De la Préhistoire à aujourd’hui : une augmentation des inégalités hommes-femmes

Emile_DurkheimA l’occasion d’une relecture d’un des classiques de la sociologie, datant de 1930 : “De la division du travail social“, d’Emile Durkheim (pour un article dont je vous ferai bientôt part), je suis tombé sur un passage intéressant. 

Dans son explication de ce qu’il appelle la “division du travail sexuel”, Durkheim rappelle que la différence entre la force de l’homme et de la femme était beaucoup plus petite à la Préhistoire qu’elle n’est aujourd’hui. “Le femme de ces temps reculés, écrit-il (p.20), n’était pas du tout la faible créature qu’elle est devenue avec le progrès de la moralité” (c’est-à-dire avec le développement de la société).

Durkheim fait référence aux recherches de Paul Topinard (1830-1911), médecin et anthropologue français. Celui-ci avait remarqué que les différences entre hommes et femmes augmentaient avec la civilisation ! C’est-à-dire que des squelettes de l’ancienne Egypte, par exemple, montreraient moins de différences entre hommes et femmes que des squelettes plus récents.

On ne peut donc absolument pas justifier les différences hommes-femmes, en matière de rôles sociaux, par des différences anthropologiques qui remonteraient à la Préhistoire. Durkheim cite également Theodor Waitz (1821-1864), anthropologue et psychologue allemand, qui, dans “Die Anthropologie der Naturvölker”, avait remarqué que dans des sociétés primitives comme les Iroquois, les Natchez (Hawaï), ou dans des sociétés de peuples de Nouvelle-Zélande, les fonctions masculines et féminines étaient très similaires : “les deux sexes mènent à peu près la même existence“.

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(man and woman, native american)

Il cite enfin Herbert Spencer (autre auteur classique des sciences sociales, 1820-1903), qui notait qu’à Cuba, les femmes étaient aussi guerrières que les hommes et qu’elles se battaient à côté d’eux. “Un des attributs aujourd’hui distinctifs de la femme, la douceur, conclut Durkheim, ne paraît pas lui avoir appartenu primitivement“.

Dans un article devenu classique, de 1987, “The Worst Mistake in the History of the Human Race“, Jared Diamond, de la Los Angeles Medical School, avait quand à lui expliqué que la révolution agricole avait encouragé les inégalités entre les sexes : dans une société où les rôles sociaux se différencient de plus en plus (certains produisent l’alimentation pour tout le monde, d’autres peuvent alors s’occuper des fonctions politiques, religieuses, guerrières, etc.), les femmes deviennent de plus en plus confinées à un rôle de production agricole, alors que dans la période pré-agricole, c’est-à-dire paléolithique, elles occupaient des fonctions plus ou moins similaires aux hommes et aux femmes.

C’est précisément cette division du travail qui constitue le questionnement principal de Durkheim…

Cela veut aussi dire que de nombreuses hypothèses sur le “cerveau archaïque” ont surtout tendance à “naturaliser” des différences entre hommes et femmes qui sont bien plus culturelles – et relativement récentes – que réellement naturelles… Au temps archaïque, les différences hommes / femmes étaient moins importantes que maintenant… Et non, pour les chasseurs-cueilleurs du paléolithique, la chasse n’était pas exclusivement masculine et la cueillette féminine. C’est d’ailleurs le fait que les femmes participaient aux chasses, qui pouvaient être très longues, puisqu’il fallait parfois pister un animal durant de longues heures, qui explique que sur de longues distances (ultra-marathons), les capacités des hommes et des femmes ne diffèrent pas tellement…

Pour rester dans le domaine sportif, vous remarquerez que cette égalité hommes-femmes est prônée dans le CrossFit, en ce sens que les deux sexes font exactement la même chose. Et si, lors des compétitions, les charges sont généralement différentes, les entraînements publiés tous les jours sur CrossFit.com ne proposent jamais de poids différents pour les hommes et les femmes. C’est voulu de la part de CrossFit HQ : dans n’importe quelle salle, il arrive que des femmes soient capables de porter plus lourd que les hommes. Nul besoin de limiter les femmes à un poids inférieur aux hommes…

New Books (2) !

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Nouvelle commande Amazon… entre entrepreneuriat et contestation politique !

Shankman K. 2013. Nice Companies Finish First. Why Cutthroat Management Is Over – and Collaboration Is In, NY : Palgrave MacMillan.

Martin, A.J. 2012. Renegades Write The Rules. How the Digital Royalty Use Social media to Innovate, San Francisco : Jossey-Bass.

Honneth, A. 2013. Un monde de déchirements. Théorie critique, psychanalyse, sociologie, Paris : La découverte.

Hibou, B. 2012. La bureaucratisation du monde à l’ère néolibérale, Paris : La découverte.

 

Le phénomène des “jobs à la con” et les voies de sortie…

 

On the Phenomenon of Bullshit Jobs” est un petit pamphlet qui fait actuellement le buzz sur le net. Ce “Phénomène des jobs à la con”, tel que l’a traduit Libération, a déjà été vu par plus de 500.000 personnes, et constitue un bon point de départ pour une série d’articles que je compte publier sur les notions de “travail”, de “salariat” et d’ “Etat”…

Son auteur n’est autre que l’anthropologue, et activiste anarchiste, David Graeber, de la London School of Economics. Graeber est, entre autres, l’auteur de “Fragments of an Anarchist Anthropology“, dans lequel il aborde déjà la question des fondements esclavagistes du salariat et du capitalisme.

Dans cet article récent, Graeber décrit tous ces emplois – souvent de bureau – faits de tâches inutiles et vides de sens. Au cours du 20ème siècle, démontre-t-il, le nombre d’emplois “de production” n’a fait que chuter, grâce ou à cause de l’automatisation… Nous produisons toujours davantage, avec moins de personnes nécessaires, mais sans que cela nous ait, individuellement et collectivement, libéré du temps libre.

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Parution : “Relire les auteurs des années 60 ?”, Politique. Revue de Débats.

PolitiqueLa revue “Politique. Revue de Débats” publie, dans sa rubrique en ligne “Zone Libre”, mon article intitulé “Relire les auteurs des années 60 ?“. 

Cet article est une synthèse, un peu retravaillée, de deux articles publiés sur ce blog :

Extrait :

Qu’avons-nous fait des auteurs critiques des années 60 ? De Marcuse, de Debord, de Fanon, pour ne citer qu’eux… Alors qu’émerge une critique nouvelle à la fois de la société de consommation et des instances étatiques et supra-étatiques, sous les formes variées de préoccupations écologiques, de développement durable, de décroissance, de simplicité volontaire, de revendications sur les conditions de travail, des “Indignés”, de mouvements citoyens, des printemps arabes, érables, etc., les auteurs qui avaient mené cette critique dans les années 60 semblent être passés à la trappe. Et avec eux, des concepts plus généraux de “libération”, d'”aliénation”, d’”émancipation”, et la volonté d’œuvrer à la naissance d’ “hommes nouveaux”, émancipés et maîtres de leur destinée sociale.

(…)

A l’heure actuelle, l’un des enjeux est peut-être de retrouver une pensée qui unifierait dans un même mouvement – dans une même critique – les aspirations sociales à une économie plus juste, moins destructrice, moins consommatrice de ressources, et les aspirations individuelles à un emploi plus épanouissant, un mode de vie moins stressant, à un État plus au service des gens et moins au service du Capital.

Voilà qui pourrait constituer de nouveaux espaces de prise de position, de nouveaux angles, dans le champ de l’action politique et citoyenne, et du projet de constitution d’une nouvelle société dans laquelle l’Homme pourra s’émanciper en reprenant en main son parcours professionnel et scolaire, son temps et ses modalités de travail, ses choix affectifs, relationnels, politiques et culturels, sa santé, son corps et sa destinée sociale toute entière.

Lire tout l’article sur le site de la revue “Politique. Revue de Débats”…

Relire Frantz Fanon aujourd’hui. Sommes-nous sortis de la situation coloniale ?

Fanon

Ca fait maintenant quelques temps que je relis quelques classiques des années ’60. J’avais commencé avec Debord et Marcuse, et je poursuis avec Frantz Fanon, et son célèbre ouvrage “Les Damnés de la terre“.

Comme avec Debord et Marcuse, j’ai l’impression que la lecture, à l’heure actuelle, de ces classiques de la pensée contestatrice, apporte un peu de vent frais aux débats actuels. J’avoue avoir l’impression que les penseurs actuels tournent un peu en rond, avec les outils qu’ils nous proposent pour comprendre le monde présent. De débats télévisés en éditoriaux, de best-sellers en sorties médiatiques, leurs analyses non seulement manquent de prises avec le réel vécu, mais semblent incapables de susciter une mobilisation qui pourrait amener au changement social…

Damnés de la terreBien entendu, un ouvrage qui a plus de 40 ans n’apporte pas de nouvelles réponses aux questions qu’on se pose actuellement à propos du monde social. Il permet par contre de se poser des questions différemment, d’où l’impression de vent frais. Il est évident que Fanon ne peut apporter de réponses à des situations (émeutes en banlieue, etc.) qu’il n’a pas connues, mais ce qu’il écrit sur la situation coloniale peut amener à ses poser – ou se reposer – des questions sur certaines réalités actuelles.

Ce qui m’intéresse particulièrement – et j’avoue que c’est une lecture parcellaire de Fanon – est qu’il décrit le processus par lequel le colonisé reprend le contrôle de son Etre par le processus de libération nationale. “La ‘chose’ colonisée, dit Fanon, devient homme dans le processus même par lequel il se libère” (p.40)*. A partir du moment où l’on décide de reprendre le contrôle de sa destinée sociale, on se libère. C’est précisément un processus d’Empowerment que décrit Fanon. Continue reading Relire Frantz Fanon aujourd’hui. Sommes-nous sortis de la situation coloniale ?

“Don’t Panik” de Médine et Pascal Boniface

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progressiste /pʁɔ.ɡʁɛ.sist/ : Partisan du progrès, d’une modification de la société par des réformes ou la révolution. Larousse : “Aux États-Unis, s’est dit d’un mouvement réformateur combattant les excès de la société industrielle et l’injustice sociale.”

J’aime bien les gens qui sortent du cadre, qui ne se complaisent pas dans les rôles et les discours qu’on attend d’eux. Je savais que c’était le cas de Médine; je connaissais moins Pascal Boniface, directeur de l’Institut de recherches internationales et stratégiques (IRIS).

medine&bonifaceLivreDon’t Panik” est le dialogue entre deux univers, le hip-hop et la recherche. Entre deux personnalités qui ne veulent pas s’enfermer dans leur univers respectif. Et qui témoignent d’une grande ouverture.

L’un comme l’autre tentent d’adopter un point de vue universaliste sur tout un ensemble d’enjeux – en particuliers ceux qui touchent aux particularismes : la religion, l’identité, le racisme, etc. Qu’est-ce que ça signifie d’être Français et musulman, en France aujourd’hui ? En question de fond : a-t-on besoin de hiérarchiser nos identités ? Comment les jeunes musulmans se définissent-ils ? Comment “la société”, les médias, les définissent-ils ? Et comment répondre à la stratégie de la peur à l’égard des musulmans instaurées par certains médias et partis politiques ?

Ce dialogue entre Médine et Pascal Boniface représente un point de vue original et intéressant sur ces enjeux identitaires et sociétaux. Une telle “fraternité” (Pascal Boniface rappelle que le principe de “Fraternité” est souvent oublié derrière ceux de “Liberté” et d'”Egalité”…) est assez rare dans les médias pour que ça vaille la peine de jeter un coup d’oeil dans ce livre !

J’m’enfermerai pas non plus dans l’image du muslim réac’” (Médine, Biopic)

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Relire Marcuse et Debord aujourd’hui…

marcuse

Sérendipité /se.ʁɑ̃.di.pi.te/ féminin : le fait de trouver quelque chose par hasard. Le terme provient d’un conte traditionnel persan “Les Trois Princes de Serendip” de Horace Walpole (1754) dans lequel les héros étaient tout le temps en train de trouver par accident ce qu’ils ne recherchaient pas.

Robert K. Merton, dans “The Travels and Adventures of Serendipity: A Study in Sociological Semantics and the Sociology of Science“, précise que la sérendipité est “l’observation surprenante suivie d’une induction correcte“.

J’ai toujours eu l’impression que la sérendipité pouvait rejoindre une sorte d’instincto-thérapie dans nos choix de lecture. On se laisse guider par des choix de livres qui ont souvent un intérêt intellectuel, sur le moment même, comme si intellectuellement, on savait qu’on avait besoin de ça maintenant.

C’est comme ça que tout dernièrement, ma main s’est posée sur deux ouvrages que j’ai dans ma bibliothèque depuis plus de 10 ans : “La Société du Spectacle” (1967), de Guy Debord, et “Vers la Libération” (1969) d’Herbert Marcuse

Qui lit encore ces deux auteurs actuellement ?

… Et pourtant ! La relecture de ces deux auteurs pourrait susciter de nouvelles questions, à l’aune de la société actuelle. Et surtout susciter de nouvelles prises de position dans le champ actuel de la contestation… Continue reading Relire Marcuse et Debord aujourd’hui…

New Books !

booksDécembre2012

Ferris, Timothy. 2012. The 4-Hour Chef : The Simple Path to Cooking Like a Pro, Learning Anything, and Living the Good Life, New York : New Harvest.

Sanfilippo, Diane. 2012. Practical Paleo : A Customized Approach to Health and a Whole-Foods Lifestyle, Victory Belt Publishing.

MacKenzie, Brian. 2012. Power, Speed, Endurance : A Skill-Based Approach to Endurance Training, Victory Belt Publishing.

Fanon, Frantz. 2002. Les damnés de la terre, Paris : La Découverte.

Equiano, Olaudah. 2012. Ma véridique histoire : Africain, esclave en Amérique, homme libre, Paris : L’Harmattan.

 

Pourquoi ne pas segmenter ses contacts sur les réseaux sociaux ?

Il y a plus de deux ans, j’écrivais un article intitulé “Dois-je accepter mes élèves sur Facebook ? Ou comment devenir un prof 2.0 ?“, qui reste à l’heure actuelle, l’article le plus lu sur ce blog… Cet article m’a également valu de répondre à plusieurs interviews et d’intervenir lors de quelques conférences.

J’y proposais une utilisation des réseaux sociaux, dans laquelle on ne cloisonne pas les différentes parts de son identité. On se présente avec un seul profil, proposant une “image composée mais unique“. Parce que vous n’êtes jamais seulement un prof, ou un amateur de tel style musical, ou le pratiquant de tel sport, etc. Vous êtes tout cela à la fois !

Concrètement, à destination des professeurs, je proposais d’essayer de ne pas créer, par exemple, un profil Facebook réservé à leur identité de prof, et un autre (ou des autres) profil(s) regroupant tout ce qui fait qui ils sont également : leurs goûts artistiques, leurs passions, leurs rêves de voyage, leur vie de parents, leurs engagements citoyens, etc. Un profil unique, mais composé – s’il reste matrisé -, est à mon sens beaucoup plus enrichissant.

POURQUOI ? Parce que si, vous, vous êtes complexes, vos contacts le sont tout autant.

Si l’on segmente ses différents groupes d’appartenance, on a tendance à restreindre chaque contact à une part de son identité, et on ne partage des infos professionnelles qu’à ses collègues, des infos sportives à ses amis de club de sport, des infos musicales à ses amis qu’on catalogue comme amateurs de ce style musical, etc.

L’expérience de n’avoir jamais segmenté m’a montré que la richesse des échanges est dans ces moments inattendus où les gens qu’on connaît (ou croyait connaître) se révèlent sur des sujets qu’on n’attendait pas. Si je prends mes propres réseaux, mes collègues sociologues ou enseignants peuvent effectivement être intéressés par (c-à-d “liker“, commenter, etc.) un article que je partage à propos de l’alimentation paléo ou du CrossFit. Et mes collègues sportifs et les gens que j’entraine peuvent tout à fait être intéressés par une publication que je partage en matière de société, de politique ou de communication. Après tout, les premiers peuvent tout autant être concernés par leur corps et leur santé et les seconds sont aussi des citoyens, qui ont leurs propres opinions sur la chose sociale…

Et les uns comme les autres peuvent apprécier un morceau musical que je partage sur Spotify, une vidéo de Skate sur Youtube, ou un tatouage “épinglé” sur Pinterest

Tout ce partage d’articles, photos, vidéos, entre groupes d’appartenance, n’aurait pas été possible si j’avais segmenté ces groupes et n’avais publié que des infos de sociologie pour mes collègues sociologues, etc…. vous avez compris le principe ! (Je pense d’ailleurs que c’est en cela que Google Plus ne décolle pas : cette richesse des échanges est perdue à cause des “cercles”).

Alors, faites sauter les segmentations (groupes, listes, cercles, restrictions) dans vos contacts, et présentez tout ce qui compose votre identité avec d’autres, tout aussi complexes et composés que vous !

Comment percevez-vous votre volonté ?

De nombreuses recherches existent sur le concept de “volonté”, cette capacité à exercer de l’auto-contrôle. Mais trois chercheurs, dont Carole S. Dweck, l’auteur de “Mindset. The New Psychology of Success” (dont j’ai déjà parlé ici), ont découvert que la manière dont les gens se représentaient la volonté allait déterminer leur capacité à l’exercer.

En effet, celles et ceux qui se représentent la volonté comme une ressource limitée, qui diminue au fur et à mesure qu’on la sollicite, ont plus de chance de voir effectivement leur volonté diminuer au fur et à mesure qu’ils la sollicitent.

Inversement, celles et ceux qui voient la volonté comme une ressource non-limitée, ne connaissent pas de baisse de leur volonté, après une expérience ayant sollicité celle-ci.

Pour le dire simplement, si vous pensez que vous avez déjà dû faire preuve de volonté pour vous lever tôt au matin, pour travailler dur toute la journée et faire du sport le soir, et que vous pensez que votre volonté est une ressource limitée, vous avez plus de chance de manquer de volonté au soir lorsqu’il faudra choisir pour un repas sain.

Au contraire, si vous pensez que votre volonté ne s’épuise pas, tous vos efforts de la journée n’auront aucune conséquence sur vos efforts du soir, en matière d’alimentation par exemple.

C’est même l’inverse, rajouteront certains. Anthony Robbins et Stephen R. Covey, deux célèbres auteurs en développement personnel, parlent de la volonté comme d’un muscle. Il y a un muscle de la prise de décision, dit Robbins (2001 : 49), et comme tout muscle, plus on le sollicite, plus il devient fort. Et Covey (2004 : 292) de prendre l’exemple du sport pour dire que le muscle qu’on travaille le plus en faisant du sport régulièrement est le muscle de la “pro-activité”, qu’on peut comprendre ici comme celui de la volonté…

Percevez la réalité comme vous voulez qu’elle soit !

Cela révèle un point intéressant : la manière dont fonctionne la volonté, en terme de réalité psychologique, a moins d’importance que la manière dont chacun perçoit la volonté.

Nous ne sommes pas guidés par la réalité, mais par notre perception de la réalité (Robbins: 66). C’est notre perception des choses qui va déterminer nos actions (Covey : 28). C’est pourquoi il est primordial de bien choisir ses “métaphores”, ces images qu’on se construit pour s’imaginer les choses qui nous entourent. Ainsi, vous pouvez choisir de considérer que votre volonté est limitée et s’épuise au cours de la journée, ou de considérer que votre volonté est telle un muscle qui se renforce à chaque fois que vous en faites usage. Vous vous êtes levé(e)s tôt ? Très bien, vous avez donc plus de force pour bien déjeuner ! Vous vous êtes levé(e)s tôt et vous avez bien déjeuné ? Très bien, vous êtes bien parti(e)s pour faire un bon repas, sain et équilibré à midi ! Et ainsi de suite toute la journée, en y incluant tout ce qui pourrait solliciter votre volonté, au niveau professionnel, familial, sportif, domestique, etc. Vous avez choisi une métaphore “empowering”, c’est-à-dire qui vous donne du pouvoir sur vous-même.

Une question épistémologique

Ce genre de “prophétie auto-réalisatrice” est bien connue des sociologues, psychologues et philosophes. Toute théorie, quelle soit savante ou issue de la “pensée ordinaire”, comme disait Schütz, a des effets sur la réalité qu’elle exprime. La théorie “performe”, en ce sens qu’elle a un pouvoir “performatif”, de faire advenir ce qu’elle décrit.

Tenter d’agir sur les métaphores qui nous guident est donc une reconnaissance du pouvoir constituant du langage et des schèmes de perception et de pensée que ce langage procure. (voir Bourdieu, 2001: 188)

Références :