Brève réflexion sur le fait de “recréer du lien” (social)

Beaucoup d’initiatives en transition sont animées par la volonté de “recréer du lien social”. Et c’est évidemment une très bonne chose.

Mais souvent, lorsqu’il s’agit d’expliquer pourquoi on a “perdu” ce lien social, on tombe dans une explication un peu simpliste : “c’est la faute de l’individualisme”. J’ai toujours trouvé que cet “individualisme” ressemblait fort aux “gros concepts” de Gilles Deleuze : des termes qui ont toute l’apparence de l’explication scientifique, mais qui, au lieu d’aider à penser, amènent bien souvent à ne pas penser. “C’est la faute de la société individualiste. Point” Fin de l’explication.

Il y a pourtant des explications plus concrètes et plus pertinentes, à mon sens. Comme par exemple celle-ci*…

👉 Les liens sociaux sont moins fonction du nombre de personnes qu’on rencontre, que du nombre de fois qu’on rencontre chaque personne.

Dit autrement : on crée davantage de lien social en rencontrant 10 fois une personne, qu’en rencontrant une fois 10 personnes. Continue reading Brève réflexion sur le fait de “recréer du lien” (social)

Entrepreneurs : Persist and Resist !

Lorsqu’Acerta, l’UCM et l’administration fiscale auront tué le dernier indépendant et mis en faillite la dernière société de Belgique, comment feront-ils ? Est-ce qu’ils se mangeront les uns, les autres ?

… Honnêtement, et plus sérieusement, pourquoi faire payer autant les indépendants et les entreprises en Belgique🇧🇪? … si ce n’est pour dissuader toute activité indépendante ?? (et je sais que c’est la même chose en France 🇫🇷)

Je veux dire : au lieu de prendre un emploi vacant, on en crée un (et parfois on en crée même plusieurs), et au lieu de coûter à la collectivité, on s’assume seuls, même si beaucoup d’indépendants gagnent moins que s’ils étaient au chômage… quel est l’intérêt de nous faire payer autant ??

Bref, c’est la question que je me pose quatre fois par an, en période de TVA, depuis des années…

A chaque fois, j’ai l’impression de payer mon “peculium”, le prix de ma liberté, à des gens qui gagnent beaucoup plus que moi…

Comprenons-nous bien, je ne me plains pas. J’ai choisi à 100% d’être indépendant et chef d’entreprise. Les obstacles que l’Etat met constamment sur la route des entrepreneurs et entrepreneuses sont autant d’occasions de renforcer notre activité indépendante et de nous émanciper davantage du joug de l’Etat. Surtout, ces expériences alimentent – au quotidien – ma vision politique.

> > “Persist and Resist” (Épictète)

Image : The Great Famine of 1315

A toutes celles et ceux qui sont intéressés par l’écriture inclusive

J’écris ce texte dans un contexte de débat sur le fait qu’il faille dire “Madame LE premier ministre” ou “Madame LA première ministre” (avec la nomination, en Belgique, de Sophie Wilmès à ce poste). Ca me donne l’occasion de partager la manière dont j’essaie de m’en sortir avec l’écriture inclusive.

Pour mettre d’abord cette question de premier ministre de côté, mon “Grevisse” de 1980 dit que “l’évolution de la vie sociale [a créé] des formes féminines nouvelles”, comme “la ministre”, “la sénatrice”, “la préfète”, “l’avocate”, etc. (n°422). Un nota bene de cette même page dit que c’est l’usage qui laisse prévaloir le masculin (“Madame LE ministre”), mais que c’est embarrassant pour les accords qui suivent (“Madame le ministre est heureuse d’inaugurer…”). En ce qui me concerne, “Madame LA première ministre”, me va très bien pour des raisons de facilité, comme je vais l’expliquer dans la suite.

Petite précaution d’usage : je ne suis pas linguiste, je ne défends pas une vision spécifique de la langue française. Je ne suis pas non plus dans un quelconque combat idéologique. Ce qui suit est juste la manière de faire de quelqu’un dont une partie importante des activités constitue à écrire, et qui essaye de n’exclure personne dans ce qu’il écrit…

Et je le fais, je crois, à 99%, que ce soit dans mes publications, dans mes mails, dans mes tweets et même dans mes textos…

Commençons :

1. Je pense qu’il y a une confusion entre les questions relatives à la syntaxe, c’est-à-dire le “genre grammatical”, et les conséquences au niveau sémantique lorsqu’on parle d’êtres sexués (ce que Grevisse appelle le “genre naturel”).

Je m’explique :

Personne, je pense, n’écrira “les chaises et les bancs ont été rangé.e.s”. “Chaise” est féminin et “banc” est masculin. Je ne sais pas pourquoi ces deux mots ont ce genre-là, c’est probablement dans leur étymologie ou dans leur forme qu’il faut aller chercher la raison… Quoi qu’il en soit, bien que “chaise” soit féminin, et “banc” masculin, “chaise” ne renvoie pas plus aux femmes que “banc” aux hommes.

Si en parlant des chaises et des bancs, je dis “tout a été rangé”, voire même “tous ont été rangés”, je rends invisible dans ma phrase le fait que je parle d’objets féminins et d’objets masculins, puisque tout est au masculin. Mais, ça ne pose pas vraiment de problèmes puisque le fait qu’ils soient féminins ou masculins relève en partie de l’arbitraire, de la langue à laquelle le français a emprunté ce mot, de sa forme, de sa sonorité, etc.

2. Le problème arrive lorsque les règles d’accord (de syntaxe) rendent invisibles une partie de la population (conséquence sémantique), en l’occurence les femmes. Si je parle d’une classe de 23 femmes et 1 homme qui ont passé leur diplôme cette année, selon la règle classique, je devrais écrire “tous ceux qui ont été diplômés cette année…”. En lisant la phrase, on peut penser qu’il n’y a que des hommes OU qu’il y a des hommes et des femmes, et que le masculin l’a emporté, comme le veut la règle classique. Mais on n’en sait rien. Continue reading A toutes celles et ceux qui sont intéressés par l’écriture inclusive

Brève réflexion sur la structuration du territoire

Une réflexion très rapide (en courant ce matin dans les bois), par rapport à la structuration du territoire… 

Quand on se balade dans la nature, on passe par tout un ensemble de lieux-dits, le plus souvent liés à des éléments naturels : rivières et ruisseaux, moulins, bois, monts, vallées, rochers, vieilles fermes, etc.

Et on retrouve pratiquement tous ces éléments naturels dans les cartes, et les textes du Moyen-Âge (chartes, chroniques, etc.), parce que ces éléments structuraient l’espace : limites de duchés et comtés, propriétés, dépendances, dîmes, etc. En fait, ces éléments ont structuré notre espace durant des milliers d’années (probablement des millions même si on n’en a pas de traces écrites).

Dit autrement, les cartes IGN des randonneurs et randonneuses sont assez similaires aux cartes Ferraris (1770-1778) des historiens et historiennes.

Les éléments naturels, liés au territoire et au terroir, structurent bien mieux, et plus naturellement, l’espace que les autoroutes qui coupent les campagnes, divisent les hameaux, etc., ou que les centres commerciaux en périphérie des centres villes et des lieux de vie…

Comprenons-nous, il est évidemment compliqué, avec le mode de vie actuel, de se passer des grands axes autoroutiers, des pôles économiques, etc., mais les aménagements futurs devraient à mon sens retrouver le lien avec l’histoire et la topologie géographique.

Au risque de me répéter (je l’ai écrit dans plusieurs textes), la transition vers un nouveau modèle de société doit, je crois, commencer par une réflexion sur la structuration du territoire. Et on ne construira pas une société plus respectueuse de l’environnement sans structurer le territoire de cette société sur son environnement naturel.

Pour être précis, dans le projet de construire quelque chose de nouveau, je mettrais d’abord autour de la table – avant les sociologues, les politologues et les économistes -, des géographes et des historiens et historiennes. D’abord réfléchir au territoire (déterminé par des éléments naturels et fruit d’une longue histoire). Et puis réfléchir à quel société on construit sur ce territoire.

Des géographes et des historiens et historiennes intéressés ?

Pour aller plus loin :

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Brève réflexion sur la croyance en politique

Tout système politique doit créer de la croyance : la croyance qu’il permet de sélectionner les bonnes personnes pour gouverner.

Et cela se fait de manière “tautologique” (comme beaucoup de choses qui participent au “fétichisme politique” décrit par Bourdieu*) :

On se dit que ce sont les bonnes personnes au pouvoir, parce qu’elles ont été choisies par le bon système politique.

ET (en même temps)

On se dit que c’est le bon système politique, parce qu’il a permis de mettre les bonnes personnes au pouvoir.

… Et tant que cette croyance se maintient et se reproduit dans une part assez grande de la population, tout se passe plus ou moins bien. L’élu incarne la validité du système politique, et le système politique fonde la validité de l’élu.

Jusqu’à ce que, comme maintenant, le système politique n’arrive plus à créer cette croyance. C’est flagrant en Belgique, comme en France.

Alors, là, tout s’inverse : Continue reading Brève réflexion sur la croyance en politique

Urbanisme, parking et personnes âgées. Brève réflexion…

Avoir un pied dans le secteur de la participation citoyenne et un pied dans le sport et la santé, ça permet de voir les choses un peu différemment. Exemple… 

Lorsque j’anime des processus participatifs concernant des projets d’aménagement urbain, il y a toujours cette question des parkings et de la place de la voiture qui revient.

Bien sûr (presque) tout le monde est conscient qu’on ne peut plus, aujourd’hui, faire des aménagements qui iraient vers le tout-à-la-voiture. Il faut favoriser la mobilité douce : vélo, voirie partagée avec piétons prioritaires sur la voiture, etc.

Mais vient toujours la question des personnes âgées et des PMR, et la nécessité de garder des places de parking les plus proches possibles des commerces, par exemple, pour qu’elles aient le moins possible à marcher.

Si ça peut paraître sensé au niveau urbanistique, c’est par contre contradictoire avec toute prescription en matière de santé ! S’il y a UNE chose dont on est sûr, c’est qu’il faut faire tout ce qui est possible pour que les personnes âgées marchent le plus possible.

Il y a de très nombreuses études qui montrent que le fait de marcher est un indicateur très précis de l’espérance de vie. Plus une personne âgée marche, plus longtemps elle vivra (et surtout plus longtemps elle vivra en bonne santé)

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#Walgov : Brève réflexion sur la “société civile” en démocratie

Autant je peux comprendre qu’on ne soit pas convaincu par la proposition de @lacoordination et des associations très ciblées qu’elle représente, autant je ne comprends pas le dénigrement de la notion de “société civile”. Philippe Walkowiak, journaliste RTBF, en parle comme d’un “ectoplasme” ??

C’est quand même pas une notion sortie du chapeau d’Ecolo. Pour beaucoup d’auteurs, la “société civile” est un élément fondamental de la démocratie.

A mon sens, c’est Tocqueville qui en parle le mieux… (Cet article est issu d’un Thread que j’ai publié sur Twitter

Dans “De la démocratie en Amérique”, Tocqueville explique l’importance de ce qu’il appelle “la vie civile” aux Etats-unis : c’est-à-dire toutes ces associations qui ne sont ni politiques, ni industrielles.

Tocqueville compare avec la France et l’Angleterre. En France, le gouvernement tend à s’occuper de tout; en Angleterre, ce sont les grands Seigneurs; et aux Etats-Unis, ce sont les associations. Continue reading #Walgov : Brève réflexion sur la “société civile” en démocratie

Brève réflexion : S’il fallait n’avoir qu’un seul objectif…

En cette période où on parle beaucoup de l’extrême-droite, du populisme, du totalitarisme, je voudrais expliquer quelque chose…

J’ai une partie de ma famille qui vit en Pologne (ma grand-mère était polonaise), et ça m’a permis, à deux reprises, de visiter Auschwitz. Je ne veux pas dire “la chance” de visiter Auschwitz, parce que ça me semblerait très mal approprié, mais ces deux visites m’ont vraiment marqué. Ca fait certainement partie des choses qui m’ont le plus marqué dans ma vie.

La première fois, j’avais 18 ans. Et je me rappelle très clairement que je m’étais fait cette réflexion : s’il y a un jour un parti politique qui se présente, et qui dit : “Nous n’avons pas de programme ‘a priori’ (pas d’idéologie toute faite). Nous n’avons qu’un seul but : que PLUS JAMAIS on n’arrive à quelque chose comme la Shoah”, je voterai pour ce parti.

Et depuis mes 18 ans (j’en ai 40), je me répète ça : il faudrait un parti qui, dans chaque domaine, observerait (étudierait, analyserait) ce qu’il faudrait faire pour que PLUS JAMAIS une partie de la population ait la volonté ET les moyens d’exterminer une autre partie de la population.

Donc :

  • Que faut-il faire en matière d’enseignement pour que plus jamais une partie de la population ait la volonté et les moyens d’exterminer une autre partie de la population ?
  • Quel type d’économie faut-il promouvoir pour que plus jamais une partie de la population ait la volonté et les moyens d’exterminer une autre partie de la population ?
  • Quel système politique faut-il mettre en place pour que plus jamais une partie de la population ait la volonté et les moyens d’exterminer une autre partie de la population
  • Quelle politique migratoire faut-il mettre en place pour que plus jamais une partie de la population ait la volonté et les moyens d’exterminer une autre partie de la population ?
  • Comment faut-il organiser la Justice pour que plus jamais une partie de la population ait la volonté et les moyens d’exterminer une autre partie de la population ?
  • Etc… (vous avez compris le principe).

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Les Grecs ont inventé la démocratie avant de connaître le papier…

Les Grecs ont inventé la démocratie avant de connaître le papier… Et c’est probablement une bonne chose à avoir en tête lorsqu’on réfléchit à la démocratie participative aujourd’hui.

Je m’explique !

Nous sommes actuellement dans une société où l’écrit a énormément d’importance. Notre démocratie, au-delà d’être représentative ou participative, est très bureaucratique. Lorsque des citoyens et citoyennes veulent participer, s’impliquer, s’exprimer sur des enjeux politiques qui les concernent, on les renvoie vite vers le Code de la démocratie locale (247 pages), les 150 circulaires relatives au sujet, les décrets en vigueur, les projets de décret, les décisions du fonctionnaire-délégué, les rapports de telle ou telle commission, si ce n’est pas vers la Constitution ou le Code civil, qui sont des briques monumentales.

Le problème est que beaucoup de mouvements citoyens et participatifs tendent à donner une même importance à l’écrit. Lorsque des citoyens et citoyennes veulent s’y investir, on les renvoie d’abord vers les 12 pages de la Charte, les 150 propositions issues du week-end de réflexion, et les 30 comptes-rendus de réunions des 12 cercles thématiques qui composent l’organigramme du groupe. S’il s’agit d’un parti politique, on peut parfois rajouter les 200 pages du programme.

Ca peut faire peur à celles et ceux qui voudraient s’investir. Et celles et ceux qui vont tenter le coup risquent bien d’être très vite submergés d’e-mails, longs et alourdis de fichiers attachés (comptes-rendus de réunions, etc.). Et ils seront invités à s’inscrire à tout un ensemble d’outils informatiques… pour pouvoir échanger encore davantage de textes : Slack, Trello, Loomio, Drive, Dropbox…

C’est oublier une chose importante : le moment principal de la démocratie, c’est l’Assemblée, et la prise de parole publique, dans cette assemblée. Le moment où la démocratie se fait vraiment, c’est ce moment d’échange, en face à face, dans un même lieu : l’agora. Continue reading Les Grecs ont inventé la démocratie avant de connaître le papier…

Brève réflexion sur l’influence : l’exemple de la lutte pour le climat

L’air du moment semble être à la recherche de “qui mène le meilleur combat ?”… C’est au niveau de la lutte pour le climat que ça se voit le plus : qui mène le combat le plus légitime ? Les jeunes dans la rue ? Celles et ceux qu’on a élus pour cela ? Les mouvements citoyens ? Les ONG et associations ? Les entreprises ?

… et la question inverse : Qui fait de la récupération ? Qui fait du “green washing” ? Qui fait du lobbying ?

C’est passer à côté d’un facteur essentiel lorsqu’il s’agit de changement social (ici le changement vers une société moins émettrice de gaz à effet de serre) : c’est la multiplicité d’avis convergents qui pousse à s’y conformer.

Les études les plus classiques sur l’influence sont certainement celles de Solomon Asch. Dans ces fameuses expériences de 1955, il testait la probabilité qu’un sujet se conforme à l’avis du reste du groupe. Le dispositif était poussé jusqu’à l’extrême, puisqu’il s’agissait d’un test pour lequel les participants devaient répondre à voix haute. Le sujet avait la bonne réponse et les autres participants étaient en fait des complices qui donnaient de mauvaises réponses. L’expérience testait dans quelle mesure le sujet allait abandonner sa réponse qu’il savait correcte, pour se conformer au groupe et donner une mauvaise réponse.

Si un seul complice donnait une mauvaise réponse : pas d’influence. Deux complices : à peine plus. Mais à partir de 3 complices, l’influence devenait bien plus grande (Gerard, & al. 1868). Plus de personnes donnent le même avis, plus ça nous influence.

Autre exemple : vous marchez en rue, une personne est statique et regarde vers le ciel. Vous vous arrêtez pour regarder avec elle ? Peut-être. Pas sûr… Même exemple, mais elles sont 5 à regarder en l’air ? Vous vous arrêtez et regardez ! 🙂 (Leyens & Yzerbet, 1997).

Et ça n’aurait pas de sens de chercher à savoir laquelle de ces 5 personnes vous a le plus influencé. C’est le fait qu’elles étaient 5 qui vous a influencé.

C’est le fait qu’un collègue vous parle de quelque chose ET que votre belle-soeur vous en parle également ET que vous avez vu un reportage au JT sur cette même chose ET qu’il y avait des pubs sur le sujet dans le métro qui vous influencera sur quelque chose, et non pas juste votre collègue, votre belle-soeur, le JT ou la pub… C’est la répétition qui donne du poids. Continue reading Brève réflexion sur l’influence : l’exemple de la lutte pour le climat