boétie, à Genappe, j’avais envie de rassembler mes notes et quelques réflexions sur ce texte.

Et la première question à se poser est le statut qu’on donne à ce court texte, écrit par le jeune Etienne de La Boétie (je reviendrai sur son âge plus loin) dans les années 1550. 

Première option : on en fait un texte polémique lié aux événements de l’époque. C’est ce qu’en ont fait les Huguenots, les premiers à publier le texte en 1574. On est en pleine guerre des religions, et les Huguenots, protestants du Royaume de France et de Navarre, publient le texte sous le titre “Contr’Un”. Ils en font un pamphlet polémique et apologétique, pro-calviniste. On est deux ans à peine après le Massacre de la Saint-Barthélemy (1572), qui a vu la mort de près de 30.000 protestants.

Le Massacre de la Saint-Barthélemy de François Dubois, musée cantonal des Beaux-Arts de Lausanne.

Deuxième option : on en fait un texte atemporel, sur les thèmes classiques de la servitude, de la tyrannie, de la liberté, etc. C’est l’option que prend Montaigne. Pour rappel, La Boétie meurt très jeune, à l’âge de 32 ans, et ne connaît la publication d’aucune de ses oeuvres. C’est son ami Montaigne qui en hérite, et qui se voit chargé de la tâche de les publier. 

Et pour retirer tout caractère polémique au texte, Montaigne en vient même à exagérer un peu le jeune âge de La Boétie au moment de son écriture, puisqu’il renvoie le texte à une période où La Boétie n’aurait pas eu plus de 16 ans. Aujourd’hui, des recherches historiques ont montré que cela était impossible, et on estime que La Boétie avait entre 19 et 22 ans lorsqu’il a rédigé le Discours de la Servitude volontaire.

Quoi qu’il en soit, Montaigne fait en quelque sorte passer ce texte comme un exercice d’écolier, une dissertation d’ado, sur les thèmes et les auteurs classiques. Ca enlève tout lien avec l’actualité de l’époque… et donc tout caractère polémique.

Et d’une certaine manière, le texte a effectivement un caractère un peu “adolescent”, avec une structure un peu confuse et des parties qui semblent se contredire par moment.

Rajoutons à cela que le “Discours” de La Boétie a souffert de l’ombre d’oeuvres majeures sur les mêmes sujets, parues les siècles suivants. Et je pense là aux oeuvres de “mastodontes” de la philosophie politique comme Hobbes, Locke, Rousseau ou Montesquieu, qui ont certainement développé bien davantage les questions de la servitude, de la liberté, de la soumission à l’autorité, etc. 

Au tournant des 19è et 20è siècles, c’est la jeune science sociologique, qui prend le relai de cette question — pensons par exemple aux analyses de Weber sur l’autorité. Et juste après, les “totalitarismes” du 20è siècle ramèneront au coeur du débat intellectuel ces questions de la soumission, de l’obéissance et de la servitude des masses, avec par exemple William Reich avec sa “Psychologie des masses du fascisme” (1972) ou Deleuze et Gattari avec leur “Anti-Oedipe. Capitalisme et schizophrénie” (1972).

Mais je n’ai encore rien dit sur le texte lui-même. Qu’est-ce que La Boétie nous raconte ? 

1) Le texte débute sur l’idée que toute soumission à un maître est malheureuse, qu’il s’agisse de la soumission à un tyran, à un roi, ou à plusieurs maîtres (comme cela pourrait l’être dans une aristocratie ou une république). 

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“Garden for Victory” : lorsque le jardinage faisait partie de l’effort de guerre

L’histoire montre que les nations disposant d’un approvisionnement alimentaire important sont celles qui remportent des victoires (…). Nous devons faire tout notre possible pour nous assurer que chacun de nos combattants ait toute la nourriture dont il a besoin. La nourriture est tout aussi nécessaire que les armes, les chars et les avions.

Ces mots sont du Juge Marvin Jones, membre de la Chambre des Représentants, aux Etats-Unis, et War Food Administrator, de 1943 à 1945. En ces années-là, le gouvernement avait effectivement lancé la campagne “Jardin de la victoire”, ou “Victory Garden” en anglais.

Jardiner, c’était participer à l’effort de guerre. Une partie des produits alimentaires étaient en effet réquisitionnés par le gouvernement, pour nourrir les troupes au combat. Cette réquisition, additionnée à la pénurie de main d’oeuvre dans la production et le transport des marchandises, due à la guerre, créait des pénuries alimentaires dans les magasins. Les familles étaient donc encouragées à produire leurs propres fruits et légumes pour réserver les conserves aux troupes.

Et 20 millions d’Américains ont répondu à l’appel “Garden for Victory”, via les jardins privés, les jardins scolaires, et les jardins communautaires. Les citoyens pouvaient même demander aux autorités que des terrains inoccupés leur soient cédés pour y créer un jardin de quartier. Tout le monde participait à l’effort de guerre : les agences gouvernementales, les fondations privées, les entreprises, les écoles, les compagnies de semences, etc.

Les volontaires étaient encadrés par des membres de l’Office of Civilian Defense. Les différents jardins bénéficiaient ainsi d’une certaine forme de coordination. Les bureaux locaux de cette agence nommaient des jardiniers plus expérimentés à la tête des comités locaux des “Jardins de la Victoire”. Bref, l’organisation était presque militaire, ce qui était plutôt normal en temps de guerre.

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Souvent la foule trahit le peuple — Victor Hugo

« Souvent la foule trahit le peuple » — Peut-être connaissez-vous cette citation de Victor Hugo, très souvent répétée… bien que je n’en ai jamais trouvé la source exacte. 

Cette distinction entre la foule et le peuple est fondamentale pour comprendre la démocratie. On traduit souvent demo-cratie, comme « le pouvoir-au-peuple ». Pourtant, le terme « demos » [δῆμος] , utilisé par exemple par Aristote dans La Constitution d’Athènes, est à comprendre dans un sens plus restreint : celui de « peuple agissant en assemblée ». Lorsqu’Aristote voulait désigner le peuple en tant que masse, que multitude, que « grand nombre », c’est le mot « plêthos » [πλῆθος] qu’il utilisait (et on a gardé en français la forme « pléthore »). 

> > > La démocratie n’est donc pas la souveraineté du grand nombre, mais la souveraineté DU DÉBAT (Parmentier-Morin, 2004). C’est très important. 

Victor Hugo. Photoglyptie d’Etienne Carjat (1828-1906), 1873-1874. Paris, Maison de Victor Hugo. Hauteville House.

Et Victor Hugo a écrit un des plus beaux textes sur cette distinction entre le peuple et la foule. Le texte est intitulé « Les 7.500.000 OUI » et est publié en mai 1870. C’est ce texte qui ouvre « L’année terrible » publié en 1872.  

Tout le texte est construit sur cette opposition peuple / foule, Hugo décrit l’un, puis l’autre, puis revient sur le premier, et ainsi de suite. 

Ainsi, il écrit : 

« Ah ! le peuple est en haut, mais la foule est en bas. 

La foule, c’est l’ébauche à côté du décombre;  

C’est le chiffre, ce grain de poussière du nombre; 

C’est le vague profil des ombres dans la nuit;

La foule passe, crie, appelle, pleure, fuit; 

Versons sur ses douleurs la pitié fraternelle. »

Puis Hugo cite toutes des grandes figures de combats pour l’indépendance ou la souveraineté, des figures antiques, comme Léonidas et Gracchus, et plus modernes comme Botzanis en Grèce, Winkelried en Suisse, Garibaldi en Italie, etc., et termine cette liste par : 

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Brève réflexion sur les tensions entre exode urbain et exode rural

Une brève réflexion qui fait suite à ma publication d’hier, sur l’attrait grandissant de la campagne pour une partie de la population urbaine. Ce phénomène d’exode urbain crée de vrais problèmes à la campagne, dont une augmentation des prix de l’immobilier, rendant presque impossible l’achat d’une maison pour des jeunes couples ayant grandi à la campagne. 

Et on peut tout à fait comprendre l’injustice de ne pas pouvoir s’installer là où on a grandi, parce que les maisons sont devenues trop chères.

Parmi les autres défis, citons la création de nouveaux lotissements sur d’anciennes terres agricoles ou zones boisées, la transformation du bâti ancien en immeubles à appartements, le caractère rural qui se perd, etc. 

Pourtant, il faut bien comprendre que la situation inverse, c’est-à-dire une zone rurale qui perd de son attrait, n’est pas souhaitable non plus. J’ai eu l’occasion de travailler pour certaines communes qui connaissent la dynamique inverse de celle de Genappe actuellement. 

Je ne vais pas citer ces communes, mais je vais essayer de synthétiser leur situation sans forcer le trait. 

Ces communes connaissent toujours actuellement l’exode rural qu’une commune comme Genappe a connu il y a quelque temps : en un mot, les populations s’en vont. Les maisons et appartements ne se vendent plus. L’offre immobilière dépasse la demande. Les personnes âgées qui souhaitent acheter un petit appartement ou partir en maison de retraite n’arrivent pas à vendre leur maison (ce qui les empêche d’aller en appartement ou maison de retraite). 

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Parmi les plus belles pages d’humanisme : la conclusion de “Peau noire, masques blancs” de Frantz Fanon

J’avais envie de vous partager certaines des plus belles pages d’humanisme que j’ai eu l’occasion de lire. Et que j’ai lues et relues depuis des années. Il s’agit de la conclusion de Frantz Fanon à un de ses livres majeurs « Peau noire, masques blancs » (1952).

Je vous invite à lire ces pages vous-mêmes, parce que c’est admirablement bien écrit. Mais en voici une sorte de synthèse (toutes les parties entre guillemets sont des extraits). Et vous allez voir que c’est un discours aux antithèses des discours identitaires actuels.

En huit pages magnifiques, Frantz Fanon construit, selon ses mots, les “conditions d’existence idéales d’un monde humain”, dans lequel ni les Blancs, ni les Noirs, ne sont renvoyés à leur couleur de peau, et en particulier au passé de la domination de l’un sur l’autre.

Il débute sa conclusion sur une distinction entre l’aliénation vécue par les intellectuels (comme lui : il parle d’un “docteur en médecine d’origine guadeloupéenne”), et l’aliénation vécue par les ouvriers noirs du port d’Abidjan.

Les quelques camarades ouvriers que j’ai eu l’occasion de rencontrer à Paris, écrit-il, ne se sont jamais posé le problème de la décou­verte d’un passé nègre. Ils savaient qu’ils étaient noirs, mais (…) cela ne change rien à rien.” Et il rajoute : “En quoi ils avaient fichtrement raison“.

Par là, et avec plusieurs autres exemples, il critique les tentations d’aller chercher dans l’Histoire des preuves de l’humanité des peuples de peau noire :

La découverte de l’existence d’une civilisation nègre au XVe siècle ne me décerne pas un brevet d’humanité. Qu’on le veuille ou non, le passé ne peut en aucune façon me guider dans l’actualité.

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Polarisation, rapprochement entre partis et extrême-droite en Espagne

Comment la polarisation du champ politique et le repositionnement de certains partis peuvent favoriser les partis radicaux, comme l’extrême-droite ?

Une étude très intéressante vient de paraître dans la revue “South European Society and Politics” (publ. en ligne : 8 avril 2021), et montre ce qui a pu contribuer au succès du parti d’extrême-droite, Vox, en Espagne 🇪🇸 . Et cela fait directement écho à beaucoup d’échanges que j’ai eus suite à ma publication récente sur le succès de l’extrême-droite française 🇫🇷 auprès des jeunes.

L’auteur de cette étude, Juan Rodriguez Teruel (Science Po — Université de Valence), définit 2 types de polarisation :

  1. Une polarisation verticale : l’écart entre les votants et les partis
  2. Une polarisation horizontale : une stratégie centrifuge ou polarisante menée par certains partis, les amenant à se positionner davantage sur les extrêmes.

L’enquête montre qu’une augmentation de la polarisation verticale favorise les partis radicaux comme Vox : plus les électeurs voient grandir un écart entre la population et les partis, plus ils tendent à voter pour Vox.

A l’inverse — ⚠️ et c’est cela qui est très intéressant — une diminution de la polarisation horizontale favorise les partis radicaux comme Vox.

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Extrême-droite : premier parti des 25-34 ans en France

Je crois que toute personne qui se dit démocrate, et qui est attachée aux idées de liberté, d’égalité, de justice, doit fortement s’inquiéter de cette information : en France, le premier parti des 25-34 ans est l’extrême-droite ! 

(Et ça doit nous inquiéter, je pense, au-delà des frontières françaises, jusqu’en Belgique et ailleurs en Europe). 

Si on considère ensemble toute la partie la plus jeune de l’électorat, c’est-à-dire les 18-24 ans et les 25-34 ans, les jeunes : 

  1. se désintéressent de plus en plus de la politique — en témoigne le taux d’abstention. 
  2. considèrent que l’ex-Front national est un parti comme les autres. 

Quelques éléments de ce dossier que souligne : 

La “dédiabolisation” de l’ex-Front national (et en particulier de Marine Le Pen) se matérialise par cette idée selon laquelle “En quoi Marine Le Pen serait-elle pire ?” (c’est-à-dire pire que les autres hommes et femmes politiques). Comme je ne pense pas qu’elle ait fondamentalement changé ces 15 ou 20 dernières années, je pense plutôt que l’ensemble de la classe politique française est surtout arrivée à démontrer qu’elle ne valait pas mieux… 

Dans l’analyse de la sociologue Anne Muxel, on apprend que le succès de l’extrême-droite auprès des jeunes s’explique aussi par le fait que : 

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1 an d’articles aujourd’hui sur le Coronavirus

Il y a aujourd’hui un an, jour pour jour, le 1er février 2020, je relayais un premier article à propos du Covid-19. Il s’agissait d’un article de 3 chercheurs / scientifiques / auteurs : Joe Norman, Yaneer Bar-Yam et Nassim Nicholas Taleb. L’article était intitulé : « Sytemic Risk of Pandemic via Novel Pathogens – Coronavirus : A note ».

Cette note disait que, vu d’une part la connectivité du monde moderne, et d’autre part le degré d’incertitude dans ce genre de phénomènes complexes, il fallait appliquer le principe de précaution le plus strict possible. 

Quelques mois auparavant, j’avais d’ailleurs publié la traduction d’une brève note de ces 3 mêmes auteurs, avec leur autorisation, sur mon blog. Elle portait sur la même idée de précaution, mais à propos du climat : “Climate Models and Precautionary Measures

Et je pense que c’est cette idée de « précaution » qui nous a le plus manqué en Belgique depuis le début de la pandémie. Pour rappel, le 26 février, la Ministre de la Santé de l’époque moquait tout simplement les personnes qui s’inquiétaient du Covid, en les traitant de « Drama Queen ». 

Tant qu’on ne sait pas si quelque chose est dangereux, il faut prendre des précautions. On ne doit pas attendre d’avoir la preuve que c’est dangereux pour prendre des précautions. C’est même l’idée de base derrière le mot “précaution” : être sur ses gardes avant que le mal n’arrive. Mais c’est plus ou moins l’inverse qu’on a fait tout au long de l’année en Belgique : attendre d’être sûr qu’on est dans une nouvelle vague d’augmentation exponentielle des hospitalisations pour prendre des mesures. 

J’ai consacré 5 articles à ce principe de précaution en 2020 : 

Mais la pandémie a aussi chamboulé nos modes de vie à un point qu’il était presque impossible de ne pas réfléchir aux questions que chacun et chacune se posait. Sur le sujet, j’ai publié : 

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Experts v/s Politiques : Brève réflexion sur le débat public

Politiques v/s Experts : tel est le débat du moment en Belgique. Ou, dit autrement, le gouvernement doit-il simplement appliquer l’avis des experts, ou peut-il s’en écarter ? 

Pour avoir une idée des arguments dans le débat : “Guerre ouverte entre experts et politiques : “On trébuche dans la boue du populisme” (La DH/Les Sports), “Marc Van Ranst réplique aux attaques : “Heureusement que Georges-Louis Bouchez est politique et pas virologue” (RTBF)

On m’a demandé d’en parler, donc voici une brève réflexion… Je trouve que les deux “camps” sont tout autant dans l’erreur. Je m’explique : 

1) Première erreur : penser que les règles doivent se baser sur “la” Science, comme s’il y avait une espèce de “vérité” scientifique qui s’imposait d’elle-même et devait déterminer les règles, les lois, etc. C’est un problème qui n’est pas nouveau. Vous vous imaginez bien qu’on n’a pas attendu 2021 pour réfléchir sur quoi devait se baser une loi. 

Ca pourrait faire l’objet de tout un cours, mais je vais partir de Thomas Hobbes (1588-1679) et de la fameuse formule “Auctoritas non veritas facit legem” : c’est l’autorité, et non la vérité, qui fait la loi. Dans son célèbre Léviathan (1651), Hobbes explique que si on essaie de fonder la loi sur l’avis des experts (à l’époque, il parle des auteurs de philosophie morale et des “juges subalternes”), il y aura autant de contradictions dans les lois qu’il y en a “dans les Écoles” (1). Parce que devinez ce que Hobbes avait remarqué ? => Les “experts” ne sont pas tous d’accord entre eux, que ce soit sur le Bien ou le Mal (les philosophes), la nature ou même la religion (les théologiens). 

Et c’est toujours aujourd’hui d’une grande naïveté de penser que les scientifiques doivent être tous d’accord entre eux. Quand on évolue dans le champ scientifique, on sait à quel point les conflits peuvent être très durs, et à quel point un scientifique peut penser qu’un ou une de ses collègues a simplement tout faux…

Du coup, il revient au pouvoir souverain de trancher, et de décider. C’est pour cela que la pensée hobbesienne est qualifiée de “décisionnelle”. Et en démocratie, ce pouvoir souverain qui décide, c’est le parlement.  

Donc, si on se résume : il n’y a pas de “vérité universellement acceptée”, et une loi ne peut s’imposer que si elle est le fruit d’une procédure démocratique (2).

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