Le phénomène des “jobs à la con” et les voies de sortie…

 

On the Phenomenon of Bullshit Jobs” est un petit pamphlet qui fait actuellement le buzz sur le net. Ce “Phénomène des jobs à la con”, tel que l’a traduit Libération, a déjà été vu par plus de 500.000 personnes, et constitue un bon point de départ pour une série d’articles que je compte publier sur les notions de “travail”, de “salariat” et d’ “Etat”…

Son auteur n’est autre que l’anthropologue, et activiste anarchiste, David Graeber, de la London School of Economics. Graeber est, entre autres, l’auteur de “Fragments of an Anarchist Anthropology“, dans lequel il aborde déjà la question des fondements esclavagistes du salariat et du capitalisme.

Dans cet article récent, Graeber décrit tous ces emplois – souvent de bureau – faits de tâches inutiles et vides de sens. Au cours du 20ème siècle, démontre-t-il, le nombre d’emplois “de production” n’a fait que chuter, grâce ou à cause de l’automatisation… Nous produisons toujours davantage, avec moins de personnes nécessaires, mais sans que cela nous ait, individuellement et collectivement, libéré du temps libre.

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Parution : “Relire les auteurs des années 60 ?”, Politique. Revue de Débats.

PolitiqueLa revue “Politique. Revue de Débats” publie, dans sa rubrique en ligne “Zone Libre”, mon article intitulé “Relire les auteurs des années 60 ?“. 

Cet article est une synthèse, un peu retravaillée, de deux articles publiés sur ce blog :

Extrait :

Qu’avons-nous fait des auteurs critiques des années 60 ? De Marcuse, de Debord, de Fanon, pour ne citer qu’eux… Alors qu’émerge une critique nouvelle à la fois de la société de consommation et des instances étatiques et supra-étatiques, sous les formes variées de préoccupations écologiques, de développement durable, de décroissance, de simplicité volontaire, de revendications sur les conditions de travail, des “Indignés”, de mouvements citoyens, des printemps arabes, érables, etc., les auteurs qui avaient mené cette critique dans les années 60 semblent être passés à la trappe. Et avec eux, des concepts plus généraux de “libération”, d'”aliénation”, d’”émancipation”, et la volonté d’œuvrer à la naissance d’ “hommes nouveaux”, émancipés et maîtres de leur destinée sociale.

(…)

A l’heure actuelle, l’un des enjeux est peut-être de retrouver une pensée qui unifierait dans un même mouvement – dans une même critique – les aspirations sociales à une économie plus juste, moins destructrice, moins consommatrice de ressources, et les aspirations individuelles à un emploi plus épanouissant, un mode de vie moins stressant, à un État plus au service des gens et moins au service du Capital.

Voilà qui pourrait constituer de nouveaux espaces de prise de position, de nouveaux angles, dans le champ de l’action politique et citoyenne, et du projet de constitution d’une nouvelle société dans laquelle l’Homme pourra s’émanciper en reprenant en main son parcours professionnel et scolaire, son temps et ses modalités de travail, ses choix affectifs, relationnels, politiques et culturels, sa santé, son corps et sa destinée sociale toute entière.

Lire tout l’article sur le site de la revue “Politique. Revue de Débats”…

Relire Frantz Fanon aujourd’hui. Sommes-nous sortis de la situation coloniale ?

Fanon

Ca fait maintenant quelques temps que je relis quelques classiques des années ’60. J’avais commencé avec Debord et Marcuse, et je poursuis avec Frantz Fanon, et son célèbre ouvrage “Les Damnés de la terre“.

Comme avec Debord et Marcuse, j’ai l’impression que la lecture, à l’heure actuelle, de ces classiques de la pensée contestatrice, apporte un peu de vent frais aux débats actuels. J’avoue avoir l’impression que les penseurs actuels tournent un peu en rond, avec les outils qu’ils nous proposent pour comprendre le monde présent. De débats télévisés en éditoriaux, de best-sellers en sorties médiatiques, leurs analyses non seulement manquent de prises avec le réel vécu, mais semblent incapables de susciter une mobilisation qui pourrait amener au changement social…

Damnés de la terreBien entendu, un ouvrage qui a plus de 40 ans n’apporte pas de nouvelles réponses aux questions qu’on se pose actuellement à propos du monde social. Il permet par contre de se poser des questions différemment, d’où l’impression de vent frais. Il est évident que Fanon ne peut apporter de réponses à des situations (émeutes en banlieue, etc.) qu’il n’a pas connues, mais ce qu’il écrit sur la situation coloniale peut amener à ses poser – ou se reposer – des questions sur certaines réalités actuelles.

Ce qui m’intéresse particulièrement – et j’avoue que c’est une lecture parcellaire de Fanon – est qu’il décrit le processus par lequel le colonisé reprend le contrôle de son Etre par le processus de libération nationale. “La ‘chose’ colonisée, dit Fanon, devient homme dans le processus même par lequel il se libère” (p.40)*. A partir du moment où l’on décide de reprendre le contrôle de sa destinée sociale, on se libère. C’est précisément un processus d’Empowerment que décrit Fanon. Continue reading Relire Frantz Fanon aujourd’hui. Sommes-nous sortis de la situation coloniale ?

“Don’t Panik” de Médine et Pascal Boniface

medine&boniface

progressiste /pʁɔ.ɡʁɛ.sist/ : Partisan du progrès, d’une modification de la société par des réformes ou la révolution. Larousse : “Aux États-Unis, s’est dit d’un mouvement réformateur combattant les excès de la société industrielle et l’injustice sociale.”

J’aime bien les gens qui sortent du cadre, qui ne se complaisent pas dans les rôles et les discours qu’on attend d’eux. Je savais que c’était le cas de Médine; je connaissais moins Pascal Boniface, directeur de l’Institut de recherches internationales et stratégiques (IRIS).

medine&bonifaceLivreDon’t Panik” est le dialogue entre deux univers, le hip-hop et la recherche. Entre deux personnalités qui ne veulent pas s’enfermer dans leur univers respectif. Et qui témoignent d’une grande ouverture.

L’un comme l’autre tentent d’adopter un point de vue universaliste sur tout un ensemble d’enjeux – en particuliers ceux qui touchent aux particularismes : la religion, l’identité, le racisme, etc. Qu’est-ce que ça signifie d’être Français et musulman, en France aujourd’hui ? En question de fond : a-t-on besoin de hiérarchiser nos identités ? Comment les jeunes musulmans se définissent-ils ? Comment “la société”, les médias, les définissent-ils ? Et comment répondre à la stratégie de la peur à l’égard des musulmans instaurées par certains médias et partis politiques ?

Ce dialogue entre Médine et Pascal Boniface représente un point de vue original et intéressant sur ces enjeux identitaires et sociétaux. Une telle “fraternité” (Pascal Boniface rappelle que le principe de “Fraternité” est souvent oublié derrière ceux de “Liberté” et d'”Egalité”…) est assez rare dans les médias pour que ça vaille la peine de jeter un coup d’oeil dans ce livre !

J’m’enfermerai pas non plus dans l’image du muslim réac’” (Médine, Biopic)

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Relire Marcuse et Debord aujourd’hui…

marcuse

Sérendipité /se.ʁɑ̃.di.pi.te/ féminin : le fait de trouver quelque chose par hasard. Le terme provient d’un conte traditionnel persan “Les Trois Princes de Serendip” de Horace Walpole (1754) dans lequel les héros étaient tout le temps en train de trouver par accident ce qu’ils ne recherchaient pas.

Robert K. Merton, dans “The Travels and Adventures of Serendipity: A Study in Sociological Semantics and the Sociology of Science“, précise que la sérendipité est “l’observation surprenante suivie d’une induction correcte“.

J’ai toujours eu l’impression que la sérendipité pouvait rejoindre une sorte d’instincto-thérapie dans nos choix de lecture. On se laisse guider par des choix de livres qui ont souvent un intérêt intellectuel, sur le moment même, comme si intellectuellement, on savait qu’on avait besoin de ça maintenant.

C’est comme ça que tout dernièrement, ma main s’est posée sur deux ouvrages que j’ai dans ma bibliothèque depuis plus de 10 ans : “La Société du Spectacle” (1967), de Guy Debord, et “Vers la Libération” (1969) d’Herbert Marcuse

Qui lit encore ces deux auteurs actuellement ?

… Et pourtant ! La relecture de ces deux auteurs pourrait susciter de nouvelles questions, à l’aune de la société actuelle. Et surtout susciter de nouvelles prises de position dans le champ actuel de la contestation… Continue reading Relire Marcuse et Debord aujourd’hui…

New Books !

booksDécembre2012

Ferris, Timothy. 2012. The 4-Hour Chef : The Simple Path to Cooking Like a Pro, Learning Anything, and Living the Good Life, New York : New Harvest.

Sanfilippo, Diane. 2012. Practical Paleo : A Customized Approach to Health and a Whole-Foods Lifestyle, Victory Belt Publishing.

MacKenzie, Brian. 2012. Power, Speed, Endurance : A Skill-Based Approach to Endurance Training, Victory Belt Publishing.

Fanon, Frantz. 2002. Les damnés de la terre, Paris : La Découverte.

Equiano, Olaudah. 2012. Ma véridique histoire : Africain, esclave en Amérique, homme libre, Paris : L’Harmattan.

 

Campagne politique et réseaux sociaux

Le hasard des découvertes sur les réseaux sociaux fait que je découvre aujourd’hui, à la fois le groupe Facebook “Communales / Provinciales 2012 : le meilleur du pire“, recensant les pires photos et vidéos de celles et ceux qui se présentent aux prochaines élections en Belgique, et, de l’autre côté, ce Tweet et cette photo d’Obama, répondant aux critiques qui lui étaient adressées. 

Le jour. La nuit. Au niveau de l’utilisation des réseaux sociaux et de la gestion de l’image. Et on comprend qu’Obama soit décrit comme le “premier Président ‘Digital’ au monde“. Fast Company publie un article intéressant sur les points forts de la campagne digitale de l’équipe d’Obama :

  1. Un travail d’équipe, au sein duquel il faut compter la présence de Michelle Obama sur Twitter (1,5 millions de “followers”).
  2. La volonté de toucher les “Influencers” et les “Early adopters”. Alors que Romney “achète” des “Trending Topics” sur Twitter, l’équipe d’Obama arrive à faire en sorte que les propos d’Obama deviennent, de manière organique, un “Trending Topic”. Plus naturel…
  3. Une bonne utilisation des photos, dont celle ci-dessus est un excellent exemple : c’est classe, un peu taquin, très hip-hop dans l’attitude,  et on comprend le message en une seconde, “Ce siège n’est pas à prendre“, face à ceux qui disaient qu’ils n’occupaient pas son poste de Président… Une photo vaut 1000 mots. Selon une étude, 44% des répondants rentreront plus facilement en relation avec une marque si celle-ci poste des photos…
  4. La perception de la campagne digitale comme un marathon, c’est-à-dire sur le long terme. Même durant les moments creux de la campagne, Obama produit beaucoup plus de Tweets et de blog posts que Romney. L’équipe d’Obama a bien compris qu’une manière de créer la dynamique est d’amener les citoyens à s’engager dans des conversations.
  5. Une compréhension claire que l’Internet est maintenant mobile. Et c’est peut-être ce qui a le plus changé depuis la dernière campagne, où ni les tablettes, ni les smartphones n’avaient le poids actuel.

Ce n’est pas simplement de la communication politique, c’est du Personal Branding. Et on ne construit pas son image médiatique et digitale en une affiche, ou une vidéo. C’est une somme de publications sur les réseaux sociaux, qui sont autant d’interactions avec des électeurs (ou des consommateurs… ou des élèves dans d’autres situations).