En quoi le localisme est-il fondamentalement différent du nationalisme, du régionalisme ou du provincialisme ?

Suite à ma lettre au roi, je voulais clarifier cette distinction importante.  

Nous habitons toutes et tous dans un village ou une ville spécifique, au sein d’une province ou d’un département ou d’un canton, au sein d’une région, au sein d’une nation, au sein d’un continent, et au final sur Terre. Cette structure pourrait s’apparenter un peu aux poupées russes, les matriochkas.

Chacun de ces niveaux est tout à fait défini. Quand on parle d’une nation, on peut la définir très précisément, on connaît sa superficie, ses frontières, sa population. Idem pour une région, un département ou une province.

On peut définir très précisément la limite, entre ce qui fait partie de ce territoire (l’”in-group” ou l’”endogroupe”) et ce qui est extérieur au territoire (l’”out-group” ou l’”exogroupe”).

Et être nationaliste, régionaliste ou provincialiste, c’est privilégier un seul de ces niveaux. Et ne considérer ni tout ce qui est en-dessous, ni tout ce qui est au-dessus.  

Pour un ou une nationaliste, par exemple, la seule frontière pertinente, c’est celle de la nation : peu importe de quelle région ou province on vient au sein de cette nation, l’important est d’appartenir à cette nation, par opposition à celles et ceux qui n’y appartiennent pas.

De même, certains vont privilégier la région comme territoire d’appartenance principale. Tout ce qui sera en-dessous (des sous-régionalismes) n’aura pas d’intérêt pour eux, et ils ne reconnaîtront pas d’appartenance aux échelles supérieures : la nation, le continent, etc.

Vous avez compris le principe…

Le localisme, c’est privilégier “ce qui est local”. Et l’immense intérêt de cette vision, c’est précisément que le “local” N’A PAS DE DÉFINITION. Selon de quoi on parle, le “local” aura des étendues différentes.

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Brève réflexion sur le fait de “recréer du lien” (social)

Beaucoup d’initiatives en transition sont animées par la volonté de “recréer du lien social”. Et c’est évidemment une très bonne chose.

Mais souvent, lorsqu’il s’agit d’expliquer pourquoi on a “perdu” ce lien social, on tombe dans une explication un peu simpliste : “c’est la faute de l’individualisme”. J’ai toujours trouvé que cet “individualisme” ressemblait fort aux “gros concepts” de Gilles Deleuze : des termes qui ont toute l’apparence de l’explication scientifique, mais qui, au lieu d’aider à penser, amènent bien souvent à ne pas penser. “C’est la faute de la société individualiste. Point” Fin de l’explication.

Il y a pourtant des explications plus concrètes et plus pertinentes, à mon sens. Comme par exemple celle-ci*…

👉 Les liens sociaux sont moins fonction du nombre de personnes qu’on rencontre, que du nombre de fois qu’on rencontre chaque personne.

Dit autrement : on crée davantage de lien social en rencontrant 10 fois une personne, qu’en rencontrant une fois 10 personnes. Continue reading Brève réflexion sur le fait de “recréer du lien” (social)

Polarisation de la société : Interview sur BX1 (Bruxelles)

Suite à ma carte blanche intitulée “Notre société est-elle en train de dangereusement se polariser ?“ dans La Libre Belgique, j’ai été interviewé sur BX1 ! 

> > > https://bx1.be/radio-chronique/linvite-societe-yves-patte

En 10 minutes, à propos de la polarisation de la société, on a rapidement parlé :

  • d’alimentation vegan v/s carnivore,
  • de port du voile,
  • de mobilité et aménagement du territoire,
  • du rôle des médias traditionnels,
  • des réseaux sociaux et de leur biais de confirmation.

Et on a terminé sur le LOCALISME. Je suis convaincu que ramener les décisions à une échelle locale, avec les personnes directement impactées par ces décisions, est la meilleure manière d’éviter ces polarisations et l’éclatement de la société.

Je pense que dans les années à venir, on va beaucoup parler de LOCALISME, et ce n’est actuellement porté par AUCUN parti politique…

Parution de ma carte blanche “Notre société est-elle en train de dangereusement se polariser ?”

La Libre Belgique publie aujourd’hui ma carte blanche intitulée “Notre société est-elle en train de dangereusement se polariser ?

Je suis très heureux qu’elle paraisse en ce début d’année (je l’avais envoyée il y a quelques semaines), parce que ce texte pourrait tout à fait remplacer mes voeux pour cette année à venir…

L’éclatement d’une société me fait au moins autant peur que son effondrement (si pas davantage). Et tout se passe comme si on allait toujours vers une plus grande polarisation de chaque débat, de chaque question : vegans contre carnivores, #velotaf contre SUV, technophiles contre technophobes, Team Greta contre Team anti-Greta…

“Comme si nous n’avions plus les outils pour penser les faits de société et que, par conséquent, par défaut, nous tendions vers les extrêmes. Comme si nous n’étions plus capables de réfléchir à nos positionnements sur des nuances de gris, et que par conséquent, nous nous réfugions sur le “tout noir” ou le “tout blanc” “.

En très résumé, cette polarisation : Continue reading Parution de ma carte blanche “Notre société est-elle en train de dangereusement se polariser ?”

Le besoin de communauté

Je suis persuadé qu’actuellement, nous ne faisons que recréer des paroisses. Lors du Séminaire #HealhtyBusiness (à CrossFit Nivelles), je parlais de la construction de communautés dans le CrossFit, et du lien avec les communautés religieuses. Et tout ce que j’ai dit lors de cette conférence vaut pour beaucoup de projets “en transition” également…

Cet article est celui du membre d’une église américaine qui décrit le manque de communauté de son église. Merci à internet d’avoir mis, par hasard, cet article sur mon chemin. Comment ? Je ne sais pas, mais merci ! Prenez le temps de le lire, c’est très intéressant !

> > > “Church Without Community“, The American Conservative, 12 décembre 2019.

Ca me conforte dans l’idée qu’on a besoin de ce niveau intermédiaire entre la famille et “la société”. Et les paroisses représentaient une forme de communauté, avec toutes les caractéristiques des liens communautaires : un sentiment d’appartenance, de l’interconnaissance (on sait qui est qui), de la solidarité, de l’entraide, de l’affectivité, etc. Continue reading Le besoin de communauté

Le Vlaams Belang (extrême-droite), premier parti de Flandre, dans un récent sondage…

“Everybody wants to go to heaven, but nobody wants to die” : Ca résume très bien l’attitude de l’ensemble des partis “démocratiques” face à cette montée de l’extrême-droite : tous ces partis aimeraient certainement que le Vlaams Belang n’ait pas autant de poids dans le champ politique belge… mais aucun n’est prêt à faire ce qu’il faudrait faire pour que ça ne soit pas le cas.

A savoir (prioritairement) : réfléchir à la structure du territoire, et créer les conditions d’une réelle participation des citoyens et citoyennes aux prises de décision.

1) Le territoire.

La montée de l’extrême-droite n’est PAS “SCALE FREE” : Aux dernières élections fédérales (mai 2019), le Vlaams Belang (VB) s’est retrouvé 2ème parti de Flandre et 3ème parti belge. Ce que montre le sondage Le Soir / RTL Info / Ipsos Belgium publié ce week-end, c’est que le VB est maintenant le 1er parti de Flandre avec 27,3% des intentions de vote. En extrapolant le nombre de sièges que ça représenterait à la Chambre (donc au niveau belge), le Vlaams Belang serait le 1er parti belge, avec 27 sièges !!

POURTANT, comme je l’ai déjà expliqué, au niveau provincial, le Vlaams Belang n’est dans aucune coalition. Aux dernières élections provinciales (octobre 2018), il ne s’est jamais mieux classé que 4ème parti. Le plus de sièges qu’a le VB dans les conseils provinciaux, c’est 6 sièges sur 36 (16,7%), dans les provinces d’Anvers et de Flandre orientale. Ailleurs, c’est moins.

Au niveau communal, il n’y a qu’à Ninove (à ma connaissance) que le VB a terminé en tête aux dernières élections (40%). Une commune de 39.000 habitants. Il était le 2ème parti à Alost et Turnhout; 3ème à Roeselare. A Anvers, le Vlaams Belang est seulement le 4ème parti. Et il y a énormément de communes où le VB a fait un très mauvais score, loin derrière les autres partis. Continue reading Le Vlaams Belang (extrême-droite), premier parti de Flandre, dans un récent sondage…

Exemple de différence en théorie et pratique n°45672 : le “racisme anti-blanc”.

Est-ce que le racisme est systémique et structurel ? Oui, le racisme s’inscrit dans une relation de domination d’un groupe sur un autre. C’est un ordre social qui produit et reproduit des inégalités (d’accès à l’emploi, au logement, à l’enseignement) à partir de la couleur de peau et/ou de l’origine ethnique (parfois de la religion, de l’origine géographique, etc.). Donc, ce n’est pas symétrique : le racisme, inscrit dans les structures sociales (qu’on peut observer en termes d’accès à l’emploi, etc.), relevant de la domination d’un groupe sur un autre (“racisme anti-noir” pour faire simple), n’est pas la même chose que les réactions des populations dominées envers le groupe dominant (“racisme anti-blanc”).

(Un bon petit livre sur le sujet : “La mécanique raciste” de Pierre Tevanian, 2008).

Mais dans le pratique, je ne serai pas plus votre pote si vous n’aimez pas les Blancs que si vous n’aimez pas les Noirs. On ne sera pas plus pote si vous êtes juif et que vous n’aimez pas les musulmans, ou si vous êtes musulman et n’aimez pas les juifs. Et même chose, je ne serai pas plus pote avec un homo hétérophobe qu’avec un hétéro homophobe.

En bref, si vous avez cette légère tendance à classer les gens sur leur couleur de peau, leur origine ethnique, leur religion, leur sexe ou leur sexualité, à faire des généralisations au sein de ces groupes, et à développer des comportements discriminatoires et/ou haineux à leur encontre… on a peu de chances d’être potes, que vous soyez dans un groupe dominé ou dans un groupe dominant. Dans ma vie quotidienne, je jugerai de la même manière les différentes formes de racisme.

Et je rajouterais encore que 99% des discussions sur le sujet dans les médias opposent des intellectuels qui expliquent des phénomènes (structurels), et des individus qui parlent de leur vécu et des principes qui les guident dans leur vie quotidienne. Ces discussions ne servent à rien…

Extrême-droite et publicités Facebook

“Le Vlaams Belang est le 1er parti en Flandre grâce à ses pubs Facebook” IS THE NEW “les jeunes sont violents à cause des jeux vidéos”…

… Pour préciser : Ces 20 à 30 dernières années, les politiques ont reproduit des conditions que Hannah Arendt, par exemple, décrivait dans “Les origines du totalitarisme” (1951) :

  • Des masses de population qui ne se reconnaissent plus dans aucun parti (p. 311), ni dans la classe dirigeante (pp. 312-313) qu’elles perçoivent comme corrompue (p. 353) et décadente (p. 468).
  • Des masses d’individus isolés, atomisés (p. 323) qui ne composent plus un groupe solidaire, et qui sont généralement insatisfaits et sans réel espoir (p. 315).

> > > Une phrase-clé des 500 pages de l’ouvrage est, à mon sens, celle-ci :

“Les masses détestent la société dont elles se sentent exclues, autant que les parlements dans lesquels elles ne sont pas représentées” (p. 107).

… Et quand, aujourd’hui, ces totalitarismes repointent le bout du nez, les politiques vont nous dire qu’il faut vite réguler les pubs sur les réseaux sociaux pour lutter contre ces totalitarismes… #Facepalm

. . .

Réf : Arendt, H. 1962. “The Origins of Totalitarism”, Cleveland & NY: Meridian Books.

Brève réflexion sur la structuration du territoire

Une réflexion très rapide (en courant ce matin dans les bois), par rapport à la structuration du territoire… 

Quand on se balade dans la nature, on passe par tout un ensemble de lieux-dits, le plus souvent liés à des éléments naturels : rivières et ruisseaux, moulins, bois, monts, vallées, rochers, vieilles fermes, etc.

Et on retrouve pratiquement tous ces éléments naturels dans les cartes, et les textes du Moyen-Âge (chartes, chroniques, etc.), parce que ces éléments structuraient l’espace : limites de duchés et comtés, propriétés, dépendances, dîmes, etc. En fait, ces éléments ont structuré notre espace durant des milliers d’années (probablement des millions même si on n’en a pas de traces écrites).

Dit autrement, les cartes IGN des randonneurs et randonneuses sont assez similaires aux cartes Ferraris (1770-1778) des historiens et historiennes.

Les éléments naturels, liés au territoire et au terroir, structurent bien mieux, et plus naturellement, l’espace que les autoroutes qui coupent les campagnes, divisent les hameaux, etc., ou que les centres commerciaux en périphérie des centres villes et des lieux de vie…

Comprenons-nous, il est évidemment compliqué, avec le mode de vie actuel, de se passer des grands axes autoroutiers, des pôles économiques, etc., mais les aménagements futurs devraient à mon sens retrouver le lien avec l’histoire et la topologie géographique.

Au risque de me répéter (je l’ai écrit dans plusieurs textes), la transition vers un nouveau modèle de société doit, je crois, commencer par une réflexion sur la structuration du territoire. Et on ne construira pas une société plus respectueuse de l’environnement sans structurer le territoire de cette société sur son environnement naturel.

Pour être précis, dans le projet de construire quelque chose de nouveau, je mettrais d’abord autour de la table – avant les sociologues, les politologues et les économistes -, des géographes et des historiens et historiennes. D’abord réfléchir au territoire (déterminé par des éléments naturels et fruit d’une longue histoire). Et puis réfléchir à quel société on construit sur ce territoire.

Des géographes et des historiens et historiennes intéressés ?

Pour aller plus loin :

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