Pour une démocratie participative, concrète et réelle. Créons ensemble notre outil numérique

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– Proposition concrète pour le débat sur la démocratie, du 1er Juin 2016, Place de la République, Paris –

Les actualités politiques récentes, en France, en Belgique, et en Europe, semblent presque toujours opposer la population à ses dirigeants, les représentants à celles et ceux qu’ils sont censés représenter. Dans le domaine du travail, de la santé, de l’environnement, les dirigeants prennent des décisions qui ne sont pas souhaitées par la majorité de la population, confortant la thèse, partout commentée et répétée, de la « crise de la représentativité », et du fossé grandissant entre les électeurs et leurs élus.

En Belgique, le gouvernement décide du prolongement de centrales nucléaires que l’on sait pourtant vétustes. En France, le gouvernement recourt à l’article 49.3 de la Constitution pour faire passer le projet de loi “travail” auquel une partie importante de la population s’oppose. En Europe, on risque de réautoriser l’utilisation du glyphosate, pourtant classé par l’OMS comme “cancérigène probable pour l’homme”.

Comment ces décisions sont-elles possibles ? Tout comme le média est le message, je crois que la décision est déjà dans la prise de décision. Dit autrement, ce sont les modalités de la prise de décision politique qui déterminent la nature des décisions prises. Et cela implique donc que si l’on change de modèle de prise de décision politique, on changera immédiatement la nature de tout un ensemble de décisions. On changera la société, en changeant la manière dont on décide de cette société.

C’est ce point de départ qui m’a amené à réfléchir à un autre modèle, et la trame du texte sera celle que j’ai suivie. Je vous invite à me suivre, à votre tour, dans ce raisonnement…

Tout un ensemble de décisions sont liées au fait qu’elles ont été prises par une minorité à qui on a délégué le pouvoir de prendre des décisions. Une minorité qui s’est instituée, qui s’est professionnalisée, qui s’est “autonomisée” dirait-on en sociologie. Continue reading Pour une démocratie participative, concrète et réelle. Créons ensemble notre outil numérique

Désappropriation. Radicalisation. Abandon. A quoi se raccrocher ?

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Ce chapitre est une version de travail d’un chapitre du livre en cours d’écriture “Anti-délégation. La société de l’Empowerment”. Je la diffuse pour toute personne intéressée à enrichir la réflexion. Lisez, commentez, partagez, discutONS-en, discutEZ-en.. Que toute personne intéressée à participer à la réflexion se sente autorisée à le faire !!

UPDATE (27 avril 2016) : Cet article a reçu des retours très positifs de deux spécialistes français du terrorisme : Gilles Kepel et Olivier Roy, sans même que je ne les sollicite. Gilles Kepel m’a d’ailleurs proposé de rencontrer son collaborateur, Hugo Micheron, chercheur français, spécialiste du jihadisme, au Centre de recherches internationales (Ceri), à Science-Po.

——————————- Début de l’article ——————————-

“Quand l’intérêt général s’en va, arrive le trader suivi du gourou. Quand l’Etat s’effondre, restent deux gagnants : les sectes et les mafias. Les banquiers d’affaires d’un côté et les hallucinés de l’autre. Quand l’idée de service est ridiculisée, ne reste plus qu’à se servir soi-même. Le cynisme engendre à la fois le fanatisme et la tricherie.” Régis Debray (2015 :17)

“Que cherchent tous ces jeunes à la dérive qui se suicident à l’aide d’un islam extrême ou à coups de canettes de bière suralcoolisées et de spliffs dix fois trop chargés ?” Abd al Malik (2004 :128-129)

Il est toujours plus facile d’avoir la mémoire courte. Les attentats récents en Europe mettent au devant de la scène, le phénomène de la radicalisation religieuse. D’un coup, on se rend compte que des jeunes sont prêts à aller mourir pour la cause djihadiste. Et des jeunes « de chez nous » – pas des jeunes Afghans formés dans d’obscures écoles coraniques pakistanaises. Non, des jeunes de nos quartiers, de nos banlieues, qui ont été dans nos écoles. Dans nos prisons aussi.

Tout autant qu’on est surpris que des jeunes puissent adopter une vision fondamentaliste de la religion musulmane, telle que le salafisme, on se surprend de voir d’autres jeunes embrasser le nationalisme et rejoindre les mouvements d’extrême-droite.

Oui, dans la deuxième décennie du 21ème siècle, des jeunes sont salafistes, des jeunes sont d’extrême-droite, des jeunes sont contre les droits de la femme, des jeunes sont racistes, antisémites, islamophobes, homophobes, etc. Mais ça n’est probablement pas arrivé du jour au lendemain. On ne se réveille pas un matin avec des vidéos djihadistes qui cartonnent sur Youtube et PEGIDA qui rassemble des milliers de personnes dans des manifestations islamophobes.

Je crois qu’il faut replacer l’émergence de ces phénomènes dans des processus sociaux plus longs. Le profil des jeunes français et belges, qui sont partis en Syrie, dont ceux qui ont commis les attentats à Charlie Hebdo en janvier 2015, dans les rues de Paris en novembre 2015 et à Bruxelles en mars 2016, invite à replacer la radicalisation dans l’histoire des populations et des quartiers dont ils provenaient. Les explosions de violence en banlieue en France, ou dans certains quartiers de Molenbeek en Belgique, ne sont pas récentes. Les jeunes qui n’arrivent plus à se construire une identité, du moins positive, ça n’est pas récent non plus. Et on a eu tout le temps de voir l’islam évoluer depuis les premières communautés immigrées en Europe de l’Ouest jusqu’à aujourd’hui.

Une double histoire est nécessaire : celle des quartiers/villes d’où proviennent les jeunes attirés par le djihadisme ou le nationalisme, et une histoire du rapport à l’islam.

Pour cela, première précaution : ne pas tomber dans une approche centrée sur la France. Facile à dire évidemment quand on écrit depuis la Belgique. Mais c’est important au niveau de la compréhension même du phénomène. Beaucoup d’auteurs (sociologues, islamologues, etc.) étant Français, l’analyse tourne souvent autour de questions qui structurent le débat français : la République, la laïcité, les banlieues. Pourtant, certains des terroristes de Paris et de Bruxelles vivaient en Belgique : ils n’ont pas été élevés dans les valeurs de la République, ne sont pas passés par l’ « école de la République », et ne se sont pas non plus radicalisés « contre » la République. De plus, ils ne vivaient pas dans une « banlieue », typiquement française, mais dans des quartiers ghettoïsés proches du centre de Bruxelles, comme ceux qui venaient de Molenbeek.

Cela invite donc à ouvrir la problématique à des phénomènes qui dépassent souvent les frontières. Tout ce qu’on lit sur « la République » peut être correct, mais c’est à mon sens, la traduction française de phénomènes sociaux plus larges, dont la crise de la délégation que j’essaie de décrire ici. 

 1. Des émeutes au djihad 

1.1 La construction du « problème des banlieues »

Directement en lien avec le fait de ne pas faire du « Franco-centrisme », il y a le « problème des banlieues ». Beaucoup de candidats français au djihad proviennent des « banlieues ». Mais ils sont connectés, comme les enquêtes l’ont montré, avec des jeunes bruxellois qu’on ne peut pas réellement appeler des « jeunes de banlieue », tant la structuration « centre-ville aisé / périphérie pauvre » n’existe pas en Belgique. La France a découvert Molenbeek : une commune pauvre de Bruxelles (en fait la deuxième commune la plus pauvre de Belgique), très proche du centre au niveau géographique, mais dont certains quartiers sont totalement ghettoïsés par rapport au reste de la ville.

C’est pourquoi je parlerai plutôt de quartiers « ghettoïsés ». Jacinthe Mazzocchetti (2012 : 2), qui bossait dans la même unité de sociologie que moi à l’époque, a une définition très intéressante de ces quartiers. Ils sont le résultat, dit-elle, de l’enfermement des immigrés (et de leurs descendants) dans certains quartiers, via le marché du logement, les discriminations rencontrées en milieu scolaire et les discriminations sur le marché du travail. Cette définition me semble plus efficace pour aborder les lieux d’origine de beaucoup de jeunes djihadistes, que ce soit en Belgique (sa recherche portait entre autres sur des quartiers de Molenbeek), en France (les « banlieues ») ou dans d’autres quartiers en Europe ou aux Etats-Unis (comme nous le verrons dans le New Jersey ou à Philadelphie).

D’autant plus que Mazzocchetti (2012 :2) rajoute une dimension importante : le rejet va dans les deux sens. La ghettoïsation est aussi un mouvement qui vient de l’intérieur des quartiers relégués : les acteurs marginalisés s’organisent, autour de solidarités ethniques. Mais cet « entre soi », conséquence d’un sentiment d’être exclu du reste de la société, rajoute encore à l’exclusion.

Encore une précaution, il ne s’agit en aucun cas de stigmatiser toute la population de ces quartiers. Je parlerai souvent de Molenbeek, d’Anderlecht, de Clichy-sous-Bois ou des Minguettes, mais je me garderai bien de prétendre que ces communes ou ces quartiers se réduisent à ce que j’en décris. Il y a plein d’habitants de ces lieux qui sont engagés dans des dynamiques très positives, ou d’autres qui ne font rien de spécial, à part subir les méfaits d’une minorité. L’empowerment passe aussi par le fait de laisser aux communautés le pouvoir de se définir elles-mêmes. Je ne voudrais pas les en désapproprier. Je décris la radicalisation d’une minorité d’habitants de ces lieux.

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18 juin 2016 : Intervention au Colloque annuel de l’ONS (Paris)

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Le 18 juin 2016, l’Observatoire national de la Sophrologie (France) organise son colloque annuel, qui aura pour thème “La sophrologie dans nos assiettes. L’alimentation au cœur des débats éthique, sociaux et comportementaux“.

Après les mots de la présidente de l’ONS, Géraldine Haegeli, j’aurai la chance d’ouvrir la journée en intervenant sur “L’alimentation au cœur du biologique, du psychologique et du social“. J’y parlerai du rapport actuel à l’alimentation, de la volonté des individus de reprendre en main, individuellement et collectivement, leur alimentation.

Il sera également question des “craquages”, de leur dimension culturelle, émotionnelle ou physiologique. En somme, ce sera une synthèse de plusieurs choses que j’ai publiées, sur cette tension entre Empowerment et abandon. Le point de vue sera sociologique.

Infos pratiques :

  • Date : 18 juin 2016
  • Accueil des participants à partir de 8h30.
  • Début du colloque à 9h30
  • Mon intervention à 9h40
  • Lieu : Espace Moncassin : 164 rue de Javel – Paris 15ème
    • Métro ligne 8 Félix Faure ou Boucicaut
    • Métro ligne 12 Convention
  • Inscription : http://www.observatoire-sophrologie.fr
  • Prix :
    • Jusqu’au 17 avril : 65€ pour les non-adhérents / 45€ pour les adhérents ONS
    • A partir du 18 avril : 75€ pour les non-adhérents / 55€ pour les adhérents ONS

Parution sur le site de la revue “We Demain”

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Nouvelle parution : “Le film Demain cartonne au box office et le FN dans les urnes : deux options face à la crise“, We Demain, Tribune, 29 mars 2016. 

Si vous êtes porteur d’une critique du système actuel, et d’un autre projet de société, il y a une question que l’on vous a déjà certainement posée : “Mais si votre projet est si bon, pourquoi est-ce qu’autant de gens se tournent vers l’extrême-droite ?”

Cette question, on l’a posée à tout mouvement de gauche, à tout mouvement écologique, à tout mouvement de jeunes. Avec des variantes : pourquoi “les ouvriers”, pourquoi les “jeunes”, pourquoi “la banlieue”, pourquoi “les chômeurs”, etc. se tournent-ils vers l’extrême-droite ? C’est à nouveau la question que l’on posait à Julien Bayou, porte-parole d’Europe Écologie Les Verts, lors de son interview à “On n’est pas couché”, le samedi 5 mars 2016. (…)

Le risque de cette question est, au final, d’invalider toute critique du “système” comme faisant le jeu de l’extrême-droite. Comme si une même situation ne pouvait pas déboucher sur différentes critiques, différentes alternatives, qui ne s’invalident pas les unes les autres.

Lire la suite sur le site de la revue… 

Pour celles et ceux qui me suivent depuis un petit temps, vous y retrouverez la métaphore du bateau qui coule, que j’ai déjà présentée ici sur mon blog… Et cela fait partie de la réflexion plus large que je mène sur la crise de la société de la délégation et l’émergence de mouvements d’empowerment (introduction ici)

Si vous avez aimé, merci de partager un maximum. Si le magazine perçoit l’intérêt pour cette approche, il y aura peut-être la possibilité d’une collaboration plus régulière, me permettant de poursuivre la réflexion… Si j’y arrive, ce sera donc grâce à vous !! Merci !!! 😉

Le monde change… et pas en bien

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“Le monde change… et pas en bien”. C’est une phrase que j’ai entendue lundi en rue. Et elle m’a trotté en tête toute cette journée de mardi, devant les directs relatifs aux attentats, à la télévision, à la radio, ou devant le flot continu des tweets….

Bruxelles est attaquée, et cette phrase résume toute l’impuissance qu’on peut ressentir. Comme si on savait que ça allait arriver, après Paris, et qu’on espérait juste que ça allait arriver le plus tard possible. Mais c’est fait, c’est arrivé aujourd’hui. Des dizaines de personnes sont mortes. En attendant leur avion. En prenant leur métro. Impuissantes.

L’impuissance, c’est l’inverse de l’Empowerment, sur lequel j’écris constamment. C’est se sentir sans pouvoir, sans capacité d’agir sur les choses. On sent que le monde change. Peut-être est-ce bien qu’il change d’ailleurs ? Ou pas ? Mais dans un cas comme dans l’autre, on se dit qu’on ne peut rien y faire, que d’autres vont décider pour nous. Qu’ils vont décider de créer un climat de peur. Que dorénavant on se sentira moins à l’aise dans les transports en commun ou dans les lieux publics.

Et on sent qu’il serait tentant de s’abandonner aux discours faciles de certains. Que, tant qu’à faire d’être impuissant, autant remettre notre destinée dans les mains de ceux qui disent avoir des solutions. Autant expulser tous les suspects et fermer les frontières pour qu’aucun autre suspect n’arrive.

… Mais ça ne fera que rajouter à l’impuissance. L’impuissance de voir des enfants, des parents, des personnes âgées mourir ailleurs, dans la même impuissance que les victimes bruxelloises. Quelle différence y aurait-il entre mourir sous les bombes de Daech en Syrie ou à Bruxelles ?

Le monde change… et pas en bien, c’est exactement ce que je ressens depuis des mois, à chaque fois que je vois ces cohortes de réfugiés refoulés à la frontière de pays européens. Je m’imagine devant parcourir des milliers de kilomètres à pied avec ma femme et mes enfants, juste dans l’espoir de trouver un endroit où nous installer, et où il n’y aura pas le risque à tout moment qu’on nous tire dessus ou que des barils d’explosifs nous tombent sur la gueule.

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On a créé un monde où des enfants passent en quelques secondes de l’insouciance des jeux d’enfants, aux cris, à la peur, à la douleur, à chercher, apeurés, un parent au milieu des débris et des corps en lambeaux… On a créé un monde où on retrouve des petits corps d’enfants sur nos plages de vacances. On a créé un monde où ceux qui arrivent à échapper à la guerre se verront parquer dans des bidonvilles qu’on détruira au bulldozer. Continue reading Le monde change… et pas en bien

Parution : “Comment le sucre nous enfume !” – Sport & Vie, n°154

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Nouvelle parution : Je publie dans le numéro de janvier-février (n°154), du magazine “Sport & Vie”, un article sur le sucre. Il s’agit d’une version améliorée de l’article que j’avais publié sur ce blog : “Et si nous refusions d’être au service de l’industrie alimentaire ?“. Comment les grosses industries alimentaires, rassemblées en fédérations, arrivent à nous faire croire que manger trop sucré n’est pas si grave (tant que l’on fait du sport), et comment les marques s’infiltrent partout dans le sport et la santé, sous couvert de promotion de l’activité physique ?

Entre militantisme CrossFit contre l’industrie du sucre et du soda (voir le combat de CrossFit, Inc. au Etats-Unis) et analyse de sociologie des médias (après tout, c’est de là que je viens), cet article fait le point sur les stratégies des marques et industries (exactement les mêmes que celles des cigarettiers à une époque), et en appelle, en toile de fond, les acteurs du sport et de la santé à ne pas être les “idiots utiles” de l’industrie alimentaire…

Commander le numéro en ligne : http://www.sport-et-vie.com/numero-154/a-decouverte-ski-alpinisme.4341.php

New Books (4)

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Ca faisait un petit temps que je ne l’avais plus fait : voici les derniers ouvrages que j’ai achetés dans le cadre de ce que j’essaie d’écrire sur “Anti-délégation. Ou la société de l’Empowerment” (nouvelle formulation du titre !). Chacun de ces livres devrait me permettre d’avancer sur quelques points précis…

Bureaucratie“, de David Graeber, auteur du fameux articles “Bullshit Jobs“, dont j’ai parlé ici, ainsi que “Fragments of an Anarchist Anthropology” (PDF). Ce livre devrait prolonger l’ouvrage de Béatrice Hibou, “La bureaucratisation du monde à l’ère néolibérale“, avec en plus un angle anarchiste. Cette phrase du quart de couverture me parle particulièrement : “Comment en sommes-nous arrivés, dans une société dite libérale, à passer une grande partie de notre temps à remplir de plus en plus de formulaires ? Et à quel point nos vies sont-elles gâchées par toute cette paperasserie sans fin ?

Terreur dans l’hexagone. Genèse du djihad français“, de Gilles Kepel. On a pas mal parlé de cet ouvrage dans la presse. J’ai déjà lu beaucoup de choses sur la radicalisation des jeunes, mais ce qui m’intéresse ici, c’est le fil conducteur que tend l’auteur entre les émeutes de 2005 et les attentas récents. Sa dernière partie, qui intègre dans une même analyse radicalisation et montée de l’extrême-droite, m’intéresse aussi. Tout cela rejoint ce que j’ai pu écrire sur la métaphore du bateau qui coule

La décroissance et l’Etat“, Entropia – Revue d’étude théorique et politique de la décroissance. Plusieurs articles m’intéressent particulèrement dans ce numéro : “L’Etat et la révolution (de la décroissance)” (Serge Latouche), “La société décroissante contre l’Etat ?” (Gilles et Jean-Marc Luquet), “Pour une théorie de l’Etat dans la modernité” (Clément Homs), ou encore “Pour une décroissance libertaire” (Jean-Claude Besson Girard). J’espère y trouver quelques éléments intéressants quant au lien entre la crise de l’Etat capitaliste industriel moderne et les mouvements de la décroissance.

L’âge des low tech. Vers une civilisation techniquement soutenable“, de Philippe Bihouix. J’avais vu l’auteur à l’émission “Ce soir (ou jamais !)“. Ce livre pourrait être un complément intéressant à l’ouvrage “Comment tout peut s’effondrer” de Pablo Servigne et Raphaël Stevens, paru d’ailleurs chez le même éditeur.

La fin du salariat“, de Jean-Pierre Gaudard. Ce sera probablement l’un des derniers bouquins que je lirai, avant de boucler le (long) chapitre sur le travail, qui s’intitulera probablement “Repenser la notion de ‘Travail’“…

Liberté & Cie. Quand la liberté des salariés fait le succès des entreprises“, d’Isaac Getz et Brian M. Carney. En complément de l’ouvrage précédent (“La fin du salariat“), cet ouvrage de Getz et Carney montre qu’on peut aussi imaginer d’autres formes de salariat, dans lesquelles les travailleurs peuvent reprendre en main leurs conditions de travail.

Qu’est-ce qu’un peuple ?“, un ouvrage collectif avec des articles de Badiou, Bourdieu, Butler, Didi-Huberman, Khiari et Rancière. Celui-là, c’est pour le côté plus “intellectuel” avec des considérations philosophico-théoriques sur “le peuple” 🙂 Mais quelques-unes pourraient me servir pour un chapitre sur “le peuple” dans la société actuelle. Y a-t-il encore un sens à parler de “peuple” ? Et si oui, qui seraient ceux qui se revendiqueraient encore du peuple ?

Voilà donc ce sur quoi je travaillerai les prochaines semaines. Si vous avez lu certains de ces ouvrages, que vous voulez partager vos impressions, vos questions, n’hésitez pas ! J’ai, depuis le début, conçu la rédaction de mon livre comme un travail collectif, se nourrissant de toutes les discussions que je pouvais avoir (et que souvent, les réseaux sociaux permettent).

Je remarque aussi que ce sont souvent les mêmes éditeurs qui publient les ouvrages qui sont dans la même veine que mes travaux : “LLL – Les Liens qui Libèrent” (qui ont publié Graeber et Rifkin, par exemple) et les éditions du Seuil, collection “Anthropocène” (qui ont publié les ouvrages de Bihoux et Servigne & Stevens). Peut-être que c’est chez eux que je devrai me diriger prioritairement pour la publication ? Si vous avez des conseils, n’hésitez pas non plus ! 😉

Bonne lecture !

Crise de la société & Empowerment : le bateau qui coule et les différentes stratégies

Je teste quelque chose de nouveau : une vidéo explicative d’une partie des réflexions que je mène sur la notion d’empowerment dans un contexte de crise de la délégation. Disons que cette partie s’y prêtait bien : elle vise à utiliser une métaphore pour présenter la situation actuelle et les différentes stratégies possibles. Et elle complète le chapitre sur les définitions que je viens de publier ici… 

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Je crois que nous pourrions imaginer la société de la délégation comme un gros bateau : jusqu’il y a peu de temps, nous étions tous dedans, et nous avions en quelque sorte délégué la décision du cap au capitaine et à ses lieutenants. Pour le meilleur et pour le pire, tout le monde participait de près ou de loin à l’avancée de ce navire, par conviction ou par obligation. C’est le modèle culturel industriel que décrivaient très bien Bajoit et Franssen en 1995, et dont parlent pratiquement tous ceux qui parlent de “La Modernité”, de la société industrielle, etc. C’est l’Etat moderne, bureaucratique. C’est l’Etat de Durkheim ou Weber en sociologie, de Hegel en philosophie, etc. Et en économie, c’est le capitalisme d’Etat, c’est l’industrie, la grande distribution, etc. J’en parlerai dans les chapitres suivants.

Ce que j’appelle la crise de la société de la délégation, c’est ce bateau qui commence à prendre l’eau. Est-ce qu’il prend l’eau à cause de phénomènes extérieurs indépendants, comme une tempête, des courants marins, etc., ou est-ce par une mauvaise navigation de l’équipage ? Je ne sais pas, et c’est probablement un peu des deux. Peut-être dans une confiance trop grande de l’équipage dans des outils censés prévoir ces phénomènes extérieurs, ou dans le fait qu’ils n’aient pas voulu les voir. Peu importe en réalité. Le fait est que le bateau commence à couler, et qu’à l’intérieur, l’équipage doit faire face à des mutineries, ou du moins à une perte de confiance dans l’équipage. La crise de la délégation, c’est la volonté des personnes embarquées dans le navire de vouloir prendre un autre cap, mais l’équipage qui ne l’entend pas…

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Alors, de là, il y a celles et ceux qui décident de prendre leur destinée en main, qui se construisent leur propre petit radeau et qui se lancent seuls en pleine mer. Certes, ils perdent la sécurité que leur procurait le fait de se laisser porter par un gros bateau – sécurité toute éphémère puisque le bateau commence dangereusement à couler, mais ils gagnent en liberté et en possibilité de gérer eux-mêmes la manière dont leur petit bateau va faire face aux flots. Au moins, ils décident du cap. Au moins, ils sont maîtres à bord. Ils sont seuls, ou “partagent” à plusieurs leur petite embarcation. Peut-être se sont-ils mis à plusieurs pour la construire, en mettant en commun leurs ressources, à partir de plans en “open source” ? Peut-être les pièces ont-elles été imprimées avec une imprimante 3D partagée ? Peut-être leurs petits bateaux sont-ils “connectés” entre eux ?

extreme-windsurfingSurtout, peut-être que leur petite embarcation est capable de mieux faire face à la tempête, peut-être est-il plus maniable ? Peut-être a-t-il été conçu en pensant à la tempête ? Peut-être navigue-t-il mieux lorsqu’il y a du vent, lorsqu’il y a des vagues ? Peut-être est-ce un windsurf, un kitesurf, un bodyboard ou une planche de surf ? Peut-être que celles et ceux qui sont dessus ont trouvé un moyen de jouir du vent et des vagues plutôt que de les redouter ? Peut-être qu’ils regardent le gros navire couler et qu’ils se disent : “c’est pas facile sur mon petit bateau, je suis tout seul dessus ou nous sommes quelques-uns sur ce petit bateau que nous nous sommes construits, mais au moins, nous ne sommes pas en train de couler avec le gros navire”.

article-2331313-1A03F808000005DC-135_634x432De l’autre côté, il y a celles et ceux qui se retrouvent en pleine mer, qui n’ont pas su se construire leur petit bateau, qui ne savent pas nager, ou qui savent nager, mais pas en pleine mer, dans le froid et la tempête. Ceux-là n’ont qu’un moyen de ne pas mourir, c’est de se raccrocher à n’importe quel objet flottant – probablement un vestige du navire – qui passe à leur portée. Et de s’y raccrocher, comme à une bouée de sauvetage. De s’y abandonner totalement, comme à une dernière possibilité de ne pas finir noyé. Est-ce qu’on peut les comprendre ? Fuck, yeah !! Personne n’a envie de mourir noyé !! Mais quelles sont ces dernières bouées de sauvetage, auxquelles on délègue le soin de nous maintenir hors de l’eau ? D’un côté, c’est à mon sens les mouvements nationalistes et les mouvements d’extrême-droite au sens large. Ce sont les gangs et milices qui commencent à se constituer un peu partout, comme les groupuscules anti-salafistes, anti-islamistes, antisémites, c’est le repli communautaire ou régional. C’est PEGIDA en Allemagne (“Patriotische Europäer gegen die Islamisierung des Abendlandes”, c’est-à-dire en français : Patriotes européens contre l’islamisation de l’Occident), c’est Bloc Identitaire, Egalité et Réconciliation, Non au changement de peuple et de civilisation, Groupe Union Défense (GUD), Blood & Honour, Riposte laïque, la Ligue de Défense juive, Civitas en Belgique et en France, le NPD en Allemagne ; c’est Nissa Rebela, Jeune Bretagne ou Breiz Atao au niveau régional ; c’est la English Defence League et ses versions polonaises et norvégiennes (Polish Defence League et European Defence League). C’est quelque chose auquel se raccrocher parce que sinon, on n’existe plus. C’est la dernière possibilité pour exister en tant que… Français, ou Allemands, ou Polonais…

… Ou en tant que Musulman. Parce que cette bouée de sauvetage identitaire, c’est aussi l’Etat islamique, auquel les individus se remettent, et les groupes locaux se soumettent par “allégeance”. Lorsqu’on lit “Dabiq”, le magazine de l’Etat islamique, c’est exactement cela le message principal : « On ne vous laissera jamais être de ‘vrais’ Musulmans en Occident. Rejoignez-nous ! Et combattons l’Occident »… C’est donc très identitaire. Daech se présente, à des jeunes Musulmans, comme le seul moyen de survivre en tant que tels.

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On ne peut pas prévoir s’ils y arriveront, mais Daech est en train de constituer un réel “Etat” fort, avec son gouvernement hyper-centralisé, son administration, sa justice, sa monnaie, etc. Et il n’est donc pas étonnant qu’on retrouve à la tête de Daech, des anciens officiers irakiens du parti Baas. En Syrie, avec d’un côté le régime d’El-Assad et de l’autre, Daech, c’est deux visions identiques qui se combattent, en désappropriant la peuple de sa souveraineté. Les printemps arabes étaient certainement plus proches des stratégies d’empowerment, mais la contre-révolution a refermé la porte entre-ouverte. Le site d’information politique Al-Tagreer titrait, en juillet 2015, “Les printemps arabes se nourrissaient de l’espoir d’un monde meilleur. Daech, lui, s’est construit autour du désespoir”.

Et tout comme l’Etat islamique s’est développé en Syrie et en Irak, là où il n’y a plus rien, là où il n’y a plus d’Etat, plus d’organisation sociale, plus de lois, plus d’espoir, les filières européennes radicalisent des jeunes qui ont le sentiment que pour eux, il n’y a plus rien; que pour eux, l’Etat ne peut plus rien; que pour eux, il n’y a plus d’espoir…

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Empowerment et délégation : les définitions (Chapitre 1)

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Ca fera bientôt deux ans que j’ai publié “Empowerment, ou la société de l’anti-délégation“, en guise d’introduction aux réflexions que je mène sur les processus de reprise en main de notre capacité à agir et à décider par nous-mêmes. Mais je n’avais pas encore fait ce travail définitionnel sur les concepts d’empowerment et de délégation

Pour celles et ceux qui suivent la rédaction progressive du bouquin que j’espère publier sur la question, le texte qui suit est une nouvelle formulation du 1er chapitre…

Chapitre 1 : “Empowerment, délégation… définitions”

Dès le début du raisonnement, il est nécessaire de définir les termes utilisés. D’autant plus que le terme “empowerment” fait l’objet d’une littérature abondante, dans des domaines aussi variés, voire antinomiques, que les luttes d’émancipation, ou la gestion d’entreprise.

Le but, ici, ne sera pas d’effectuer un long “passage en revue de la littérature”, mais plutôt de clarifier les notions d’empowerment et de délégation, non pas par plaisir de la définition, mais afin qu’ils puissent être utilisés pour approcher le réel.

Je définis la “délégation” comme le fait de laisser à des structures institutionnelles ou privées, ou à des individus mandatés par ces structures, le pouvoir, le rôle, la capacité, d’agir ou de décider à notre place. La délégation se comprend donc ici au sens très bourdieusien (1984 :52) du terme, c’est-à-dire l’acte par lequel “une personne donne pouvoir (…) à une autre personne, le transfert de pouvoir par lequel un mandant autorise un mandataire à signer à sa place, à agir à sa place, à parler à sa place, (à) agir pour lui”.

A l’inverse, je définis l’ “anti-délégation” comme le fait de reprendre en main ce pouvoir, ce rôle, cette capacité d’action et de décision, au niveau individuel ET au niveau collectif. Ce processus de reprise en main est un processus d’”empowerment”.

Soyons tout de suite concret : si je ne laisse ni à l’industrie agro-alimentaire, ni à l’Etat, le rôle de me nourrir, cela signifie que je reprends en main mon alimentation. Cela peut amener à cesser d’acheter ce que l’industrie nous dit d’acheter dans les grandes surfaces, à faire son potager (seul chez soi, ou ensemble dans des potagers collectifs), à acheter des produits locaux, naturels, seuls ou sous forme des groupements d’achats collectifs qui apparaissent un peu partout, à se remettre à cuisiner au lieu d’acheter des plats préparés, etc. En un mot, être maître de ce que l’on mange, c’est ne plus “déléguer” cela à quelqu’un d’autre.

Si je décide d’isoler ma maison, c’est très bien pour la planète, mais ça me permet aussi d’être moins “dépendant” des hausses des prix du mazout ou de toute autre forme d’énergie. Si je produis moi-même mon énergie, je gagne encore en indépendance, puisque je ne “délègue” plus à une industrie pétrolière ou nucléaire, le rôle de me fournir de l’énergie pour chauffer ma maison. Si une collectivité locale décide de produire son énergie (par un système de coopérative, par exemple), c’est collectivement, au niveau local, que l’on gagne en indépendance.

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Si je décide de développer ma propre activité professionnelle, je ne délègue plus à quelqu’un d’autre (un patron, l’Etat…), la capacité de décider ce que je fais de mes journées, ce que je gagne comme argent, ce que je vaux sur le marché du travail. Je reprends ma capacité d’action et de décision. Si un ensemble de travailleurs reprennent en leurs mains cette capacité d’action, ils s’émancipent par rapport au patronat et à l’Etat. De passif par rapport à mon parcours professionnel, je deviens alors actif. D’objets passifs sur le marché du travail, les travailleurs deviennent alors collectivement acteurs de la production et de l’échange des produits, des services, des idées, etc.

Si je décide de m’engager dans des projets citoyens pour faire changer les choses, c’est que je refuse de simplement “déléguer” cela à d’autres, via le vote par exemple. Je refuse de (juste) donner ma voix. Si des individus décident de se constituer en collectif pour défendre leurs droits, pour pouvoir décider – ou du moins prendre part au processus décisionnel – lorsque la décision les concerne, on est dans un processus d’empowerment, dont les Afro-américains représentent un des exemples les plus marquants de l’Histoire moderne.

1.1. Depuis une situation de “powerlessness

Comme on le voit, l’opposition délégation/empowerment peut recouvrir tout un ensemble d’oppositions caractéristiques : dépendance/indépendance, passif/actif, non-pouvoir/pouvoir, etc.

Certains auteurs inscrivent d’ailleurs leur théorie de l’empowerment dans une transition du “powerlessness”, que l’on devrait traduire par “le fait de ne pas avoir de pouvoir”, vers l’empowerment, c’est-à-dire l’acquisition ou la ré-acquisition de ce pouvoir.

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Et si nous refusions d’être au service de l’industrie alimentaire ?

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Je voudrais faire sortir l’industrie du soda de la médecine du sport !” C’est ce qu’à récemment déclaré Coach Glassman, le fondateur du CrossFit, dans ce qui ressemble à une croisade de CrossFit Inc. contre Coca-Cola ou Gatorade. Il y a quelques jours, CrossFit Journal publiait “Sugar Bombs“, un article expliquant en quoi les “boissons sportives” (“sports drinks“) étaient trop chargées en sucre, et pouvaient affecter la performance sportive et la santé.

Plus largement, ce à quoi s’attaque Glassman est l’intrusion de l’industrie alimentaire, et en particulier des marques comme Coca-Cola ou Pepsi dans le sponsoring d’associations médicales et d’organisations liées à la santé ou au sport. Ainsi, Coca-Cola vient de créer le “Global Energy Balance Network” qui vise à promouvoir un bon équilibre entre l’énergie Capture d’écran 2015-08-19 à 08.45.53dépensée (par l’activité physique) et l’énergie ingérée (par l’alimentation) pour lutter contre l’obésité….

Via son “Beverage Institute for Health and Wellness“, Coca-Cola a également fondé l’initiative “Exercise is Medicine“, dirigée par l’American College of Sports Medicine (ACSM). L’idée, qu’on va retrouver assez souvent, est d’être en meilleure santé par le sport… Comprenons-nous bien : je ne conteste pas l’idée qu’il faille faire du sport – au contraire ! Je voudrais juste mettre en doute l’importance mise par l’industrie alimentaire sur le sport, par rapport à l’alimentation, lorsqu’il est question de surpoids, d’obésité, et plus largement de santé.

La théorie du calorie “in” / calorie “out” est, à ce niveau, particulièrement utile pour l’industrie alimentaire : “vous pouvez continuer à consommer, voire sur-consommer nos produits hyper-caloriques, du moment que vous vous dépensez en suffisance !”. Dans cette optique, le problème de l’obésité serait principalement dû à un manque d’activité physique, pas à une alimentation trop calorique, trop chargée en sucre. En gros, ce n’est pas de la faute de l’industrie alimentaire, c’est de votre faute : vous ne faites pas assez de sport. Heureusement, Coca-Cola va promouvoir le sport… pour lutter contre l’obésité.

Le problème, c’est que pour lutter contre le surpoids, l’alimentation est plus importante que l’activité physique. C’est pourquoi la théorie CrossFit place l’alimentation à la base de sa hiérarchie du développement d’un athlète. L’alimentation est plus importante que la pratique sportive. Sinon, comment expliquer, comme le montrait le documentaire Fed Up, que sur la période 1980-2000, l’inscription dans les clubs de sport a doublé aux Etats-Unis, mais que sur cette même période, le taux d’obésité a également doublé !

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