Les caractéristiques communes à toutes les démocraties, selon Aristote

Dans le livre VI, chap. 2, des “Politiques”*, Aristote (384 av. JC. – 322 av. JC.) décrit : 

  • I. Le principe de la démocratie, 
  • II. Les caractéristiques communes à toutes les démocraties…

I. “Le PRINCIPE de base de la constitution démocratique, c’est la liberté. (…) Et l’une des formes de la liberté, c’est d’être tour à tour gouverné et gouvernant.”

La liberté en démocratie est donc fondée, pour Aristote, sur ce qu’il appelle “l’égalité numérique” : “il faut que chaque citoyen ait une part égale” (comprenez : une part égale du pouvoir). 

II. Sur cette base, il décrit les CARACTÉRISTIQUES communes à toutes les démocraties :

1/ Choix de tous les magistrats parmi tous les citoyens.

2/ Gouvernement de chacun par tous et de tous par chacun à tour de rôle.

3/ Tirage au sort des magistratures, soit de toutes, soit de toutes celles qui ne demandent ni expérience ni savoir. Continue reading Les caractéristiques communes à toutes les démocraties, selon Aristote

Brève réflexion : S’il fallait n’avoir qu’un seul objectif…

En cette période où on parle beaucoup de l’extrême-droite, du populisme, du totalitarisme, je voudrais expliquer quelque chose…

J’ai une partie de ma famille qui vit en Pologne (ma grand-mère était polonaise), et ça m’a permis, à deux reprises, de visiter Auschwitz. Je ne veux pas dire “la chance” de visiter Auschwitz, parce que ça me semblerait très mal approprié, mais ces deux visites m’ont vraiment marqué. Ca fait certainement partie des choses qui m’ont le plus marqué dans ma vie.

La première fois, j’avais 18 ans. Et je me rappelle très clairement que je m’étais fait cette réflexion : s’il y a un jour un parti politique qui se présente, et qui dit : “Nous n’avons pas de programme ‘a priori’ (pas d’idéologie toute faite). Nous n’avons qu’un seul but : que PLUS JAMAIS on n’arrive à quelque chose comme la Shoah”, je voterai pour ce parti.

Et depuis mes 18 ans (j’en ai 40), je me répète ça : il faudrait un parti qui, dans chaque domaine, observerait (étudierait, analyserait) ce qu’il faudrait faire pour que PLUS JAMAIS une partie de la population ait la volonté ET les moyens d’exterminer une autre partie de la population.

Donc :

  • Que faut-il faire en matière d’enseignement pour que plus jamais une partie de la population ait la volonté et les moyens d’exterminer une autre partie de la population ?
  • Quel type d’économie faut-il promouvoir pour que plus jamais une partie de la population ait la volonté et les moyens d’exterminer une autre partie de la population ?
  • Quel système politique faut-il mettre en place pour que plus jamais une partie de la population ait la volonté et les moyens d’exterminer une autre partie de la population
  • Quelle politique migratoire faut-il mettre en place pour que plus jamais une partie de la population ait la volonté et les moyens d’exterminer une autre partie de la population ?
  • Comment faut-il organiser la Justice pour que plus jamais une partie de la population ait la volonté et les moyens d’exterminer une autre partie de la population ?
  • Etc… (vous avez compris le principe).

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Parution de ma carte blanche sur une écologie “humaniste” (La Libre Belgique)

Parution de ma carte blanche sur le site de La Libre Belgique : “Le cœur d’une écologie “authentique” n’est pas la technologie, c’est l’Humain“.

Je ne pense pas qu’il y aura de transition écologique sans que l’Humain puisse être au centre du processus.

Entre les approches “technolâtres” se projetant (à mon sens un peu naïvement) dans le futur et les approches “technophobes” qui ressassent le passé, il y a une voie qui est celle de l’Humanisme, replaçant l’être humain dans son présent, dans les choix que nous pouvons faire ensemble, démocratiquement, ici, localement et maintenant.

Dans ce texte, je réponds à Damien Ernst et Corentin de Salle, et à leur carte blanche parue il y a quelques semaines (à lire ici). 

Je me réfère à 2 grands humanistes, que j’apprécie beaucoup : Claude Levi-Srauss et Karl Popper, et à un localiste : Kirkpatrick Sale. Trois auteurs à lire plus que jamais !

Et vous, vous en pensez quoi ?

(le texte est court, il se lit vite) 😉

Les Grecs ont inventé la démocratie avant de connaître le papier…

Les Grecs ont inventé la démocratie avant de connaître le papier… Et c’est probablement une bonne chose à avoir en tête lorsqu’on réfléchit à la démocratie participative aujourd’hui.

Je m’explique !

Nous sommes actuellement dans une société où l’écrit a énormément d’importance. Notre démocratie, au-delà d’être représentative ou participative, est très bureaucratique. Lorsque des citoyens et citoyennes veulent participer, s’impliquer, s’exprimer sur des enjeux politiques qui les concernent, on les renvoie vite vers le Code de la démocratie locale (247 pages), les 150 circulaires relatives au sujet, les décrets en vigueur, les projets de décret, les décisions du fonctionnaire-délégué, les rapports de telle ou telle commission, si ce n’est pas vers la Constitution ou le Code civil, qui sont des briques monumentales.

Le problème est que beaucoup de mouvements citoyens et participatifs tendent à donner une même importance à l’écrit. Lorsque des citoyens et citoyennes veulent s’y investir, on les renvoie d’abord vers les 12 pages de la Charte, les 150 propositions issues du week-end de réflexion, et les 30 comptes-rendus de réunions des 12 cercles thématiques qui composent l’organigramme du groupe. S’il s’agit d’un parti politique, on peut parfois rajouter les 200 pages du programme.

Ca peut faire peur à celles et ceux qui voudraient s’investir. Et celles et ceux qui vont tenter le coup risquent bien d’être très vite submergés d’e-mails, longs et alourdis de fichiers attachés (comptes-rendus de réunions, etc.). Et ils seront invités à s’inscrire à tout un ensemble d’outils informatiques… pour pouvoir échanger encore davantage de textes : Slack, Trello, Loomio, Drive, Dropbox…

C’est oublier une chose importante : le moment principal de la démocratie, c’est l’Assemblée, et la prise de parole publique, dans cette assemblée. Le moment où la démocratie se fait vraiment, c’est ce moment d’échange, en face à face, dans un même lieu : l’agora. Continue reading Les Grecs ont inventé la démocratie avant de connaître le papier…

Adoption du Nutri-score par la Belgique

“Reprendre en main son alimentation”, c’est refuser de “déléguer” son alimentation (et par là sa santé) aux personnes ou aux instances qui décident, pour nous, ce que nous devrions manger : les géants de l’industrie alimentaire, la grande distribution… et les politiques.

Exemple avec le Nutri-score, initialement mis en place en France en 2016, et adopté par la Belgique le 2 avril 2019.

Ce “score” est censé aider les consommateurs à faire des choix alimentaires plus sains, et par là, à lutter contre les maladies cardiovasculaires, l’obésité et le diabète.

Chaque produit alimentaire se voit attribuer une lettre allant de “A” (aliment à favoriser) à “E” (aliment à limiter).

Très bien… Sauf que des frites surgelées ou du Coca Light se retrouvent avec de très bonnes notes (respectivement “A” et “B”), alors que des filets de maquereaux se voient attribuer un très mauvais “D”.

Comparons 2 repas, pour lesquels j’ai collecté les aliments sur le site de l’enseigne Colruyt, en Belgique.

#1 Repas “Junk Food”, dont on sait que c’est le “meilleur” régime pour développer des maladies cardiovasculaires, du diabète, de l’obésité.

  • Frites surgelées : A
  • Pain Hamburger : B
  • Hamburger : D
  • Coca light : B

 

#2 Repas d’inspiration “méditerranéenne”, dont on sait que c’est un des meilleurs régimes pour diminuer les risques cardiovasculaires et le diabète.

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Le test électoral 2019 RTBF/La Libre Belgique/UCLouvain

Est-ce que certains ou certaines d’entre vous ont fait le “Test électoral 2019” RTBF / La Libre Belgique / UCLouvain, etc. ? Qu’en avez-vous pensé ?

Je vais essayer de synthétiser ce qui, selon moi, pose problème dans ce genre de test…

1) Ce test pourrait laisser penser que l’électeur ou l’électrice construit (ou devrait construire) son choix politique de manière rationnelle, en analysant les programmes politiques, et en se positionnant sur chaque proposition comme étant “d’accord” ou “pas d’accord”.

C’est ce qu’on appelle un “biais scolastique”: ce travail d’analyse est uniquement fait par celles et ceux qui ont le “temps libre”, le “loisir” de le faire: journalistes politiques, politologues, etc. (Scolastique vient de skholế, qui renvoie autant à l’école qu’au temps libre). Continue reading Le test électoral 2019 RTBF/La Libre Belgique/UCLouvain

Le canton de Neuchâtel décide de faire passer toutes ses exploitations agricoles en bio !

[Retour sur une info d’il y a quelques semaines] :

Le canton de Neuchâtel, en Suisse, a décidé de faire passer toutes ses exploitations agricoles en bio !

Article à lire ici…

Déclaration d’un des auteurs de cette motion :

“Au moment où l’impact néfaste des produits phytosanitaires sur la faune, la flore et les humains n’est plus à démontrer, il convient d’agir et l’État doit jouer un rôle modèle dans ce domaine”.

Ce qui est intéressant, c’est que cette démarche part d’en bas (“bottom-up”), puis que ça a démarré l’année passée, avec la ville de Neuchâtel qui, elle seule, avait déjà décidé que toutes ses terres devaient être cultivées en bio. Le Grand conseil cantonal vient donc d’élargir la mesure à tout le canton.

Le canton de Neuchâtel détient plus ou moins 1000 hectares de terres agricoles réparties sur 300 parcelles exploitées par 145 agriculteurs.

Je trouve que ça montre une chose : “relocaliser l’agriculture” – ce dont on parle tout le temps – ce n’est pas juste recréer des exploitations agricoles là où il n’y en a plus, c’est aussi retrouver du POUVOIR DE DECISION sur l’agriculture au niveau LOCAL. On peut décider de choses à un niveau local qu’on ne peut pas décider à un niveau beaucoup plus global.

Le canton de Neuchâtel compte un peu moins de 180.000 habitants. En comparaison avec la Belgique, ça représente donc un niveau de pouvoir entre nos communes et nos provinces. Et c’est un niveau de pouvoir qui a beaucoup plus de pouvoir (donc de compétences) que nos communes et nos provinces. Continue reading Le canton de Neuchâtel décide de faire passer toutes ses exploitations agricoles en bio !

Dans cette image : une révolution copernicienne

On comprend l’importance du moment quand on réalise que Jean-Claude Juncker, président de la Commission européenne, est relégué au 3ème rang, et obligé de se mettre sur la pointe des pieds pour écouter, par la voix d’une enfant, ce que les dirigeants auraient dû faire depuis 20 ans…

Symboliquement, dans cette image, et dans ce discours de Greta Thunberg, on assiste à une véritable révolution copernicienne, à un renversement de notre représentation du monde : entre qui parle et qui écoute, entre qui agit et qui attend, entre qui est responsable et qui est irresponsable, entre qui se comporte comme un.e adulte et qui se comporte comme un.e enfant.

Entre le réalisme de l’action et l’utopie de l’inaction.

Ce qu’elle exprime, c’est ce qu’une part de plus en plus grande de la population exprime depuis… 20 ans (30 ans ?), sous des formes très variées :

  • Il est urgent de repenser notre modèle de société.
  • Si celles et ceux qui dirigent n’agissent pas de manière responsable (entre autres par leur inaction), ce sont les “dirigés” qui doivent reprendre les choses en main.

Sa phrase de conclusion :

“We have decided to take action.
We have started to clean up your mess,
And we will not stop until we are done”.

Cette phrase résume à mon sens TOUS les mouvements sociaux de ces dernières décennies.

S’il faut une phrase pour résumer la notion d’empowerment, c’est celle-là !

Vidéo complète ici : https://youtu.be/CWQPDsHJ0gc

Création d’un organe permanent de la participation citoyenne à Madrid

Le conseil municipal de Madrid vient, ce mardi 29 janvier, de créer l’Observatoire de la ville (El Observatorio de la Ciudad) : un organe permanent de la participation citoyenne !

Cet Observatoire de la Ville sera composé de citoyens et citoyennes tirés au sort. Ceux-ci suivront l’action municipale et formuleront des recommandations, durant un an.

Le dispositif s’inspire de ce qui a été fait au Canada, en Australie, ou en Irlande, par exemple, où avait été créée une commission constitutionnelle composée de 33 responsables politiques et de 66 citoyens et citoyennes tirés au sort. C’est ce processus participatif qui avait, en Irlande, ouvert la porte à une dépénalisation de l’avortement.

A Madrid, il est prévu que les membres de l’Observatoire débattent des sujets qui concernent la ville. Ils peuvent même proposer des consultations sur base de propositions citoyennes via la plateforme de participation “Decide Madrid“.

“Decide Madrid” est une création de la coalition au pouvoir actuellement à Madrid. Cette plateforme d’une part permet aux Madrilènes de proposer, délibérer et voter sur les politiques de la Ville, et d’autre part, assure de la transparence dans le fonctionnement municipal.

C’est mardi prochain, le 5 février, que la Mairie de Madrid procèdera au premier tirage au sort, qui devrait permettre de sélectionner 30.000 foyers. Dans ces foyers, celles et ceux qui accepteront l’invitation participeront à un deuxième tirage au sort, le 12 mars. Ce deuxième tirage au sort tiendra compte des caractéristiques d’âge, de sexe et de répartition géographique.

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Pour poursuivre après l’émission “A votre avis”, sur les mouvements citoyens

Comme je savais que mes interventions seraient très courtes, je m’y étais préparé, et j’ai dit ce que je voulais dire (à 34:11 et 54:46). J’espère que c’était suffisamment clair.

Si vous n’avez pas pu regarder le débat en direct, les liens sont ci-dessous :

Et pour aller plus loin, je voulais rebondir sur quelques éléments liés à la demande actuelle de participation de la part des citoyens (qu’ils soient rassemblés en liste ou pas, d’ailleurs), afin de poursuivre la discussion :

1.

On a très peu parlé du niveau local, c’est pourtant d’abord, et principalement, là que doit s’inscrire la participation des citoyens et citoyennes. Souvent, quand on parle de consulter la population, on s’imagine uniquement consulter “Les Belges”, sur des questions un peu démesurées : les flux migratoires, la scission du pays, la peine de mort. Avant d’en arriver là, il y aurait des milliers d’occasions d’impliquer les citoyens et citoyennes dans la prise de décision, au sein des 589 communes de Belgique, sur des questions comme la revitalisation de leur centre-ville, la préservation du patrimoine, la mobilité qui sera favorisée, la réduction des émissions de gaz à effet de serre, etc.
Il y a déjà des choses qui se font, mais ça reste très rigide et minimaliste. Il y a énormément de choses à faire pour créer une réelle culture de la participation politique, d’abord sur les enjeux qui concernent le plus directement les citoyens et citoyennes.
La démocratie se construit mieux du bas vers le haut.

2.

C’est en favorisant tous ces dispositifs participatifs, en ramenant comme “évident” le fait qu’en démocratie, celles et ceux qui sont directement concernés par un enjeu peuvent prendre part aux décisions, qu’on créera (ou re-créera) de la culture politique. Avoir des cours de la citoyenneté à l’école ne sert pas à grand chose, si une fois qu’on quitte l’école, le rôle de citoyen se limite à aller voter une fois toutes les x années. En fait, c’est un peu comme toutes ces heures passées à utiliser un compas à l’école. Parfois, à 40 ans, on se demande un peu à quoi ça a servi 

La citoyenneté, c’est comme pour tout, il faut la PRATIQUER. “Repolitiser le citoyen”, comme l’a dit Stéphane Michiels (53:43), de Belvox, c’est à mon sens permettre au citoyen de jouer pleinement, et régulièrement, son rôle politique.

Je cite souvent cet exemple : John Stuart Mill (1806 – 1873), grand penseur libéral, faisait tout à fait le lien, dans son célèbre “De la liberté” (1859), entre la participation des individus à la gestion des “affaires communes” et l’éducation. Et pour lui, le fait d’avoir des jurys d’individus dans les “institutions libres et populaires à l’échelon local et municipal” représentait “la partie pratique de l’éducation politique d’un peuple libre”. Continue reading Pour poursuivre après l’émission “A votre avis”, sur les mouvements citoyens