Les “Devoirs” de Cicéron (3) : Justice, courage et bonne foi

Poursuivons avec cette petite série basée sur le texte de Cicéron : Les Devoirs [De Officiis] !

Pour rappel, les deux premiers textes portaient sur :

  1. Le concept de “phronèsis” : la connaissance doit permettre de prendre de bonnes décisions.
  2. L’idée que la vertu réside dans l’action.

La première division des “devoirs” concernait donc la connaissance de la vérité, qui devait être tournée vers l’action. La deuxième division est celle qui “maintient le lien social entre les hommes et, pour ainsi dire, la communauté de vie“.

Et ce “maintien de la communauté de vie” prime sur le reste :

[#158] tout devoir qui tend à sauvegarder les liens entre les hommes, et la société, doit être mis au-dessus du devoir qui consiste dans la connaissance et la science.

[#155] D’où l’on comprend qu’aux études et aux devoirs de la science, il faille préférer les devoirs de la justice: ils concernent l’intérêt de l’homme et rien à l’homme ne doit être plus cher.

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Les “Devoirs” de Cicéron (2) : La vertu réside dans l’action

Poursuivons dans cette série de petits articles sur Cicéron et son Traité des devoirs [De Officiis].

L’article précédent montrait que Cicéron mettait l’accent sur une forme de connaissance, “phronèsis“, orientée vers l’action, et en particulier vers des actions justes et profitables pour tout le monde.

C’est qu’en fait, chez Cicéron, aucune des vertus de la beauté morale ne renvoie à de la connaissance pure. Il est toujours question d’action.

Extraits :

[#153] la connaissance et la contemplation de la nature seraient en quelque sorte mutilées et inachevées s’il n’en résultait aucune action réelle; or cette action se voit surtout dans la sauvegarde des intérêts humains; elle concerne donc la société du genre humain; elle est par conséquent à placer au-dessus de la connaissance.

[#15] cette espèce de la beauté morale qui réclame une action et non pas seulement la réflexion de l’esprit.

Cicéron rajoute encore 2 précisions : Continue reading Les “Devoirs” de Cicéron (2) : La vertu réside dans l’action

“Les Devoirs” de Cicéron (1) : Le concept de “Phronèsis”

Voilà quelque chose que j’avais envie de faire depuis un petit temps : publier une série d’articles courts basés sur des extraits d’un de mes textes préférés : Le “Traité des Devoirs” [De officiis] de Cicéron… Ok, ça paraît chiant / intello, mais je vous jure que ce texte ne l’est pas du tout !! Je trouve ce texte très sensé, et surtout d’une universalité qu’on trouve assez rarement, c’est-à-dire que la manière avec laquelle il aborde les choses permet au texte de rester très actuel.

Il y a 7 ou 8 points que j’aimerais mettre en avant. Pour chacun de ces points, j’essaierai de faire le lien avec quelques questions actuelles. Et j’essaierai, via les réseaux sociaux (ma page Facebook & mon compte Twitter) de faire réagir quelques personnes d’intérêt.

Toutes les citations proviennent de la version du texte que j’ai en ma possession : Cicéron, Les Devoirs, Livre I, Paris : Editions “Les Belles Lettres”, 1965.

Premier extrait à propos de la “Phronèsis”… vous ne savez pas ce que c’est ? Et bien, c’est bien ça le problème !! Voilà un concept qu’on a tout à fait perdu ! Et pourtant…

Extrait de Cicéron :

La première de toutes les vertus est cette sagesse que les Grecs appellent σοφία (“sophia”).  Sous le nom (…) de prudence que les Grecs appellent φρόνησις (“Phronesis“), nous entendons une autre vertu qui est la science des choses à rechercher et des choses à éviter.

Explication :

Voilà une nuance qui semble tout à fait s’être perdue : la meilleure traduction de phronèsis est probablement la “sagesse pratique“, voire la “prudence dans la prise de décision”.

Quelques siècles avant Cicéron, Aristote avait déjà fait de la phronèsis, une de ses vertus intellectuelles (dans l’Ethique à Nicomaque) : “Ce qui caractérise l’homme prudent, c’est la faculté de délibérer avec succès sur les choses qui lui sont bonnes et avantageuses (…) qui peuvent contribuer, en général, au bonheur de sa vie.

Aristote rajoute : “Voilà pourquoi nous regardons Périclès et ceux qui lui ressemblent, comme des hommes prudents, parce qu’ils sont en état de voir ce qui est bon et avantageux pour eux-mêmes et pour les autres; et nous les croyons capables de diriger avec succès les affaires d’une famille, et celles d’un état“.(1)

Ce qui est vraiment intéressant, à mon sens, c’est que la notion de phronèsis ne rentre pas dans l’opposition classique – et qui à mon sens n’a aucun sens – entre science fondamentale et science appliquée. La phronèsis représente un troisième terme. Aristote distinguait effectivement (2): Continue reading “Les Devoirs” de Cicéron (1) : Le concept de “Phronèsis”

On ne nous fera plus avaler n’importe quoi ! (Conférence)

Un IMMENSE MERCI à toutes celles et ceux qui ont venus à la conférence du 15 septembre à CrossFit Nivelles ! Vous étiez plus d’une centaine !!

C’était la première fois que je mettais, sous forme de conférence, tout ce que j’ai écrit ces dernières années sur l’alimentation naturelle et sur la reprise en main de sa santé (#Onnenousferaplusavalernimportequoi) et je me dis déjà qu’il y a plein de chose que j’ai oublié de dire, ou que je devrais modifier !
Merci en tout cas pour votre attention !!

Le Facebook Live ne donne pas très bien à cause du manque de luminosité, on le sait pour la prochaine fois, et je vais essayer de produire une autre vidéo : https://www.facebook.com/CrossFitNivelles/videos/1671105082930786/

Merci également au chef Dany Lombart pour les délicieux plats qu’il nous a fait parvenir ! C’est cela que vous retrouverez dans les plats O-Food en préparation !!

Envie d’accueillir cette conférence sur l’alimentation ? Discutons-en : yvespatte@gmail.com

Comment la résumer en une phrase ? : “Ce qui se fait en dépit de la nature ne sied jamais bien” (Cicéron).

… D’où la nécessité de définir ce qui caractérise notre nature, et donc l’alimentation qui nous sied le mieux. Au delà de toutes les tendances/modes sur l’alimentation, mon but est de définir ce qu’est “une alimentation la plus naturelle possible”.

Parution : Néo Santé, n°70, septembre 2017

Nouvelle parution : “Equilibrer le microbiote intestinal”, Néo Santé, n°70, septembre 2017, p. 24.
Deuxième volet sur le rôle fondamental de ces milliards de bactéries qui peuplent notre corps, formant pratiquement un organe à part entière, de 1,5 kg ! Nous vivons en symbiose avec ces bactéries. Nous vivons dans la Nature, mais une partie de la Nature vit en nous, au sens le plus concret de l’expression. Le problème est que notre alimentation industrielle détruit ce microbiote. Cet article présente des recherches sur le microbiote de différents peuples africains, dont les chasseurs-cueilleurs Hadza.

Deux infos pour aller plus loin :

  • Préparation d’un livre avec Marc Bégoud, de Super7.fr, sur l’alimentation paléo !
  • Ma conférence du 15 septembre, à CrossFit Nivelles, intitulée “On ne nous fera plus avaler n’importe quoi !”. Inscrivez-vous à l’événement Facebook !

11 conseils pour être productif quand on écrit

Picture @ Ryan Morse

Blogueuse ou blogueur, auteur ou autrice, chercheur ou chercheuse, si l’écriture fait partie de vos activités, vous connaissez peut-être ces moments où vous avez plein d’idées… et ces moments où rien ne vient…

Je parle de l’écriture, parce que c’est ce que je connais le mieux, mais cela vaut probablement pour toute activité créative. Le fait est qu’on ne peut pas décider QUAND on a une idée.

Et c’est probablement ce qui distingue le plus de telles activités créatives, basées sur des moments d’inspiration, d’autres activités professionnelles : je peux décider quand je vais envoyer un e-mail, quand je vais faire mes factures, quand je vais lire tel rapport ; je ne peux pas décider quand j’aurai une idée d’article.

Pour autant, est-ce qu’il y a moyen de créer les conditions qui favorisent l’émergence d’idées ? Ces dernières années, j’ai essayé de tracker ces conditions, c’est-à-dire ces modes d’organisation, de gestion des tâches et d’horaire, qui permettent de favoriser l’apparition d’idées nouvelles, et leur transformation en textes.

Ca vaut pour moi, et je ne peux en rien assurer que ça vaille pour tout le monde. Néanmoins, j’ai retrouvé certains de ces éléments chez d’autres auteurs, ou chez celles et ceux qui ont également réfléchi aux processus créatifs.

1. Ne pas être submergé de boulot

Comme l’explique très bien Tim Ferriss, dans un article sur le “Deload” (phase où on se décharge de certaines choses), les idées émergent rarement dans les journées / périodes rythmées par des “Zut ! J’ai oublié d’envoyer ce mail !“, “Il faut absolument que je réponde à untel !“, “Il faut que je me rappelle de…“, etc.

On n’est jamais aussi productif que lorsqu’on n’a pas l’esprit (pré-)occupé par 10.000 petites tâches à faire.

J’ai, en particulier, remarqué que, lorsqu’on a des tâches en suspens, le cerveau tourne un peu en boucle en revenant dessus. C’est l’effet Zeigarnik : le cerveau se rappelle plus facilement une tâche incomplète qu’une tâche complétée. Donc, avoir une longue liste de mails “hyper urgents” auxquels vous devez répondre depuis 5 jours, n’aide pas à l’émergence de nouvelles idées. Cette liste de mails virevolte dans votre esprit et ne vous permet pas d’avoir toute la liberté de penser à autre chose. Ou, autre image : vous trainez cette longue liste comme un boulet qui vous empêche d’avancer à pleine vitesse.

Mon conseil : Compléter un maximum de tâches qui sont en suspens… ou rayez-les de la liste. Une tâche qu’on a reportée durant des jours et des jours n’était peut-être pas vitale. En fait, ça rejoint une idée de Taleb que j’aime beaucoup : il y a un genre d’instinct à la procrastination. On sait instinctivement ce qu’on peut reporter et ce qu’on doit faire immédiatement. Ainsi, si vous êtes poursuivis par un ours, vous n’allez pas procrastiner la fuite. Ce qu’on reporte continuellement n’est généralement pas vital.

2. Avoir beaucoup de temps devant soi

C’est quelque chose qui est très bien expliqué, dans un article de Paul Graham, intitulé : “Maker’s Schedule, Manager’s Schedule“. L’auteur explique qu’il y a deux types d’organisation du temps, dépendants des tâches qu’on a à effectuer.

  • D’un côté, l’horaire du type “manager” : des intervalles d’une heure, par exemple, dans la journée, chaque intervalle étant consacré à une tâche spécifique : une réunion, un rendez-vous, une tâche administrative ou comptable, etc. Rajouter une tâche est alors juste un problème pratique : trouver un créneau libre dans l’agenda et y fixer la tâche.
  • D’un autre côté, l’horaire des “makers”. L’auteur parle des programmeurs, mais ça vaut tout à fait pour des écrivains, blogueurs, etc. Il est très difficile de bien écrire, ou de coder, lorsqu’on sait qu’on n’a qu’une heure devant soi. En fait, une heure représente parfois juste le temps pour bien se mettre dans la tâche.

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Brève réflexion sur la contamination des oeufs et le rôle de l’AFSCA

Illustration : Les Humeurs d’Oli

Dans un article de L’Echo, Philippe Baret, professeur à la faculté des bio ingénieurs de l’UCL explique : “L’Afsca (…) va avoir tendance à venir contrôler un petit producteur et à faire confiance a priori aux acteurs historiques de l’agro-industrie.

De fait :

  • l’AFSCA déverse du détergent sur des tartes faites par les habitants d’un village lors d’une fête locale… parce qu’il y a “de la poussière et des araignées”.
  • l’AFSCA fait couper une haie d’aubépines quasi centenaire pour “un risque potentiel de feu bactérien pour les vergers voisins”.
  • l’AFSCA fait interdire l’utilisation de petits fruits sauvages par une maraichère bio, parce qu’ils ne sont pas “traçables”.
  • l’AFSCA fait fermer un frigo solidaire à Namur.
  • l’AFSCA interdit à des cuisiniers de boire de l’eau en cuisine en pleine canicule.

… Mais l’AFSCA ferme les yeux sur la contamination au Fipronil, un insecticide interdit !

Observation #1 : La meilleure manière de diminuer les risques alimentaires est de favoriser une alimentation décentralisée, locale, bio, à petite échelle et ancestrale.
-> Fournir des oeufs à 100 personnes génère moins de risques que de fournir des oeufs à 100.000 personnes.
-> On a survécu des millions d’années avec des araignées, de la poussière, et des fruits non-traçables. On connaît par contre peu l’impact du Fibronil sur la santé à long terme.
-> l’AFSCA favorise le modèle alimentaire le plus risqué.

Observation #2 : l’AFSCA fait partie de ces institutions “iatrogènes”. En voulant éliminer tout risque alimentaire à coups de réglementation, l’institution favorise les grosses industries qui ont les moyens financiers et humains de répondre à toutes ces réglementations, alors même que ces grosses industries vendent majoritairement des produits de moins bonne qualité nutritionnelle, lorsqu’ils ne sont pas carrément néfastes pour la santé, et à la base de tout un ensemble de troubles de santé hautement plus dangereux : diabète, hyperinsulinémie, hypertension, athérosclérose, inflammation chronique, certaines formes de cancer, etc. Au final, Mac Do et Coca-Cola ont beaucoup moins de chances d’être pénalisés par l’AFSCA qu’un petit maraîcher bio.

La solution n’est pas dans un changement de fonctionnement de l’AFSCA. La solution est dans un nouveau modèle de société.

Article de L’Echo : http://www.lecho.be/dossier/choixredac/Philippe-Baret-UCL-L-Afsca-se-cache-derriere-ses-controles/9921482

Un lien : le groupe Facebook Protégeons nos produits artisanaux de l’AFSCA

Cherche co-rédacteur / éditeur pour une ouvrage sur l’alimentation paléolithique

Ca fait pas mal de temps que je me dis que je devrais rassembler tous les articles que j’ai publiés ces dernières années dans la rubrique Paléo Nutrition de la revue Néo Santé. Le premier date déjà de 2011 ! En tout, ça fait une soixantaine d’articles (liste ici) !

Mais je manque de temps pour me replonger dans toutes ces pages, et structurer un ouvrage cohérent. Alors, je me dis que je pourrais collaborer avec une autre personne, dont la tâche serait de se plonger dans cette grosse centaine de pages (60 articles de 2 pages A4, police 12), couper tout ce qui est inutile ou redondant, et trouver une manière de structurer tous ces articles.

Le but est d’arriver à une centaine de pages, voire 120, en format “Livre”.

Au niveau éditorial, l’idée est de mettre l’accent sur une approche globale de la santé, basée sur l’évolution, et donc forcément sur la plus longue période de notre évolution : la période paléolithique. C’est au final vers ça que je vais dans l’ensemble de ces articles : l’évolution a fait de notre corps un organisme complexe très performant pour survivre. Une approche simple et très cohérente de la santé est donc simplement de privilégier une alimentation – et plus largement un mode de vie – qui permette à notre corps de fonctionner comme il est censé fonctionner. Ca paraît bateau, mais c’est extrêmement fort – et pratico-pratique – comme approche.

Ce n’est donc ni un livre de recettes paléo (il en existe déjà plein !), ni une méthode pour perdre du poids (même si manger sainement ne peut qu’amener à perdre la masse grasse qui serait excédentaire).

Donc, je cherche un homme / une femme qui :

  • Est intéressé.e par le sujet (primordial !)
  • A une certaine connaissance de la santé, de la médecine, etc. (pas besoin d’être médecin, mais comprendre le fonctionnement du corps et être capable de lire des articles sur Pubmed serait un réel atout !)
  • A une certaine connaissance de l’édition (en soi les articles sont écrits, et je me charge de ce qu’il faudrait rajouter au niveau rédactionnel).
  • A une grosse capacité de synthèse, pour être capable d’identifier ce qu’il faut garder et ce qu’il faut couper.
  • Est sympa (parce que c’est plus gai pour bosser) 🙂

J’offre :

  • La possibilité d’être co-auteur.e d’un livre sur l’alimentation paléo.
  • Une pourcentage sur les ventes par la suite, à fixer selon une convention.

(Pour l’instant, je n’ai pas d’accord avec le moindre éditeur. On peut imaginer qu’au fur et à mesure du travail, un éditeur nous fasse une offre, et qu’on renégocie les bénéfices de chacun. Cela peut être noté dans la convention de départ).

Intéressé.e ?

Envoyez-moi un petit mail (yvespatte@gmail.com) expliquant qui vous êtes, quelle est votre expérience et à quel point vous êtes motivé.e !

Si vous avez déjà édité ou publié quelque chose, mentionnez-le !

C’est évidemment plus pratique si vous vivez en Belgique et qu’on peut se voir pour en discuter autour d’un verre, mais ce n’est pas une obligation, les moyens de communication actuels permettent de trouver la bonne personne même si elle habite loin !

Brève réflexion sur le renouvellement de la classe politique (à partir de l’Ostracisme de la démocratie athénienne)

Nos ancêtres grecs ont inventé une démocratie beaucoup plus complexe que celle que nous connaissons aujourd’hui. En aucune manière, nos Etats bureaucratiques ne témoignent de la finesse des procédures antiques.

Ainsi existait la procédure d’OSTRACISME (ἐξοστρακίζω) : une fois par an, le peuple était invité à décider s’il fallait écarter pour 10 ans, un dirigeant dont on craignait les ambitions. Il s’agissait de diminuer “une autorité trop fière d’elle-même”, “une puissance dont le poids était trop lourd” (Plutarque, “La Vie d’Aristide“). Aristote, dans “La Constitution d’Athènes“, décrira cette procédure comme étant “contre les chefs de parti trop puissants“.

En somme, il s’agissait d’une élection à l’envers : au lieu d’élire de nouveaux dirigeants, on votait pour écarter les dirigeants qui semblaient trop guidés par des intérêts personnels. Ca ne visait donc pas des illégalités commises mais plutôt des prétentions (réelles ou supposées). La Grèce antique avait donc prévu un mécanisme pour écarter ceux qui, bien que restant dans la légalité, étaient les auteurs d’actes peu éthiques, ou contraire à l’intérêt général.

Cette procédure avait lieu chaque année entre janvier et mars, au moment où les paysans venaient à Athènes pour vendre leurs produits (huile, blé, vin), afin de s’assurer qu’un maximum de personnes puissent voter. C’est d’ailleurs l’une des seules procédures qui ne passait pas par la Boulè, l’assemblée restreinte de citoyens chargés des lois de la cité, l’équivalent d’un Sénat actuel. C’était vraiment une décision du peuple.

Elle se déroulait en 2 temps : 1. L’épicheirotonie (dont le sens rejoint “à main levée”) : un vote en silence, sans débat, juste pour savoir s’il y avait lieu de condamner quelqu’un à l’ostracisme, sans citer de nom. 2. L’ostrachoporie : le vote définitif, dont la procédure consistait à écrire le nom de la personne à “ostraciser” sur des tessons ou des disques en céramique (photo ci-dessus) rappelant des coquilles d’huître (d’où l’origine du mot : “ostrakon”, coquille d’huître).

Il fallait 6000 votes pour que l’ostracisme soit décrété (soit 50% de la population des citoyens athéniens à l’époque).

L’ostracisme n’était qu’un éloignement temporaire (contrairement à l’exil définitif) : le dirigeant exclu restait un citoyen, et ne perdait pas ses biens. Il pouvait revenir à l’issue de sa période d’écartement. Il n’y avait rien d’irréparable.

Je vous laisse le soin d’imaginer l’intérêt actuel d’une procédure pour écarter du pouvoir durant 10 ans, les dirigeants trop assoiffés de puissance, ou trop guidés par leur intérêt personnel, même s’ils n’ont rien commis d’illégal au sens strict…

… l’intérêt aussi de pouvoir voter, une fois par an, pour retirer certains du pouvoir, lorsqu’ils s’y sont trop installés (“via négativa”), plutôt que de devoir attendre tous les 4 ou 5 ans pour uniquement faire accéder certains au pouvoir (“via positiva”)…

… l’intelligence, enfin, de laisser une telle procédure de destitution au peuple, et non aux élus, qui seraient amenés à se destituer les uns, les autres (ce qui amènerait au moins 2 risques : de basses stratégies, ou au contraire, une espèce d’inertie : aucun élu n’en destituant un autre, de peur d’être ensuite lui-même victime d’une telle destitution)…

Parution : carte blanche dans La Libre Belgique

Nous, citoyens, en sommes là. Entre le sentiment d’impuissance, porté par les politiques eux-mêmes, et la tentation de la toute-puissance, portée par les populismes nationalistes.

Le 12 juin dernier, le président Trump mettait en scène sa toute-puissance, lors d’une réunion de cabinet surréaliste, où, l’un après l’autre, ses ministres et conseillers vantaient les mérites du chef. Quel honneur et privilège, pour eux, de travailler pour un si grand homme ! Tout cela en présence des caméras et journalistes. Belle mise en scène de la toute-puissance de celui qui veut rendre l’Amérique “great again”. Mais comment la comprendre ?

N’est-ce pas le retour de bâton d’un monde politique qui, trop souvent, met en scène sa propre impuissance ? A Ottignies-Louvain-la-Neuve, la consultation populaire a montré que 80 % des habitants qui ont participé au vote sont contre l’extension du centre commercial L’Esplanade. Mais la commune leur rappelle qu’elle n’a pas le pouvoir de stopper le projet, qu’elle est liée à des engagements antérieurs et que la décision revient à la Région.

Autre dossier ? Ores et les intercommunales : les communes n’avaient pas la capacité de négocier plus avantageusement le rachat des parts d’Electrabel, à cause de deals fixés avant, ailleurs (le fameux “droit de PUT”), auxquels elles étaient tenues. Et on pourrait reparler de Belfius, d’Arcelor Mittal, de Caterpillar…

Sauvetage des banques, politique industrielle, projets urbanistiques, transition énergétique, protection de l’emploi, accords internationaux, quel que soit le domaine, très souvent, le discours du politique est “on ne peut rien y faire”, “nous sommes pieds et poings liés avec ………………………………….” (remplissez les pointillés : “des décisions prises avant”, “des décisions prises ailleurs”, “des réglementations”, “des intérêts privés”, etc.).

… Lire la suite sur le site de La Libre Belgique !