Interview par Florian Odwa-Etter : la notion de “care” et de “communauté”

Dans cet entretien, je passe de l’autre côté, et c’est moi qui réponds aux questions ! 😉 Merci à Florian Odwa-Etter pour cette opportunité de pouvoir parler de choses qui me passionnent !

Cette première vidéo est consacrée à l’idée du “CARE” en anglais 🇬🇧 (ou le fait de “se soucier de” en français 🇫🇷 ). Ca m’a donné l’occasion de replacer cette notion, très présente dans le CrossFit, dans une approche centrée sur l’HUMAIN, et présenter un peu ce que l’on fait à CrossFit Nivelles.

Et puis, on a parlé “COMMUNAUTÉ”, et j’ai réexpliqué ce que certains et certaines avaient peut-être entendu lors du séminaire #HealthyBusiness : la notion de “communauté” au sens des pères fondateurs de la sociologie, et les implications en matière de “community management” dans une salle CrossFit.

Ca me permettait aussi de répondre à cette question classique : En quoi le CrossFit n’est pas “une secte” ? 🙂 Et comment articuler cela avec le fait qu’il puisse y avoir un “culte” autour du CrossFit, et avec le fait qu’on réponde probablement à un besoin de communauté, là où les religions n’y répondent plus tout à fait…
👉 D’ailleurs, si le sujet vous intéresse, je vous conseille aussi d’aller écouter le Lockdown Calling que j’ai fait avec Ahmed Yetrib, théologien, où on parle de tout cela également ! 😉

Merci à Florian pour cette opportunité ! Et hâte de pouvoir partager la suite !!

Coronavirus : Variation sur le thème de la cigale et de la fourmi …

Dans la continuité de plusieurs posts précédents, je voulais essayer de décrire un phénomène presque “tabou”, peu exprimé : c’est ce sentiment que certains et certaines ont d’avoir été “prêts” pour cette crise et ce confinement, un peu à l’image de la fourmi prévoyante de la fable de La Fontaine…

⚠️ Attention, je ne veux pas du tout dire que certains ou certaines pourraient se réjouir d’avoir été prêts pour une telle situation. On ne peut en effet pas se réjouir d’une situation qui fait des milliers de morts au niveau national et qui va probablement provoquer des faillites et de la misère. Pour prendre une image, c’est la même chose que d’avoir investi dans un défibrillateur pour son établissement (imaginons un restaurant) et de s’être formé à son utilisation. Lorsque quelqu’un fait un arrêt cardiaque et que le défibrillateur est utile, vous êtes heureux d’avoir investi dans ce défibrillateur. Vous n’êtes pas heureux, évidemment, qu’une personne ait fait un arrêt cardiaque. J’espère que c’est bien compris par tout le monde, avant de continuer la lecture…

Alors qui sont ces gens ? Qu’ont-ils mis en place en termes de compétences, d’organisation, de réseaux, de connaissances, etc. ?

Ce sont celles et ceux qui, depuis des années, font ce qu’ils ou elles peuvent pour avoir une vie saine, et éviter toutes les maladies chroniques, qui s’avèrent aujourd’hui d’importants facteurs de comorbidité : surpoids, diabète, hypertension, etc. Ils pratiquent une activité physique, mangent sainement, ne fument pas. Parmi ces personnes, certaines présentaient ces facteurs de comorbidités dans le passé. Et ils et elles ont l’impression d’avoir fait le bon choix, même si autant d’efforts paraissait parfois insensé aux yeux de leur entourage.

Ce sont celles et ceux qui ont cherché à développer des compétences et des connaissances leur permettant de “faire par eux-mêmes” : cuisiner, faire leur pain, faire leurs pâtisseries, faire leurs conserves, cultiver leurs légumes,… *COUDRE* 🧵✂️ ! On ne s’est jamais autant rendu compte de l’importance de savoir coudre un petit bout de tissu et deux élastiques ! Est-ce que vous avez remarqué cette fierté de mamies qui confectionnent aujourd’hui des dizaines de masques par jour, sur leur vieille machine à coudre ?

Continue reading Coronavirus : Variation sur le thème de la cigale et de la fourmi …

Qu’est-ce qui expliquerait l’”extraordinaire médiocrité” de certains dirigeants politiques ?

Depuis le début de cette pandémie, il ne se passe pas un jour sans qu’on se rende compte qu’un de nos dirigeants ou une de nos dirigeantes a pris de mauvaises décisions. Et je crois que ça vaut autant pour la France 🇫🇷 que pour la Belgique 🇧🇪.

Du coup, beaucoup se posent cette question : comment est-il possible qu’on ait des gens qui semblent aussi incompétents, aux plus hautes fonctions politiques ?

Et chacun et chacune y va de sa réponse : du “tous pourris” à “tous pistonnés”, lorsqu’on ne leur prête pas des intentions réelles de nous nuire.

Mais existe-t-il une explication plus sociologique ?

Et bien OUI ! Et elle nous est fournie par Pierre Bourdieu. Il appelle même ça “la loi fondamentale des appareils bureaucratiques”. Et je vais essayer de vous l’expliquer rapidement 😉 ⤵️

Bourdieu explique cela dans deux petits textes qui sont, à mon sens, parmi les textes les plus intéressants écrits au 20ème siècle, pour comprendre la politique. Il s’agit de “La représentation politique” (1981) et “La délégation et le fétichisme politique” (1984), tout deux regroupés dans le recueil “Langage et pouvoir symbolique” (2001).

En gros (avec mes mots), Bourdieu explique que les partis mettent aux plus hauts postes, leurs meilleurs soldats. Et ce sont leurs meilleurs soldats, non pas parce qu’ils sont plus compétents, plus intelligents, plus brillants… mais parce que ce sont leurs soldats les plus *fidèles*.

Et pourquoi sont-ils leurs soldats les plus fidèles ? Parce que ce sont celles et ceux qui doivent tout au parti ! Et par conséquent, ils ou elles ne feront jamais un pas hors de la ligne du parti, ne le quitteront pas, ne se retourneront pas contre lui.

Continue reading Qu’est-ce qui expliquerait l’”extraordinaire médiocrité” de certains dirigeants politiques ?

Coronavirus : Est-ce qu’on peut espérer que les choses changent après cette crise ?

Une des questions du moment est certainement : est-ce qu’on peut *espérer* que les choses changent après cette crise ? Ou faut-il plutôt être *fataliste* et se dire que finalement, tout le monde reprendra sa vie “normale” , parce que les contraintes sont trop grandes.

J’avais envie de partager quelques réflexions, simples et pragmatiques  :

Premièrement, pour faire changer les choses, il ne faut pas nécessairement être un militant ou une militante, qui se *sacrifie* pour une cause.

On imagine souvent celles et ceux qui font changer les choses comme des guerriers prêts à tout quitter pour révolutionner la société ! C’est ce mythe de la clandestinité, de la révolution en Amérique latine, de la vie en ZAD, etc. Ca existe, et ça peut jouer un rôle dans les changements sociaux, mais ça ne concerne qu’une infime minorité.

(C’est un peu comme se dire que faire du CrossFit, c’est s’entraîner comme un athlète des CrossFit Games ! …. cette analogie parlera à tous les pratiquants et pratiquantes de CrossFit) 😉

Surtout, derrière cette image du militant, il y a l’idée que faire changer la société implique privation, abnégation, sacrifice. Bref, se priver des “bonnes choses”, “restreindre” son bonheur, pour le bien de la société. C’est quand même fortement là-dessus qu’est construit tout le militantisme pour le climat.

Alors que ce qu’on voit actuellement, c’est que la demande de changement porte plutôt sur des choses assez simples de la vie quotidienne… des choses qui nous rendent, sur le coup, plus heureux et plus heureuses.

Continue reading Coronavirus : Est-ce qu’on peut espérer que les choses changent après cette crise ?

Coronavirus : la propagation d’une communauté à l’autre

Yaneer Bar-Yam fait partie des scientifiques qui ont été les premiers à prendre la mesure des dangers du coronavirus, dès le mois de janvier. 

Le 19 mars, il a publié cette note très intéressante sur la contagion de communauté à communauté. 

A lire ici : https://necsi.edu/eliminating-covid-19-a-community-based-analysis

Une très brève synthèse, ci-dessous, mais je vous invite à lire l’article : 

1) La plupart des études s’intéressent uniquement à la contagion d’individu à individu. 

2) Cette analyse s’intéresse au nombre moyen de communautés qu’infecte une communauté infectée. 

3) Peu importe la taille de la communauté : pays, ville, etc…

4) La contagion de communauté à communauté est *proportionnelle* à la probabilité qu’un individu d’une communauté infectée voyage jusqu’à une communauté non-infectée, et *exponentielle* par rapport à la longueur du délai des actions prises au sein de la communauté. 

Dit autrement : 

Continue reading Coronavirus : la propagation d’une communauté à l’autre

Coronavirus : Si on ne *sur-réagit* pas individuellement, on met tout le collectif en danger.

C’est vraiment triste de voir à quel point les dirigeants et les médias n’ont pas pris la mesure de la situation à temps. Ce matin, je relisais la note publiée par Nassim Nicholas Taleb, Joseph Norman et Yaneer Bar-Yam, le 26 janvier : « Systemic Risk of Pandemic via Novel Pathogens – Coronavirus: A Note ». Moi-même, je la relayais le 1er février. 

Voici ce qu’on pouvait trouver dans cette brève note :

1) Quand on en sait peut sur un nouvel agent pathogène, il faut être extrêmement prudent. 

2) Dans ce genre de phénomènes (« extreme fat-tailed process »), les taux de contagion et de mortalité sont généralement sous-estimés. 

3) Tant qu’on ne sait pas à quel point des personnes peuvent être contagieuses sans avoir de symptômes, des mesures comme des tests de température dans les aéroports, par exemple, ne serviront pas à grand chose. Les incertitudes rendent généralement les choses plus compliquées que prévu, pas plus faciles. 

4) Réduire drastiquement les contacts entre personnes, grâce à des frontières collectives et des changements de comportement, et de l’auto-contrôle communautaire, sont des mesures essentielles à prendre.

5) Réduire la mobilité et les échanges aura un coût à court terme, mais ne pas le faire sera catastrophique.

6) Hélas, certains seront fatalistes et diront qu’on ne peut rien faire…

Au moment où ils ont publié cette note, on était à +/- 4000 personnes infectées et une centaine de décès, dans le monde, mais essentiellement en Chine. Et pourtant, durant plus d’un mois, on nous a dit que fermer les frontières était exagéré, que c’était du repli sur soi, que ce n’était qu’« une grippe », etc., et combien de médias n’ont pas fait de sujets sur « la parano » ambiante, combien de journalistes n’ont pas comparé le nombre de décès dus au coronavirus avec le nombre de tués sur la route ou décès pour cause de diabète… 

Combien de vies auraient été épargnées si on avait écouté celles et ceux qui savent, plutôt que celles et ceux qui « croient savoir »…

Hier, 15 mars, deux des auteurs du précédent article ont publié : « Ethics of Precaution:Individual and Systemic Risk ». Je conseille à tout le monde d’en prendre connaissance au plus vite. L’idée est simple : 

Continue reading Coronavirus : Si on ne *sur-réagit* pas individuellement, on met tout le collectif en danger.

Parution de “Psychologie évolutionniste et maladies mentales”

Néo Santé Édition publie, sur son site, un article de synthèse que j’ai écrit sur la psychologie évolutionniste ou “Evo Psy”.

L’article est assez long (plus long que mes formats habituels dans Néo Santé), je vous en fais ici un résumé et vous invite à aller lire l’article, si ce sujet vous intéresse. C’est un champ d’analyses assez fascinant !

Lien : https://www.neosante.eu/psychologie-evolutionniste-et-maladies-mentales/

En quelques mot… ➡️ Notre corps est encore très très majoritairement adapté à l’environnement que nous avons connu durant des millions d’années. Beaucoup de traits de notre anatomie et de notre métabolisme s’expliquent par notre évolution. C’est vers ça que convergent tous les arguments en faveur d’un entraînement fonctionnel, de méthodes naturelles d’entraînement (MovNat), l’exposition au froid (The Iceman (Wim Hof)), et surtout de l’alimentation paléo : courir pieds nus ou en minimalistes, ne rien manger d’inflammatoire et de transformé, le jeûne intermittent, etc.

Mais qu’en est-il de notre comportement ? Est-ce qu’il y a des éléments de notre comportement qu’on peut comprendre et expliquer à partir de notre évolution ?

(Remarque : rien que poser la question, c’est déjà sortir de la sociologie, où l’on est censé expliquer le social par le social, comme le voulait Emile Durkheim. Je crois pourtant qu’il y a la place pour une approche empirique pluridisciplinaire).

C’est fascinant à quel point une approche évolutionniste peut être à la croisée des disciplines scientifiques, et l’article propose d’en faire la cartographie : anthropologie, sociologie, psychologie, psychiatrie, psychopathologie, biologie, éthologie, primatologie…

… Et bien sûr la théorie darwinienne de l’évolution, qui représente un peu la colonne vertébrale de tout cela.

Continue reading Parution de “Psychologie évolutionniste et maladies mentales”

Addenda à ma lettre au roi

Vous pouvez lire la lettre ici sur le site de La Libre

J’ai essayé que la lettre ne soit pas trop longue. Voici quelques notes complémentaires :

1) Le Congrès national de 1830 en Belgique restait marqué par la Révolution française, qui a constitué une grande source d’inspiration. D’où le fait que les Constituants aient pensé un système centralisé, correspondant aussi aux besoins de la société industrielle encore naissante. Dans une ère postindustrielle, comme aujourd’hui, il y a un sens à penser à décentraliser.
=> C’est ce que j’ai développé dans ce texte

2) Dans ses Politiques, Aristote a fortement mis l’accent sur l’importance de la taille d’une communauté politique. En particulier, il fait la distinction entre les “grandes cités” et les “cités populeuses”. Il écrit que la plupart des gens jugent la “grandeur” d’une cité par le nombre de ses habitants, “alors qu’il vaut mieux prendre en considération (…) la capacité car la cité elle aussi a une oeuvre déterminée à accomplir, de sorte que c’est celle qui a la capacité de la mener au plus au point à son terme qu’il faut considérer comme la plus grande”.
=> Autrement dit, on n’est pas nécessairement plus forts quand on est plus nombreux. On est plus forts quand on est plus forts. Point. S’il y a certaines décisions qu’on n’est plus capables de prendre à 10 millions au niveau fédéral, il faut les prendre à un niveau plus local.

Continue reading Addenda à ma lettre au roi

En quoi le localisme est-il fondamentalement différent du nationalisme, du régionalisme ou du provincialisme ?

Suite à ma lettre au roi, je voulais clarifier cette distinction importante.  

Nous habitons toutes et tous dans un village ou une ville spécifique, au sein d’une province ou d’un département ou d’un canton, au sein d’une région, au sein d’une nation, au sein d’un continent, et au final sur Terre. Cette structure pourrait s’apparenter un peu aux poupées russes, les matriochkas.

Chacun de ces niveaux est tout à fait défini. Quand on parle d’une nation, on peut la définir très précisément, on connaît sa superficie, ses frontières, sa population. Idem pour une région, un département ou une province.

On peut définir très précisément la limite, entre ce qui fait partie de ce territoire (l’”in-group” ou l’”endogroupe”) et ce qui est extérieur au territoire (l’”out-group” ou l’”exogroupe”).

Et être nationaliste, régionaliste ou provincialiste, c’est privilégier un seul de ces niveaux. Et ne considérer ni tout ce qui est en-dessous, ni tout ce qui est au-dessus.  

Pour un ou une nationaliste, par exemple, la seule frontière pertinente, c’est celle de la nation : peu importe de quelle région ou province on vient au sein de cette nation, l’important est d’appartenir à cette nation, par opposition à celles et ceux qui n’y appartiennent pas.

De même, certains vont privilégier la région comme territoire d’appartenance principale. Tout ce qui sera en-dessous (des sous-régionalismes) n’aura pas d’intérêt pour eux, et ils ne reconnaîtront pas d’appartenance aux échelles supérieures : la nation, le continent, etc.

Vous avez compris le principe…

Le localisme, c’est privilégier “ce qui est local”. Et l’immense intérêt de cette vision, c’est précisément que le “local” N’A PAS DE DÉFINITION. Selon de quoi on parle, le “local” aura des étendues différentes.

Continue reading En quoi le localisme est-il fondamentalement différent du nationalisme, du régionalisme ou du provincialisme ?

Brève réflexion sur le fait de “recréer du lien” (social)

Beaucoup d’initiatives en transition sont animées par la volonté de “recréer du lien social”. Et c’est évidemment une très bonne chose.

Mais souvent, lorsqu’il s’agit d’expliquer pourquoi on a “perdu” ce lien social, on tombe dans une explication un peu simpliste : “c’est la faute de l’individualisme”. J’ai toujours trouvé que cet “individualisme” ressemblait fort aux “gros concepts” de Gilles Deleuze : des termes qui ont toute l’apparence de l’explication scientifique, mais qui, au lieu d’aider à penser, amènent bien souvent à ne pas penser. “C’est la faute de la société individualiste. Point” Fin de l’explication.

Il y a pourtant des explications plus concrètes et plus pertinentes, à mon sens. Comme par exemple celle-ci*…

👉 Les liens sociaux sont moins fonction du nombre de personnes qu’on rencontre, que du nombre de fois qu’on rencontre chaque personne.

Dit autrement : on crée davantage de lien social en rencontrant 10 fois une personne, qu’en rencontrant une fois 10 personnes. Continue reading Brève réflexion sur le fait de “recréer du lien” (social)