Ne laissons pas la défense des petits indépendants à la droite réactionnaire (et raciste)…

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Je voulais réagir à un article qui fait son petit buzz sur les réseaux sociaux, en ce moment, en Belgique : “L’Etat a tué mon resto préféré“. Le titre résonne évidemment avec ce que j’ai pu écrire sur l’Etat bureaucratique dans le cadre de l’ “Empowerment ou la société de l’anti-délégation“.

Le restaurant dont il s’agit, c’est “Bleu de Toi”, à Bruxelles, qui a dû fermer récemment. Le premier paragraphe nous dit que “la courageuse restauratrice met la clef sous le paillasson après 22 ans. Encore un exemple de gâchis extraordinaire parce que nos politiciens n’ont pas compris que les petits indépendants sont ceux qui créent le plus d’emplois, qui dynamisent notre économie. Or, ils doivent, plus que d’autres supporter une fiscalité écrasante.”

Evidemment, en tant qu’indépendant moi-même, chef de très (petite) entreprise, je ne peux que confirmer la situation difficile de l’entrepreneuriat en Belgique (mais j’imagine que ce n’est pas tellement différent en France). Tout se passe comme si l’Etat n’était là que pour empêcher le développement de toute activité économique indépendante. Une liste infinie de réglementations, de taxations plus ou moins justifiées, d’entraves, de “bâtons dans les roues”, rend, comme le dit l’article, “la vie d’indépendant en Belgique extrêmement périlleuse“. Chaque semaine, on parle dans la presse d’une enseigne qui doit fermer, submergée par les entraves administratives, comme cette boucherie de près de 100 ans, à Pépinster , en Belgique. Continue reading Ne laissons pas la défense des petits indépendants à la droite réactionnaire (et raciste)…

Pour rebondir sur le dossier “Economie collaborative” de Socialter

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J’aimerais conseiller le dernier numéro de la revue “Socialter“, et son dossier sur l’économie collaborative. Si vous pouvez vous procurer la revue, foncez !

De nombreux éléments composants ce dossier rejoignent ce que j’ai pu écrire sur la notion d’Empowerment et ce que j’ai appelé la société de l'”anti-délégation”. Pour celles et ceux qui arriveraient pour la première fois sur ce blog, les bases de ce projet se trouvent dans cette introduction “Empowerment ou la société de l’anti-délégation“. Deux chapitres “en construction” ont été publiés : un chapitre sur l’Etat, la bureaucratie et le travail (“6. La crise de la délégation“) et un chapitre sur l’alimentation (“7.1. Reprendre en main son alimentation et sa santé“). Un chapitre paraîtra très prochainement sur les nouvelles formes de contestation : Occupy, les Indignés, etc.

(Toutes les références (n° de page, etc.) renvoie au numéro 6 de la revue Socialter, août-septembre 2014.)

DONC, en lisant le dossier de Socialter, j’ai apprécié l’impression que “j’étais dans le bon” avec mon analyse des mouvements sociaux et culturels actuels. Uber, Airbnb, les groupements d’achats collectifs, la Ruche Qui dit Oui, le co-voiturage, Wikipedia, etc… Tout cela relève bien d’une même dynamique. (J’avais déjà fait référence à la Ruche qui dit Oui, à partir d’un article de Socialter, dans cet article…).

MAIS je pense que le coeur de cette dynamique, le point central de ces évolutions, n’est pas en soi le partage ou la collaboration. Je pense que c’est autre chose, même si ces deux dimensions en sont constitutives. Je dirais que le partage et la collaboration sont des caractéristiques descriptives des évolutions actuelles, mais qu’elles n’en sont pas des caractéristiques définitionnelles. D’où la difficulté, qu’on ressent, me semble-t-il, dans le dossier de Socialter, pour définir si l’économie collaborative est toujours de la marchandisation ou si c’est du partage, si c’est libéral ou du “communisme à la cool” (p.31). Ce genre de questions est, selon moi, inutile parce que l’économie collaborative et les logiques de partage relèvent d’un mouvement plus large, qui rend l’opposition gauche-droite obsolète, comme je l’ai expliqué ici : “2.1. Au-delà de l’opposition gauche-droite.

Pourtant, ce mouvement plus large est plusieurs fois esquissé dans le dossier. Je pense que sa caractéristique définitionnelle est : le fait de reprendre le pouvoir sur soir-même et de ne plus déléguer à des institutions ou des intermédiaires, ce que l’on peut faire soi-même. Dans l’échange et le partage de particuliers à particuliers (peer-to-peer), je crois que c’est la dimension “particuliers à particuliers” qui est la plus importante, plus que l’échange ou le partage en soi. Continue reading Pour rebondir sur le dossier “Economie collaborative” de Socialter

6. La crise de la délégation

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Ce texte est le chapitre 6 de l’ouvrage en cours d’écriture “Empowerment ou la société de l’anti-délégation“. Toutes les infos et l’introduction à cette réflexion se trouvent ici (il est préférable de lire l’intro avant ce texte, pour bien en comprendre tout le sens, mais vous pouvez aussi vous contenter de ce texte, si seules ces questions vous intéressent… et peut-être que cela vous donnera envie d’aller voir dans quelle réflexion plus large ce texte s’inscrit ?) 😉

Vous pouvez télécharger ce chapitre 6 (Version juillet 2014) en PDF (23 pages)

Un autre chapitre, plus concret, a déjà été publié : “7.1. Reprendre en main son alimentation et sa santé

(J’en profite pour remercier les très nombreuses personnes qui m’ont envoyé des remarques, des commentaires, des suggestions. Je n’ai pas eu le temps de répondre à tout le monde. Certaines de mes réponses sont encore “en attente”, parce que je souhaite “bien” répondre à celles et ceux qui ont pris le temps de lire les premières parties et de m’envoyer des remarques intéressantes. J’ai en tout cas intégré de nombreuses remarques dans la réflexion. Merci à vous !)

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Chapitre 6 : La crise de la délégation

J’ai dit, dans l’introduction, que le mouvement de l’anti-délégation s’inscrivait dans une crise des piliers de la modernité, comme l’Etat, l’économie, le travail, la rationalité. Attention, je ne pense pas que la notion de « travail » soit en crise, ou que les plus jeunes générations ne veuillent plus travailler, ni que les avancées de la science fascinent moins, ni qu’il faille abandonner toute idée de construire une collectivité en partie institutionnalisée.

Je pense que le modèle « moderne » du travail, de l’Etat, de l’économie capitaliste est en crise. C’est-à-dire cette forme d’Etat, ces modes de travail, ces modalités de l’économie, qui relèvent de la bureaucratie, de la technocratie, de l’industrie, etc. Nous reviendrons sur ces dimensions. Ce dont il s’agit, c’est d’une « crise du modèle culturel de la société industrielle », comme l’avaient très bien vu Bajoit et Franssen dès 1995.  Et pour moi, ce qui caractérisait ce modèle, c’était que l’individu était appelé à déléguer une partie de sa destinée aux piliers de la société moderne.

6.1. Etatisme et capitalisme

Au cœur de la société de la délégation, en crise, se trouve l’Etat bureaucratique, moderne, et libéral.

Pour Max Weber, dont nous avons déjà parlé, l’Etat moderne et le capitalisme se sont développés ensemble. L’Etat moderne est effectivement le garant du droit rationnel, « prévisible ». En cela, il constitue la condition de l’épanouissement du capitalisme (Colliot-Thélène, 1992 :12)

C’est relativement facile à comprendre : lorsqu’on se limitait à des échanges simples, à du commerce traditionnel, local, proche du troc, c’était des règles traditionnelles (code d’honneur, etc.) qui pouvaient régir l’échange. Mais lorsqu’on échange des biens sur des marchés, avec une multitude d’intervenants, il est nécessaire qu’une instance garantisse la validité de l’échange. Continue reading 6. La crise de la délégation

Empowerment & Anti-délégation : un exemple de circuit court pour l’alimentation

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L’un des avantages de publier l’ouvrage “Empowerment ou la société de l’anti-délégation” au fur et à mesure, c’est de pouvoir régulièrement publier des articles sur des faits précis, et montrer en quoi ils s’inscrivent dans la réflexion plus large que je propose…

Aujourd’hui, par exemple, je lisais, dans l’excellente revue « Socialter. Le Magazine de l’économie nouvelle génération », un article sur « La Ruche qui dit Oui ».

Créée en 2011, cette entreprise d’économie sociale et solidaire (ESS) a permis la création de plus de 300 « ruches », comptant 150.000 membres. Ces ruches sont des lieux d’échange entre producteurs locaux et consommateurs. Le principe ? Un particulier, une association, une entreprise, décide d’ouvrir une « ruche ». Il contacte les producteurs de fruits, légumes, viande, etc., dans un rayon de maximum 250 km. Chaque semaine, l’animateur de la ruche publie sur le site internet une liste de produits fermiers disponibles (donc locaux, de saison, etc.). Chaque producteur fixe son prix. Les consommateurs commandent sur internet. Si la commande n’est pas suffisante, il n’y a pas de livraison, il n’y a donc jamais de gaspillage. Le jour fixé, consommateurs et producteurs se retrouvent et l’échange est fait.

La vente est donc directe. C’est ce qu’on appelle le « circuit court ». Et c’est le producteur qui fixe ses prix. Il n’y a ni grossistes, ni grandes enseignes commerciales pour déterminer les prix, parfois au détriment des producteurs. De cette manière, 1.400.000 produits ont déjà été vendus (au 1er septembre 2013).

Ce qui m’intéresse particulièrement, c’est que cela illustre une des caractéristiques de la société de l’anti-délégation : pratiquement toutes les dynamiques qui lui sont propres sont à l’œuvre dans les projets qui relèvent de cette culture. Dit autrement, la société de l’anti-délégation brouille souvent les frontières des différents champs sociaux.

Si on s’intéresse à ce ruches, on se rend compte que s’entrecroisent :

  • un attrait pour le local,
  • une utilisation optimale des moyens digitaux : internet, réseaux sociaux…
  • une logique participative,
  • la constitution d’une communauté de consommateurs,
  • la référence à l’économie collaborative.

“La Ruche qui dit Oui” soutient effectivement des appels à financement de projets agricoles sur le site KissKissBankBank, pionnier actuel du financement participatif en France.

Les échanges se font de façon horizontale et décentralisée entre particuliers et producteurs. Ca fait déjà quelques années qu’on connaît les « paniers », les AMAP (en France, les associations pour le maintien de l’agriculture paysanne), les GAC (groupements d’achats collectifs) ou les GAS (groupement d’achats solidaires. La ruche constitue une manière d’optimiser cette nouvelle façon de commercer, grâce à la plate-forme informatique. Une communauté se crée, grâce aux réseaux sociaux.

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Ce qui est intéressant également, c’est de voir qu’aucun label ne peut remplacer le contact direct entre un producteur et un consommateur (les ruches organisent aussi des visites des exploitations agricoles). En fait, on pourrait aller plus loin et dire que les labels – même bio – n’ont de sens que dans une économie à grande échelle, où les consommateurs et les producteurs ne se rencontrent plus. Si je n’ai aucun lien avec le producteur de ce que je mange, quelle assurance puis-je avoir quant à la qualité du produit ? Aucune. Si ce n’est un label auquel je ferais confiance parce qu’il serait garanti par une instance intermédiaire, reconnue par l’Etat (l’instance qui centralise toutes les garanties, les normes, les règles, etc.). Toute l’administration créée par les labels (nécessité pour les producteurs de répondre à des cahiers des charges très strictes) n’est qu’une conséquence d’une économie toujours plus globale, dépersonnalisante, différenciée, typique des sociétés modernes.

Ce refus des labels est un phénomène connu dans le vin par exemple, où des petits producteurs, qui travaillent de manière ancestrale, refusent de se plier aux exigences administratives (démarches à faire, cahier des charges, etc.) des labels « bio », au risque d’être perçus comme non-« bio » alors que leurs produits sont parfois plus « bio » que des vins reconnus comme « bio ». Ce sont les producteurs de vins « naturels », qui ne fait pas vraiment l’objet d’une labélisation actuellement.

Si les ruches vous intéressent, le site internet propose une carte des différentes ruches, dont 5 en Belgique.

A lire : 

Parution : “Relire aujourd’hui les classiques des années 60”

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Nouvelle parution : “Relire aujourd’hui les classiques des années 60”, La Libre Belgique, sam.-dim. 28-29/12/2013, pp. 52-53. Qu’avons-nous fait des auteurs critiques des années 60 ? De Marcuse, de Debord, de Fanon, pour ne citer qu’eux… Alors qu’émerge une critique nouvelle à la fois de la société de consommation et des instances étatiques et supra-étatiques, sous les formes variées de préoccupations écologiques, de développement durable, de décroissance, de simplicité volontaire, de revendications sur les conditions de travail, des “Indignés”, de mouvements citoyens, des printemps arabes, érables, etc., les auteurs qui avaient mené cette critique dans les années 60 semblent être passés à la trappe… lire la suite.

Cet article a été écrit en août 2013, donc avant que je commence à mettre sur papier les réflexions sur l’Empowerment et la société de l’anti-délégation, dont j’ai publié l’article introductif il y a quelques jours. Mais très clairement, Marcuse, Debord et Fanon sont des auteurs qui m’ont amené à développer cette réflexion. L’article paru aujourd’hui dans La Libre Belgique fait donc tout à fait partie de la même réflexion…

7.1. Reprendre en main son alimentation et sa santé

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Ce texte est le chapitre 7.1. de l’ouvrage en cours d’écriture “Empowerment ou la société de l’anti-délégation“. Toutes les infos et l’introduction à cette réflexion se trouvent ici (il est préférable de lire l’intro avant ce texte, pour bien en comprendre tout le sens, mais vous pouvez aussi vous contenter de ce texte, si seules les questions d’alimentation vous intéressent… et peut-être que cela vous donnera envie d’aller voir dans quelle réflexion plus large ce texte s’inscrit ?) 😉 

Commençons notre quête d’autonomie par ce qui nous concerne intimement : notre alimentation. Quelle maîtrise avons-nous de ce que nous ingérons ? La production alimentaire de masse a mis à notre disposition une offre d’aliments sans précédents, et cela en quantité infinie. Mais quelle connaissance avons-nous précisément de ce que nous mangeons, si l’on compare à la connaissance que pouvaient en avoir nos grands-parents, ou plus loin, nos ancêtres du Paléolithique ?

7.1.1. L’alimentation « paléo »

L’une des tendances actuelles en matière d’alimentation est ce qu’on appelle l’alimentation « paléolithique » (et je suis bien placé pour le savoir puisqu’une partie de mon activité professionnelle consiste à suivre des personnes, au niveau nutritionnel, avec ce type d’alimentation). Comme la période paléolithique représente 99,5 % de notre temps sur terre en temps qu’êtres humains, l’alimentation du chasseur-cueilleurs est particulièrement bien adaptée à notre organisme. Et on essaie donc de manger ce que l’on pouvait chasser, pêcher, cueillir, ramasser : viande, poisson, œufs, légumes, fruits, noix, amandes, etc.

De très nombreuses études montrent les bienfaits de cette alimentation, très peu inflammatoire (parce que sans gluten, sans lectines, sans phytates, sans lactose) et à index glycémique bas (parce que sans sucres rapides) sur notre santé. Personnellement, j’ai vu des gens reprendre en main leur physique et leur santé, grâce à cette méthode, comme ils ne l’avaient jamais fait auparavant.

Mais au-delà de ne pas manger de produits céréaliers inflammatoires et fort sucrés, ni de produits industriels, qu’est-ce qui distingue notre alimentation de celle de nos ancêtres chasseurs-cueilleurs ? A la différence de nous, ils savaient très précisément ce qu’ils mangeaient, simplement parce qu’ils l’avaient eux-mêmes chassé, pêché, cueilli ou ramassé. Et même s’ils n’avaient pas une connaissance scientifique comme nous de l’aliment, ils en connaissaient l’origine.

eatreafoodComparez un peu : toute personne qui a fait des études secondaires peut dire si ce qu’il mange est plutôt composé de sucres, de graisses ou de protéines. On connaît la différence entre les trois macro-nutriments, protéines, lipides et glucides. Et pourtant, il arrive que nous mangions du cheval en croyant manger du bœuf ! Voilà quelque chose qui ne devait pas arriver à notre ancêtre chasseur-cueilleur…

En acquérant davantage de connaissances sur l’alimentation, nous avons perdu la maîtrise de ce que nous mangeons. Le paradoxe n’est qu’apparent si on se remémore que la modernité est un double mouvement de « différenciation du travail » et de « rationalisation ». Jusqu’il y a finalement peu de temps, la même personne trouvait ou produisait sa nourriture, la préparait, la conservait, et la cuisinait avant de la manger. Aujourd’hui, tout un ensemble de personnes, aux professions tout à fait variées, participent à la production de la nourriture, de la terre (ou de l’étable par exemple) jusqu’à l’assiette. Et ils le font avec tout un savoir rationnel, formalisé, et très spécialisé (la chimie a ici un rôle important) que nous ne pouvons pas tous maîtriser. Au final, on ne sait plus ce que l’on mange, soit tellement ça a été transformé, soit tellement des éléments ont été rajoutés, comme tous les conservateurs et autres additifs.

7.1.2. Etre adulte, c’est se nourrir soi-même

L’anti-délégation se développe donc sur le sentiment qu’ « on nous fait avaler n’importe quoi », et donc sur la volonté de reprendre le contrôle de notre alimentation.

Continue reading 7.1. Reprendre en main son alimentation et sa santé

Moi, on ne me fait pas avaler n’importe quoi

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J’aime bien ce slogan, de l’Opération 11.11.11, organisée par le CNCD (Centre national de coopération au développement) en Belgique.

J’ai effectivement l’impression qu’il y a toujours un lien entre le fait, pour un groupe social, de reprendre le contrôle de sa capacité d’action et de décision, et le fait, pour un individu, de reprendre en main son alimentation, sa santé, son physique. Dans un cas comme dans l’autre, on est dans une logique d’Empowerment.

Ne pas avaler n’importe quoi, c’est ne plus se laisser diriger sans réfléchir. Ne pas avaler n’importe quoi, c’est ne plus se laisser nourrir sans réfléchir. C’est re-devenir acteur de ses actes, acteur de ses décisions, qu’elles soient politiques, éthiques ou alimentaires.

Ce qui nous distingue le plus du chasseur-cueilleur auquel on se réfère lorsqu’on parle d’alimentation paléolithique, c’est cette connaissance de ce qu’on avale.

  • Bien que le chasseur-cueilleur n’avait pas de connaissances scientifiques de ce qu’il mangeait (macro et micro-nutriments, etc.), il savait précisément ce qu’il mangeait, puisque c’était forcément ce qu’il avait, lui-même (ou ses proches), chassé, pêché, cueilli ou ramassé de la journée. Il savait précisément de quel arbre ou plante provenaient les feuilles qu’il mangeait; il savait précisément de quel animal provenait le morceau de viande qu’il mangeait. On ne lui faisait pas avaler n’importe quoi.
  • A l’inverse, bien que nous ayons la connaissance scientifique (grâce à l’école) de ce que nous mangeons, le processus industriel est souvent tel que nous ne savons plus ce que nous mangeons. Nous ne savons ni d’où cela provient précisément, ni toutes les transformations qu’ont connues les choses que nous mangeons. Parfois même nous ne savons pas ce que nous mangeons, comme ce fût le cas avec la viande cheval en France. En somme, on nous fait avaler n’importe quoi.

Pour être un peu plus trash, je dirais aussi ceci : selon l’orifice dont il est question, si on introduit quelque chose dans mon corps contre ma volonté, c’est soit un viol, soit de la torture, soit un scandale de plus de l’industrie agro-alimentaire. (Attention, je ne dis pas que le traumatisme pourrait être le même, évidemment, mais dans un cas comme dans l’autre, il y a, pour l’individu, le sentiment que lui est déniée sa capacité à maîtriser l’accès à son corps et par là son intégrité physique. Comme le disait Axel Honneth (2000 : 162) : “la particularité de telles atteintes, torture ou viol, ne réside pas tant dans la douleur purement physique que dans le fait que cette douleur s’accompagne chez la victime du sentiment d’être soumis sans défense à la volonté d’un autre sujet, au point de perdre la sensation même de sa propre réalité).

Honneth, A. (2000). La lutte pour la reconnaissance. Paris : Les éditions du Cerf.

New Books (2) !

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Nouvelle commande Amazon… entre entrepreneuriat et contestation politique !

Shankman K. 2013. Nice Companies Finish First. Why Cutthroat Management Is Over – and Collaboration Is In, NY : Palgrave MacMillan.

Martin, A.J. 2012. Renegades Write The Rules. How the Digital Royalty Use Social media to Innovate, San Francisco : Jossey-Bass.

Honneth, A. 2013. Un monde de déchirements. Théorie critique, psychanalyse, sociologie, Paris : La découverte.

Hibou, B. 2012. La bureaucratisation du monde à l’ère néolibérale, Paris : La découverte.

 

Le phénomène des “jobs à la con” et les voies de sortie…

 

On the Phenomenon of Bullshit Jobs” est un petit pamphlet qui fait actuellement le buzz sur le net. Ce “Phénomène des jobs à la con”, tel que l’a traduit Libération, a déjà été vu par plus de 500.000 personnes, et constitue un bon point de départ pour une série d’articles que je compte publier sur les notions de “travail”, de “salariat” et d’ “Etat”…

Son auteur n’est autre que l’anthropologue, et activiste anarchiste, David Graeber, de la London School of Economics. Graeber est, entre autres, l’auteur de “Fragments of an Anarchist Anthropology“, dans lequel il aborde déjà la question des fondements esclavagistes du salariat et du capitalisme.

Dans cet article récent, Graeber décrit tous ces emplois – souvent de bureau – faits de tâches inutiles et vides de sens. Au cours du 20ème siècle, démontre-t-il, le nombre d’emplois “de production” n’a fait que chuter, grâce ou à cause de l’automatisation… Nous produisons toujours davantage, avec moins de personnes nécessaires, mais sans que cela nous ait, individuellement et collectivement, libéré du temps libre.

Continue reading Le phénomène des “jobs à la con” et les voies de sortie…

Parution : “Relire les auteurs des années 60 ?”, Politique. Revue de Débats.

PolitiqueLa revue “Politique. Revue de Débats” publie, dans sa rubrique en ligne “Zone Libre”, mon article intitulé “Relire les auteurs des années 60 ?“. 

Cet article est une synthèse, un peu retravaillée, de deux articles publiés sur ce blog :

Extrait :

Qu’avons-nous fait des auteurs critiques des années 60 ? De Marcuse, de Debord, de Fanon, pour ne citer qu’eux… Alors qu’émerge une critique nouvelle à la fois de la société de consommation et des instances étatiques et supra-étatiques, sous les formes variées de préoccupations écologiques, de développement durable, de décroissance, de simplicité volontaire, de revendications sur les conditions de travail, des “Indignés”, de mouvements citoyens, des printemps arabes, érables, etc., les auteurs qui avaient mené cette critique dans les années 60 semblent être passés à la trappe. Et avec eux, des concepts plus généraux de “libération”, d'”aliénation”, d’”émancipation”, et la volonté d’œuvrer à la naissance d’ “hommes nouveaux”, émancipés et maîtres de leur destinée sociale.

(…)

A l’heure actuelle, l’un des enjeux est peut-être de retrouver une pensée qui unifierait dans un même mouvement – dans une même critique – les aspirations sociales à une économie plus juste, moins destructrice, moins consommatrice de ressources, et les aspirations individuelles à un emploi plus épanouissant, un mode de vie moins stressant, à un État plus au service des gens et moins au service du Capital.

Voilà qui pourrait constituer de nouveaux espaces de prise de position, de nouveaux angles, dans le champ de l’action politique et citoyenne, et du projet de constitution d’une nouvelle société dans laquelle l’Homme pourra s’émanciper en reprenant en main son parcours professionnel et scolaire, son temps et ses modalités de travail, ses choix affectifs, relationnels, politiques et culturels, sa santé, son corps et sa destinée sociale toute entière.

Lire tout l’article sur le site de la revue “Politique. Revue de Débats”…