
Photo : Emmanuel Rosario
Un an après le début de la publication de textes sur la notion d’Empowerment, et ce que j’ai appelé l’ « anti-délégation », voici un texte qui synthétise là où j’en suis actuellement. Durant cette année, j’ai continué à écrire, à lire (surtout) et j’ai essayé de mettre tout cela en pratique, en créant – avec trois autres – notre entreprise, et en vivant de ma passion.
J’ai discuté. Beaucoup. Avec plein de gens. Je n’ai pas su répondre à tout le monde. J’ai eu des contacts avec des maisons d’édition intéressées. Mais je n’en suis pas encore là. Il y a encore beaucoup à écrire.
Ce texte, c’est l’état actuel de ma réflexion sur les mouvements d’Empowerment dans la société actuelle. Et j’ai décidé de l’intituler « la fin de leur monde ». Temps de lecture : 15 minutes (cliquez ici pour la version PDF).
La fin de leur monde, c’est ce que j’essaie de décrire. C’est le sentiment qu’on vit dans un monde de plus en plus absurde. Un monde auquel on n’arrive plus à trouver un sens.
La fin de leur monde, c’est la fin de leurs institutions, auxquelles nous étions censés déléguer de pans entiers de notre existence, mais auxquelles on ne croit plus.
C’est la fin de leur Etat, dont on ne voit plus en quoi il est l’émanation de la souveraineté du peuple, en quoi il nous protège, nous assure l’égalité, l’émancipation, et l’accès aux moyens de subsistance.
C’est la fin de leur économie, de leurs marchés, de leurs échanges mondialisés. C’est la fin de leur système qui fait parcourir des milliers de kilomètres aux tomates qui arrivent dans nos assiettes, les chargeant en substances chimiques nocives pour notre santé, et les appauvrissant en micronutriments utiles à notre alimentation, tandis que notre voisin, producteur local de fruits et légumes, est acculé sous les charges, les règlements, les interdictions, les entraves au développement.
Et tout se mélange lorsqu’on nous dit que « notre » Etat doit sauver leurs banques. C’est le sentiment que c’est notre argent qui est utilisé pour sauver ceux qui ont tout perdu, en jouant avec… notre argent. Ou lorsqu’on nous dit qu’il faut sauver leur industrie, pour sauver nos emplois, même si c’est au détriment de notre planète.
En réalité, c’est la fin de leur emploi, de leur Travail, des carrières qu’ils ont conçues pour nous (à la police, à l’armée, à la fonction publique, à la banque, à l’usine ou dans telle grande entreprise), des emplois stables, de l’épanouissement par le travail, des parcours d’insertion professionnelle pour chercheurs d’emploi. Et c’est la fin de leurs délégations syndicales, à qui on déléguait la défense de nos emplois. C’est la fin de leurs grèves…
C’est la fin de leur école, dans laquelle nous semblons tous perdus : enseignants, élèves, parents. Dans laquelle nous sommes pris entre la nostalgie des uns, dont les rappels à l’ordre et aux valeurs semblent obsolètes, et les volontés de réforme des autres, dont les innovations pédagogiques semblent désuètes. C’est le sentiment que ceux qui ont élaboré les programmes n’ont jamais enseigné dans nos écoles, à nos élèves ou à nos enfants.
Et c’est en vrac, la fin de leur médecine à laquelle on ne sait plus si on peut croire, tant elle paraît éloignée de nos maux, et de nos remèdes, de leurs médias, de leurs élections, de leurs conflits religieux, de leurs administrations.

C’est en vrac le sentiment qu’on manque constamment de temps, qu’on court sans arrêt, sans savoir après quoi ; le sentiment que tout nous échappe ; qu’on nous en demande toujours plus, sans nous en rendre ; qu’on ne sait plus à quoi ou à qui se fier ; c’est le sentiment qu’on n’est plus les « Sujets » de nos vies, lorsqu’on est constamment l’ « objet » des réformes, des sondages, des mesures, et des dispositifs mis en place pour nous. Continue reading La fin de leur monde→